Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 08/02/2022, 444780

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B... K... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du 6 avril 2017 fixant à 601,94 euros le montant de la régularisation de charges d'occupation de son logement de fonction pour l'année 2013. Par un jugement n° 1800643 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 19MA02312 du 22 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur contre ce jugement.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 septembre 2020 et 10 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. K....


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'énergie ;
- le code de la défense ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. K..., sous-officier de la gendarmerie nationale, bénéficie d'une concession de logement pour nécessité absolue de service au sein d'une caserne de gendarmerie. Le 6 avril 2017, un avis de régularisation des charges d'occupation de son logement lui a été adressé au titre de l'année 2013 pour un montant de 601,94 euros, déterminé, s'agissant des frais de chauffage collectif au gaz, au prorata de la surface habitable du logement occupé par l'intéressé et du nombre de jours de présence, conformément aux prescriptions d'une circulaire du ministre de l'intérieur n° 102000 du 28 décembre 2011 relative à la gestion des charges d'occupation des logements au sein de la gendarmerie nationale. Par une décision du 9 janvier 2018, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif formé par M. K... contre cet avis de régularisation devant la commission des recours des militaires. Par un jugement du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande de M. K... tendant à l'annulation de cette décision et enjoint au ministre de l'intérieur de lui restituer les sommes prélevées en exécution de la régularisation du 6 avril 2017. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 4145-2 du code de la défense : " Les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d'exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et des obligations particulières en matière d'emploi et de logement en caserne ". Aux termes de l'article D. 2124-75 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux annexés aux casernements bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ". Aux termes de l'article R. 2124-71 du même code : " Le bénéficiaire d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) supporte l'ensemble des réparations locatives et des charges locatives afférentes au logement qu'il occupe, déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d'habitation (...) ". Enfin, aux termes de l'article D. 2124-75-1 de ce même code : " La gratuité du logement accordé en application de l'article D. 2124-75 s'étend à la fourniture de l'eau, à l'exclusion de toutes autres fournitures ".

3. Aux termes de l'article L. 241-9 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout immeuble collectif pourvu d'un chauffage commun doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d'eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif./ Nonobstant toute disposition, convention ou usage contraires, les frais de chauffage et de fourniture d'eau chaude mis à la charge des occupants comprennent, en plus des frais fixes, le coût des quantités de chaleur calculées comme il est dit ci-dessus (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 131-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout immeuble collectif à usage principal d'habitation équipé d'un chauffage commun à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif et fournissant à chacun de ces locaux une quantité de chaleur réglable par l'occupant doit être muni d'appareils permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif. / Ces appareils doivent permettre de mesurer la quantité de chaleur fournie ou une grandeur représentative de celle-ci ". Aux termes de l'article R. 131-7 de ce code : " I. - Dans les immeubles collectifs équipés des appareils prévus à l'article R. 131-2, les frais de chauffage afférents à l'installation commune sont divisés, d'une part, en frais de combustible ou d'énergie et, d'autre part, en autres frais de chauffage tels que les frais relatifs à la conduite et à l'entretien des installations de chauffage et les frais relatifs à l'utilisation d'énergie électrique (ou éventuellement d'autres formes d'énergie) pour le fonctionnement des appareillages, notamment les instruments de régulation, les pompes, les brûleurs et les ventilateurs./ II. - Les frais de combustible ou d'énergie sont répartis entre les locaux desservis en distinguant des frais communs et des frais individuels. / (...) Le total des frais individuels s'obtient par différence entre le total des frais de combustible ou d'énergie et les frais communs (...). Ce total est réparti en fonction des indications fournies par les appareils prévus à l'article R. 131-2, les situations ou configurations thermiquement défavorables des locaux pouvant être prises en compte (...) ".

5. En premier lieu, il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus, ni d'aucun texte législatif ou réglementaire que les casernements ou locaux annexés aux casernements destinés à l'hébergement des personnels de la gendarmerie nationale titulaires d'une concession de logement pour nécessité absolue de service seraient, en tant que tels, soustraits aux règles d'individualisation des charges de chauffage instituées par les dispositions du code de l'énergie et du code de la construction et de l'habitation citées aux points 3 et 4. Il s'en suit qu'en jugeant, alors qu'il n'était pas contesté devant elle que les logements mis à disposition des gendarmes affectés à la caserne dans laquelle est logé le requérant sont regroupés dans un ensemble immobilier comportant un chauffage collectif et pourvus de compteurs calorimétriques, que les règles de péréquation instituées par l'instruction du 28 décembre 2011, sur lesquelles l'administration s'est fondée pour établir l'avis de régularisation des charges notifié à M. K... au titre de l'année 2013, méconnaissaient la règle d'individualisation des charges de chauffage prescrite par les dispositions de l'article R. 131-2 du code de la construction et de l'habitation, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu par le ministre, il ne ressort pas des énonciations de son arrêt que la cour administrative d'appel de Marseille ait interprété l'article R. 2124-71 du code général de la propriété des personnes publiques comme prescrivant des modalités de répartition des charges locatives. Le moyen tiré de ce qu'elle aurait, ce faisant, commis une erreur de droit ne peut, par suite et en tout état de cause, qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B... K....
Délibéré à l'issue de la séance du 26 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. I... J..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. E... N..., Mme A... L..., M. D... H..., M. F... M..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 8 février 2022.
Le président:
Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur
Signé : M. David Guillarme
La secrétaire:
Signé : Mme G... C...



ECLI:FR:CECHR:2022:444780.20220208
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