CAA de LYON, 3ème chambre, 12/01/2022, 20LY00025, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

I°) sous le n° 1701582 :
1°) d'annuler l'arrêté du maire d'Aubière du 22 juin 2016 la plaçant en congé de maladie ordinaire du 6 janvier 2017 au 20 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Aubière du 26 juin 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 6 janvier 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubière la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II°) sous le n° 1800250 :
1°) d'annuler l'arrêté du maire d'Aubière du 22 juin 2016 la plaçant en congé de maladie ordinaire du 6 janvier 2017 au 20 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Aubière du 26 juin 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 6 janvier 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté du maire d'Aubière du 29 décembre 2017 la plaçant en congé de maladie ordinaire du 21 décembre 2017 au 20 mars 2018, à demi-traitement ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Aubière la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

III°) sous le n° 1800738 :
1°) d'annuler l'arrêté du maire d'Aubière du 15 mars 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 6 janvier 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Aubière du 15 mars 2018 la plaçant en congé de maladie ordinaire à plein traitement dans l'attente de l'avis du comité médical relatif à l'octroi d'un congé de longue maladie ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubière la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1701582, 1800250, 1800738 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a joint ces demandes, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les requêtes n° 1701582 et n° 1800250, a annulé les arrêtés du maire d'Aubière du 15 mars 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme B... le 6 janvier 2017 et la plaçant en congé de maladie ordinaire à plein traitement, a mis à la charge de la commune d'Aubière une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2020 et deux mémoires enregistrés le 12 octobre 2020 et le 18 mai 2021, la commune d'Aubière, représentée par Me Maisonneuve (SCP Teillot et associés), avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 novembre 2019 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme B... n'est pas imputable au service, dès lors qu'elle n'établit pas avoir fait l'objet de propos ou d'un comportement inappropriés, qu'elle n'est pas victime de discrimination ou de harcèlement et que la situation dans laquelle elle s'est trouvée trouve son origine dans un fait personnel de l'intéressée.


Par deux mémoires en défense enregistrés le 17 février 2020 et le 22 février 2021, Mme B..., représentée par Me Pitaud Quintin puis par la SCP Jaffeux - Lheritier, avocats, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune d'Aubière la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me Maisonneuve, avocate, représentant la commune d'Aubière ;


Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjointe administrative de deuxième classe, exerçait depuis le 14 avril 2011 les fonctions de secrétaire du maire de la commune d'Aubière. Le 6 janvier 2017, elle a déclaré un accident de service, au motif d'un syndrome anxio-dépressif dû à un différend l'opposant à son supérieur. Par deux décisions du 15 mars 2018, le maire d'Aubière a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident ainsi déclaré et a placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire, à plein traitement à titre provisoire dans l'attente de l'avis du comité médical relatif à l'octroi d'un congé de longue maladie. Saisi par trois requêtes de Mme B..., le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les deux premières de ces requêtes, annulé les arrêtés du maire d'Aubière du 15 mars 2018, par un jugement du 7 novembre 2019 dont la commune d'Aubière relève appel. cette dernière doit ainsi être regardée comme ayant entendu demander l'annulation du seul article 2 du dispositif de ce jugement.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
3. Constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions à la date des faits de l'espèce, tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il en est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service. Ainsi, sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
4. Il ressort des pièces du dossier que le 12 décembre 2016, un différend relatif à l'accueil d'un stagiaire a opposé Mme B... au maire de la commune d'Aubière, celui-ci indiquant, notamment dans deux rapport et courrier rédigés le 13 octobre 2017 et le 1er mars 2018, l'avoir " réprimandée " et lui avoir reproché son " insubordination " et son " irrespect ". La réalité de celui-ci a été confirmée par la directrice générale des services, qui a attesté avoir alors entendu des éclats de voix avant de recevoir Mme B... en pleurs. Le lendemain, un nouveau différend s'est produit, au cours duquel le maire, estimant l'attitude de Mme B... méprisante, lui a indiqué ne plus souhaiter travailler avec elle, ainsi qu'en ont témoigné tant une adjointe alors présente, qu'un usager patientant à proximité. Le jour même, le maire a demandé à ce que celle-ci soit changée de poste, ainsi qu'il ressort de sa note circonstanciée annexée au courrier du 1er mars 2018. Mme B... a alors bénéficié d'un arrêt de travail du 14 décembre 2016 jusqu'au 2 janvier 2017. A son retour, elle a été reçue en entretien le 3 et le 5 janvier 2017 par la directrice générale des services et un directeur général adjoint, qui lui ont proposé le poste d'assistante administrative du chef de la police municipale. Le 6 janvier 2017, elle a déclaré un accident de service et a, à nouveau, été placée en congé de maladie pour un syndrome anxio-depressif.
5. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que, par les réprimandes qu'il a ainsi formulées à l'encontre de Mme B... les 12 et 13 décembre 2016, le maire d'Aubière ait adopté un comportement ou tenu des propos excédant l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique. Il n'en ressort pas davantage que les entretiens du 3 et 5 janvier 2017 auraient été conflictuels, eu égard aux attestations, contradictoires sur ce point, établies par deux participants. Par suite, aucun de ces évènements ne revêtant un caractère soudain et violent, ils ne sauraient être qualifiés d'accident de service, alors même qu'ils auraient généré un syndrome anxio-dépressif chez l'intéressée. Ainsi, le maire d'Aubière n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme B... le 6 janvier 2017 et en la plaçant, en conséquence, en congé de maladie ordinaire.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées, au vu des évènements des 12 et 13 décembre 2016 et des 3 et 5 janvier 2017, pour annuler les arrêtés du maire d'Aubière du 15 mars 2018. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et devant la cour.
7. Comme indiqué au point 5 ci-dessus, il ne résulte nullement des pièces du dossier qu'un événement soudain et violent, survenu du fait ou à l'occasion du service, soit à l'origine de la pathologie de Mme B.... En l'absence d'un tel évènement, Mme B... ne saurait utilement soutenir qu'elle a été victime de harcèlement moral ou de discrimination pour contester le refus du maire d'Aubière de reconnaître l'existence d'un accident de service. Ces moyens ne peuvent dès lors qu'être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Aubière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les arrêtés de son maire en date du 15 mars 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme B... le 6 janvier 2017 et la plaçant en congé de maladie ordinaire.
Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aubière, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme au titre des frais exposés par la commune d'Aubière, en application de ces mêmes dispositions.




DÉCIDE :




Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 novembre 2019 est annulé en tant qu'il annule les arrêtés du maire de la commune d'Aubière du 15 mars 2018.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendant à l'annulation des arrêtés du maire de la commune d'Aubière du 15 mars 2018 et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune d'Aubière est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aubière et à Mme A... B....



Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2022.
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N° 20LY00025



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