Conseil d'État, 8ème chambre, 22/12/2021, 451005, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 8ème chambre, 22/12/2021, 451005, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 8ème chambre
- N° 451005
- ECLI:FR:CECHS:2021:451005.20211222
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
22 décembre 2021
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) El Khomssi a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Par un jugement no 1700929 du 22 février 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19MA01906 du 4 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés contestées et des pénalités correspondantes, annulé dans cette mesure le jugement attaqué et rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par la société El Khomssi.
Par un pourvoi, enregistré le 24 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de la société El Khomssi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société El Khomssi, qui a pour objet social l'acquisition ou la construction de tout bien immobilier ainsi que sa gestion et son exploitation par bail, était, notamment, propriétaire d'un garage de mécanique acquis le 16 janvier 2001 et donné à bail commercial à un professionnel de l'automobile jusqu'en 2011. Après le départ de son locataire, la société a obtenu, le 25 juin 2014, un permis de démolir ce bâtiment et d'édifier sur la parcelle deux immeubles composés chacun de neuf appartements, puis a procédé à la vente des dix-huit appartements, par lots distincts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que cette opération traduisait l'exercice par la société d'une activité commerciale et l'a assujettie en conséquence à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'année 2014. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 février 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que celui-ci, faisant partiellement droit à l'appel formé par la société contre le jugement du 22 février 2019 du tribunal administratif de Nîmes rejetant ses demandes de décharge, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.
2. Aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) ; / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux (...) ". Le 2 de l'article 206 du même code, définissant le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, dispose : " (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel.
3. Pour juger que l'administration n'avait pu légalement assujettir la société à l'impôt sur les sociétés à raison de l'opération décrite au point 1, la cour s'est fondée sur ce que la longueur du délai entre la date d'acquisition du bien en 2001 et la revente en 2014 des biens édifiés sur la parcelle en cause, laquelle faisait suite à une période de location de dix ans en tant que garage automobile, ne permettait pas de tenir pour établie la réalité d'une intention spéculative au moment de l'acquisition.
4. En statuant ainsi et en regardant comme dépourvues d'incidence les modifications dans les conditions d'exploitation de la société intervenues postérieurement à la date d'acquisition de l'immeuble, lesquelles ne sont pas susceptibles de caractériser une intention spéculative à cette date, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à demander l'annulation partielle de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société civile immobilière El Khomssi.
Délibéré à l'issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. D... A..., maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 22 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Marc Vié
La secrétaire :
Signé : Mme C... B...
ECLI:FR:CECHS:2021:451005.20211222
La société civile immobilière (SCI) El Khomssi a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Par un jugement no 1700929 du 22 février 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19MA01906 du 4 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés contestées et des pénalités correspondantes, annulé dans cette mesure le jugement attaqué et rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par la société El Khomssi.
Par un pourvoi, enregistré le 24 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de la société El Khomssi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société El Khomssi, qui a pour objet social l'acquisition ou la construction de tout bien immobilier ainsi que sa gestion et son exploitation par bail, était, notamment, propriétaire d'un garage de mécanique acquis le 16 janvier 2001 et donné à bail commercial à un professionnel de l'automobile jusqu'en 2011. Après le départ de son locataire, la société a obtenu, le 25 juin 2014, un permis de démolir ce bâtiment et d'édifier sur la parcelle deux immeubles composés chacun de neuf appartements, puis a procédé à la vente des dix-huit appartements, par lots distincts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que cette opération traduisait l'exercice par la société d'une activité commerciale et l'a assujettie en conséquence à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'année 2014. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 février 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que celui-ci, faisant partiellement droit à l'appel formé par la société contre le jugement du 22 février 2019 du tribunal administratif de Nîmes rejetant ses demandes de décharge, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.
2. Aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) ; / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux (...) ". Le 2 de l'article 206 du même code, définissant le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, dispose : " (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel.
3. Pour juger que l'administration n'avait pu légalement assujettir la société à l'impôt sur les sociétés à raison de l'opération décrite au point 1, la cour s'est fondée sur ce que la longueur du délai entre la date d'acquisition du bien en 2001 et la revente en 2014 des biens édifiés sur la parcelle en cause, laquelle faisait suite à une période de location de dix ans en tant que garage automobile, ne permettait pas de tenir pour établie la réalité d'une intention spéculative au moment de l'acquisition.
4. En statuant ainsi et en regardant comme dépourvues d'incidence les modifications dans les conditions d'exploitation de la société intervenues postérieurement à la date d'acquisition de l'immeuble, lesquelles ne sont pas susceptibles de caractériser une intention spéculative à cette date, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à demander l'annulation partielle de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société civile immobilière El Khomssi.
Délibéré à l'issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. D... A..., maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 22 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Marc Vié
La secrétaire :
Signé : Mme C... B...