CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 13/12/2021, 21MA03203, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 13/12/2021, 21MA03203, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 6ème chambre
- N° 21MA03203
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
13 décembre 2021
- Président
- Mme HELMLINGER
- Rapporteur
- M. Gilles TAORMINA
- Avocat(s)
- BELLAICHE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par jugement n° 2102083 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, à la demande de M. I... A... B..., annulé les arrêtés de la préfète du Gard des 26 et 27 avril 2021 ordonnant son expulsion, portant fixation du pays de destination et prononçant son assignation à résidence.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2021, la préfète du Gard, demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a siégé à juge unique, alors qu'il était saisi d'une contestation de la légalité d'un arrêté d'expulsion dont les autres arrêtés ne sont que l'accessoire ;
- à supposer même que la composition de la commission d'expulsion soit irrégulière, cette irrégularité est sans incidence sur la légalité des arrêtés querellés, M. A... B... n'ayant été privé de ce fait d'aucune garantie procédurale ;
- la présence en France de M. A... B... constitue une menace d'une exceptionnelle gravité pour l'ordre public, compte tenu de l'importance de son casier judiciaire ;
- condamné à une peine au moins égale à cinq ans d'emprisonnement ferme, en réalité dix ans de réclusion criminelle, il ne peut bénéficier de la protection prévue par l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne justifie pas être entré en France et y résider de manière habituelle depuis l'âge de 13 ans et ne présente aucun élément notable d'intégration socio-professionnelle ;
- s'il s'est marié avec une compatriote avec laquelle il a eu un enfant, son épouse qui ne justifie que d'un séjour récent en France depuis le 23 mai 2018, a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire en date du 21 juin 2021, régulièrement notifié ; son enfant, G... A... B..., née le 4 avril 2019 à Nîmes est en bas-âge et non scolarisée ; M. A... B... ne justifie pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale au Maroc avec son enfant et son épouse qui ont tous la nationalité marocaine ; s'il se prévaut d'une activité professionnelle en qualité d'intérimaire durant quelques mois en 2017 et 2018 et de janvier à février 2019, cette circonstance ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, et son épouse ne justifie d'aucune activité professionnelle.
Par mémoire enregistré le 8 novembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Belaïche, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2021 par le tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler les arrêtés des 26 et 27 avril 2021 de la préfète du Gard ;
3°) d'enjoindre à l'administration, sous astreinte de 50 euros par jour, en application
des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa situation dans le délai de 15 jours à dater de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la mesure d'expulsion a été signée par une autorité incompétente ;
- la commission d'expulsion n'était pas régulièrement composée ;
- l'avis de la commission d'expulsion est insuffisamment motivé ;
- la mesure d'expulsion est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est entré en France à l'âge de 13 ans, qu'il a œuvré pour sa réinsertion et que toute sa famille réside en France ;
- elle porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale dès lors que son père et ses frères et sœurs, de nationalité française ou marocaine, vivent en France, qu'il a obtenu des diplômes lors de son incarcération, et que sa femme et son enfant vivent en France ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que son enfant sera privé de son père ;
- dès lors qu'il est entré en France avant l'âge de 13 ans et qu'il y vit depuis plus de 20 ans, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'expulsion sans méconnaître l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'expulsion et celle l'assignant à résidence doivent être annulées en conséquence de l'illégalité de la mesure d'expulsion.
Le 15 novembre 2021, la préfète du Gard a présenté un mémoire non communiqué.
Par une décision du 1er octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille, M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990.
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.Gilles Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. E... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. La préfète du Gard relève appel du jugement du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé ses arrêtés en date des 26 et 27 avril 2021 ordonnant l'expulsion de M. A... B..., fixant le pays de sa destination et l'assignant à résidence. M. A... B... doit être regardé comme relevant également appel de ce jugement au moins en tant que ses conclusions à fin d'injonction ont été rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 511-3-2 du même code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; / ... 6° Les décisions d'assignation à résidence prévues aux articles L. 561-2, L. 744-9-1 et L. 571-4 du même code. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées en cas de placement en rétention administrative, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure... ".
3. Il résulte de ces dispositions que la procédure dérogatoire prévue par le III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable au jugement des conclusions dirigées contre un arrêté d'expulsion. Ainsi, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes n'était pas compétent pour statuer sur l'arrêté n° 2021-30-028-BCE du 26 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a prononcé l'expulsion de M. A... B.... Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il statue sur cet arrêté et de statuer dans cette seule mesure par la voie de l'évocation.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 portant expulsion :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Frédéric Loiseau, secrétaire général de la préfecture du Gard. Par un arrêté du 8 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Gard du même jour n° 09-2021-063, la préfète du Gard a donné délégation à M. F..., à l'effet de signer dans le cadre de ses permanences, tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, requêtes juridictionnelles relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les mesures d'expulsion des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit, par suite, être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : a) Du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; b) D'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département ; c) D'un conseiller de tribunal administratif ".
6. Il ressort des pièces versées au dossier par la préfète du Gard que la commission d'expulsion qui a été consultée, le 10 mars 2021, sur l'expulsion de M. A... B... était notamment composée de deux magistrats judiciaires, M. C... et M. H..., qui ont été désignés en qualité de titulaire et de suppléant, aux termes d'une ordonnance de roulement de la présidente du tribunal judiciaire de Nîmes datée du 10 décembre 2020, après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet du 9 décembre 2020. Cette désignation ne respecte pas les dispositions précitées de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles deux magistrats titulaires doivent être désignés respectivement par délégation du président du tribunal judiciaire, si celui-ci ne siège pas personnellement, et par l'assemblée générale des magistrats.
7. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. En l'espèce, et dès lors que les deux magistrats judiciaires ont effectivement siégé au sein de de la commission d'expulsion qui a été consultée sur l'expulsion de M. A... B... et que l'assemblée générale des magistrats du tribunal judiciaire de Nîmes avait entériné la désignation d'au moins l'un d'entre eux, l'irrégularité de leur désignation ne peut être regardée ni comme ayant privé M. A... B... d'une quelconque garantie, ni comme ayant été de nature à avoir une influence sur le sens de l'avis émis par la commission puis, par suite, sur celui de la décision de la préfète du Gard. Dès lors, le moyen formulé à ce titre doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " ...Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé... ".
10. En l'espèce, l'avis émis le 10 mars 2021 par la commission d'expulsion mentionne la situation familiale de M. A... B... ainsi que la durée des condamnations pénales dont il a fait l'objet ayant conduit cette commission à considérer que la présence de l'intéressé constituait une menace grave pour l'ordre public et à émettre un avis favorable à son expulsion. Il est ainsi suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cet avis doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ".
12. D'une part, si M. A... B... soutient être entré en France en compagnie de son père, en 1993, à l'âge de 13 ans, aucune pièce ne corrobore ses allégations alors qu'il reconnaît n'avoir pas été scolarisé sur le territoire français.
13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté querellé, que M. A... B... a été condamné à plusieurs reprises depuis 2002, pour une succession de délits dont un vol avec violence et une agression sexuelle, et surtout pour des faits de viol commis le 9 avril 2008 pour lesquels la Cour d'assises d'appel d'Avignon a prononcé à son encontre, le 18 janvier 2012, une peine de dix ans de réclusion criminelle, pour laquelle il a été incarcéré du 11 avril 2008 au 7 septembre 2016. Il a, en outre, fait l'objet, depuis sa sortie de prison, de deux nouvelles procédures judiciaires pour des faits certes plus mineurs de conduite sans assurance, le 5 mai 2017, et de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger, le 29 janvier 2018. Compte tenu de la gravité de ces agissements et de la persistance du requérant dans son comportement pénalement répréhensible après la fin de sa dernière incarcération, la préfète du Gard n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. A... B... sur le sol français où il a purgé, à la date de l'arrêté attaqué, un total de treize ans d'emprisonnement ferme, constituait une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dès lors que le requérant ne justifie pas résider en France depuis l'âge de treize ans, était seul applicable à sa situation.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Si, ainsi qu'il a été dit au point 12, M. A... B... ne justifie pas être entré en France à l'âge de 13 ans, il est, en tout état de cause, constant que ses parents et cinq de ses frères et sœurs résident en France et pour certains d'entre eux ont obtenu la nationalité française et que lui-même s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire à sa majorité. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'il s'est marié avec une compatriote avec laquelle il a eu un enfant, il ne conteste pas que son épouse qui n'est en France que depuis le 23 mai 2018, a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire en date du 21 juin 2021. Leur enfant, G..., née le 4 avril 2019 à Nîmes n'est pas scolarisée et M. A... B... ne justifie pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale au Maroc avec son enfant et son épouse qui ont la nationalité marocaine. Enfin, s'il se prévaut d'une activité professionnelle en qualité d'intérimaire durant quelques mois en 2017 et 2018 et de janvier à février 2019, cette circonstance ne saurait établir la réalité d'une insertion professionnelle et sociale significative. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale, par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme doit être écarté.
16. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
17. Ainsi qu'il a été dit au point 14, il n'existe aucun obstacle à ce que M. A... B... reconstitue sa cellule familiale au Maroc avec son enfant et son épouse qui ont la nationalité marocaine. Dès lors, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Gard aurait méconnu les dispositions précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a prononcé son expulsion.
Sur l'annulation des arrêtés des 26 et 27 avril 2021 portant fixation du pays de destination et assignation à résidence :
19. Il résulte de ce qui précède, aucun moyen propre n'étant dirigé contre ces arrêtés dont la Cour devrait se saisir par la voie de l'effet dévolutif, que la préfète du Gard est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a, par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 portant expulsion, annulé les arrêtés des 26 et 27 avril 2021 portant fixation du pays de destination de M. A... B... et l'assignant à résidence.
Sur le rejet des conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... B... :
20. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à se plaindre du rejet par le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes de ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais d'instance :
21. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise, à ce titre, une somme à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102083 du 7 juillet 2021 du magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nîmes ainsi que les conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. I... A... B... et à Me Bellaïche.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021, où siégeaient :
- Mme Laurence Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. D... Taormina, président assesseur,
- M. Olivier Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2021.
N° 21MA03203 8
Procédure contentieuse antérieure :
Par jugement n° 2102083 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, à la demande de M. I... A... B..., annulé les arrêtés de la préfète du Gard des 26 et 27 avril 2021 ordonnant son expulsion, portant fixation du pays de destination et prononçant son assignation à résidence.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2021, la préfète du Gard, demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a siégé à juge unique, alors qu'il était saisi d'une contestation de la légalité d'un arrêté d'expulsion dont les autres arrêtés ne sont que l'accessoire ;
- à supposer même que la composition de la commission d'expulsion soit irrégulière, cette irrégularité est sans incidence sur la légalité des arrêtés querellés, M. A... B... n'ayant été privé de ce fait d'aucune garantie procédurale ;
- la présence en France de M. A... B... constitue une menace d'une exceptionnelle gravité pour l'ordre public, compte tenu de l'importance de son casier judiciaire ;
- condamné à une peine au moins égale à cinq ans d'emprisonnement ferme, en réalité dix ans de réclusion criminelle, il ne peut bénéficier de la protection prévue par l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne justifie pas être entré en France et y résider de manière habituelle depuis l'âge de 13 ans et ne présente aucun élément notable d'intégration socio-professionnelle ;
- s'il s'est marié avec une compatriote avec laquelle il a eu un enfant, son épouse qui ne justifie que d'un séjour récent en France depuis le 23 mai 2018, a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire en date du 21 juin 2021, régulièrement notifié ; son enfant, G... A... B..., née le 4 avril 2019 à Nîmes est en bas-âge et non scolarisée ; M. A... B... ne justifie pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale au Maroc avec son enfant et son épouse qui ont tous la nationalité marocaine ; s'il se prévaut d'une activité professionnelle en qualité d'intérimaire durant quelques mois en 2017 et 2018 et de janvier à février 2019, cette circonstance ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, et son épouse ne justifie d'aucune activité professionnelle.
Par mémoire enregistré le 8 novembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Belaïche, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2021 par le tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler les arrêtés des 26 et 27 avril 2021 de la préfète du Gard ;
3°) d'enjoindre à l'administration, sous astreinte de 50 euros par jour, en application
des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa situation dans le délai de 15 jours à dater de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la mesure d'expulsion a été signée par une autorité incompétente ;
- la commission d'expulsion n'était pas régulièrement composée ;
- l'avis de la commission d'expulsion est insuffisamment motivé ;
- la mesure d'expulsion est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est entré en France à l'âge de 13 ans, qu'il a œuvré pour sa réinsertion et que toute sa famille réside en France ;
- elle porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale dès lors que son père et ses frères et sœurs, de nationalité française ou marocaine, vivent en France, qu'il a obtenu des diplômes lors de son incarcération, et que sa femme et son enfant vivent en France ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que son enfant sera privé de son père ;
- dès lors qu'il est entré en France avant l'âge de 13 ans et qu'il y vit depuis plus de 20 ans, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'expulsion sans méconnaître l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'expulsion et celle l'assignant à résidence doivent être annulées en conséquence de l'illégalité de la mesure d'expulsion.
Le 15 novembre 2021, la préfète du Gard a présenté un mémoire non communiqué.
Par une décision du 1er octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille, M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990.
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.Gilles Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. E... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. La préfète du Gard relève appel du jugement du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé ses arrêtés en date des 26 et 27 avril 2021 ordonnant l'expulsion de M. A... B..., fixant le pays de sa destination et l'assignant à résidence. M. A... B... doit être regardé comme relevant également appel de ce jugement au moins en tant que ses conclusions à fin d'injonction ont été rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 511-3-2 du même code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; / ... 6° Les décisions d'assignation à résidence prévues aux articles L. 561-2, L. 744-9-1 et L. 571-4 du même code. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées en cas de placement en rétention administrative, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure... ".
3. Il résulte de ces dispositions que la procédure dérogatoire prévue par le III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable au jugement des conclusions dirigées contre un arrêté d'expulsion. Ainsi, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes n'était pas compétent pour statuer sur l'arrêté n° 2021-30-028-BCE du 26 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a prononcé l'expulsion de M. A... B.... Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il statue sur cet arrêté et de statuer dans cette seule mesure par la voie de l'évocation.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 portant expulsion :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Frédéric Loiseau, secrétaire général de la préfecture du Gard. Par un arrêté du 8 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Gard du même jour n° 09-2021-063, la préfète du Gard a donné délégation à M. F..., à l'effet de signer dans le cadre de ses permanences, tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, requêtes juridictionnelles relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les mesures d'expulsion des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit, par suite, être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : a) Du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; b) D'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département ; c) D'un conseiller de tribunal administratif ".
6. Il ressort des pièces versées au dossier par la préfète du Gard que la commission d'expulsion qui a été consultée, le 10 mars 2021, sur l'expulsion de M. A... B... était notamment composée de deux magistrats judiciaires, M. C... et M. H..., qui ont été désignés en qualité de titulaire et de suppléant, aux termes d'une ordonnance de roulement de la présidente du tribunal judiciaire de Nîmes datée du 10 décembre 2020, après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet du 9 décembre 2020. Cette désignation ne respecte pas les dispositions précitées de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles deux magistrats titulaires doivent être désignés respectivement par délégation du président du tribunal judiciaire, si celui-ci ne siège pas personnellement, et par l'assemblée générale des magistrats.
7. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. En l'espèce, et dès lors que les deux magistrats judiciaires ont effectivement siégé au sein de de la commission d'expulsion qui a été consultée sur l'expulsion de M. A... B... et que l'assemblée générale des magistrats du tribunal judiciaire de Nîmes avait entériné la désignation d'au moins l'un d'entre eux, l'irrégularité de leur désignation ne peut être regardée ni comme ayant privé M. A... B... d'une quelconque garantie, ni comme ayant été de nature à avoir une influence sur le sens de l'avis émis par la commission puis, par suite, sur celui de la décision de la préfète du Gard. Dès lors, le moyen formulé à ce titre doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " ...Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé... ".
10. En l'espèce, l'avis émis le 10 mars 2021 par la commission d'expulsion mentionne la situation familiale de M. A... B... ainsi que la durée des condamnations pénales dont il a fait l'objet ayant conduit cette commission à considérer que la présence de l'intéressé constituait une menace grave pour l'ordre public et à émettre un avis favorable à son expulsion. Il est ainsi suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cet avis doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ".
12. D'une part, si M. A... B... soutient être entré en France en compagnie de son père, en 1993, à l'âge de 13 ans, aucune pièce ne corrobore ses allégations alors qu'il reconnaît n'avoir pas été scolarisé sur le territoire français.
13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté querellé, que M. A... B... a été condamné à plusieurs reprises depuis 2002, pour une succession de délits dont un vol avec violence et une agression sexuelle, et surtout pour des faits de viol commis le 9 avril 2008 pour lesquels la Cour d'assises d'appel d'Avignon a prononcé à son encontre, le 18 janvier 2012, une peine de dix ans de réclusion criminelle, pour laquelle il a été incarcéré du 11 avril 2008 au 7 septembre 2016. Il a, en outre, fait l'objet, depuis sa sortie de prison, de deux nouvelles procédures judiciaires pour des faits certes plus mineurs de conduite sans assurance, le 5 mai 2017, et de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger, le 29 janvier 2018. Compte tenu de la gravité de ces agissements et de la persistance du requérant dans son comportement pénalement répréhensible après la fin de sa dernière incarcération, la préfète du Gard n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. A... B... sur le sol français où il a purgé, à la date de l'arrêté attaqué, un total de treize ans d'emprisonnement ferme, constituait une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dès lors que le requérant ne justifie pas résider en France depuis l'âge de treize ans, était seul applicable à sa situation.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Si, ainsi qu'il a été dit au point 12, M. A... B... ne justifie pas être entré en France à l'âge de 13 ans, il est, en tout état de cause, constant que ses parents et cinq de ses frères et sœurs résident en France et pour certains d'entre eux ont obtenu la nationalité française et que lui-même s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire à sa majorité. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'il s'est marié avec une compatriote avec laquelle il a eu un enfant, il ne conteste pas que son épouse qui n'est en France que depuis le 23 mai 2018, a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire en date du 21 juin 2021. Leur enfant, G..., née le 4 avril 2019 à Nîmes n'est pas scolarisée et M. A... B... ne justifie pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale au Maroc avec son enfant et son épouse qui ont la nationalité marocaine. Enfin, s'il se prévaut d'une activité professionnelle en qualité d'intérimaire durant quelques mois en 2017 et 2018 et de janvier à février 2019, cette circonstance ne saurait établir la réalité d'une insertion professionnelle et sociale significative. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale, par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme doit être écarté.
16. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
17. Ainsi qu'il a été dit au point 14, il n'existe aucun obstacle à ce que M. A... B... reconstitue sa cellule familiale au Maroc avec son enfant et son épouse qui ont la nationalité marocaine. Dès lors, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Gard aurait méconnu les dispositions précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a prononcé son expulsion.
Sur l'annulation des arrêtés des 26 et 27 avril 2021 portant fixation du pays de destination et assignation à résidence :
19. Il résulte de ce qui précède, aucun moyen propre n'étant dirigé contre ces arrêtés dont la Cour devrait se saisir par la voie de l'effet dévolutif, que la préfète du Gard est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a, par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 portant expulsion, annulé les arrêtés des 26 et 27 avril 2021 portant fixation du pays de destination de M. A... B... et l'assignant à résidence.
Sur le rejet des conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... B... :
20. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à se plaindre du rejet par le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes de ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais d'instance :
21. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise, à ce titre, une somme à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102083 du 7 juillet 2021 du magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nîmes ainsi que les conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. I... A... B... et à Me Bellaïche.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021, où siégeaient :
- Mme Laurence Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. D... Taormina, président assesseur,
- M. Olivier Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2021.
N° 21MA03203 8