Conseil d'État, , 22/11/2021, 458092, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, , 22/11/2021, 458092, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État -
- N° 458092
- ECLI:FR:CEORD:2021:458092.20211122
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
22 novembre 2021
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Alliance Citoyenne, l'association Contre-Attaque, Mme A... O..., Mme C... H..., Mme I... F..., Mme Q..., Mme G... K..., Mme E... J..., Mme B... M..., Mme C... L..., Mme N... et Mme P... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 31 août 2021 par laquelle le président de la Fédération française de football a rejeté leur demande tendant à l'abrogation ou à la modification de l'article 1er des statuts de la Fédération française de football ;
2°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 1 000 euros pour chacune des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de leur requête ;
- elles justifient d'un intérêt à agir dès lors que, d'une part, les associations ont pour objet statutaire la lutte contre toute forme de discrimination et, d'autre part, que les joueuses ne peuvent pas porter le hijab pendant les compétitions organisées par la Fédération française de football ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, la décision contestée porte atteinte au droit de pratiquer un sport, au droit d'exprimer dans des formes appropriées ses convictions religieuses, à la liberté personnelle, à la liberté de conscience et au respect de la dignité humaine alors qu'aucun intérêt public ne le justifie et, d'autre part, que cette décision a pour effet de marginaliser les joueuses souhaitant porter le hijab ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision contestée porte atteinte à la liberté de conscience dès lors qu'elle fait peser sur les participants aux compétitions sportives une obligation de neutralité non justifiée par des paramètres propres au fonctionnement du service public, tels que l'hygiène ou la sécurité ;
- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il revient au législateur, et non pas à la Fédération française de football, d'encadrer l'exercice de la liberté de conscience ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne répond à aucune nécessité inhérente au bon déroulement des compétitions sportives, qu'il existe un consensus sportif en faveur du port du hijab pendant les compétitions officielles, que le port d'un hijab de sport exclut tout danger pour celles qui le portent et pour les autres joueuses et, enfin qu'elle fait obstacle à la démocratisation du sport.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
3. Aux termes du 1 de l'article 1er des statuts de la Fédération française de football : " (...)/ La Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu'organes chargés d'une mission de service public déléguée par l'Etat, défendent les valeurs fondamentales de la République française et doivent mettre en œuvre les moyens permettant d'empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d'une personne, en raison notamment de (...) ses convictions politiques et religieuses./ Par ailleurs, le respect de la tenue règlementaire et la règle 50 de la Charte olympique assurent la neutralité du sport sur les lieux de pratique./ A ce double titre, sont interdits, à l'occasion de compétitions ou de manifestations organisées sur le territoire de la Fédération ou en lien avec celles-ci : /(...)/- tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance (...) religieuse (...),/- tout acte de prosélytisme (...), /(...)./Toute personne contrevenant à ces dispositions fera l'objet de poursuites disciplinaires et/ou pénales./Les officiels doivent veiller au respect des dispositions susvisées ".
4. Pour justifier l'urgence qui s'attacherait à la suspension de l'exécution de la décision du 31 août 2021 par laquelle le président de la Fédération française de football a rejeté leur demande tendant à l'abrogation ou à la modification de l'article 1er des statuts de la Fédération française de football afin d'autoriser le port du voile islamique ou hijab lors des compétitions sportives organisées par cette fédération, l'association Alliance Citoyenne et autres se bornent à invoquer la circonstance que cette décision, d'une part, porte atteinte au droit de pratiquer un sport, au droit d'exprimer dans des formes appropriées ses convictions religieuses, à la liberté personnelle, à la liberté de conscience et au respect de la dignité humaine alors qu'aucun intérêt public ne le justifie et, d'autre part, a pour effet de marginaliser les joueuses souhaitant porter le voile islamique. Toutefois, l'interdiction de participer aux compétitions sportives organisées par la Fédération française de football, à raison du port d'un signe religieux, ne saurait être regardée comme étant constitutive d'une situation d'urgence de nature à justifier la suspension de l'exécution de la décision contestée, sans attendre le jugement de la requête au fond.
5. La condition d'urgence n'étant pas remplie, la requête présentée par l'association Alliance citoyenne et autres doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'association Alliance Citoyenne et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Alliance Citoyenne, première dénommée.
Copie en sera adressée à la Fédération française de football.
Fait à Paris, le 22 novembre 2021
Signé : Anne Egerszegi
ECLI:FR:CEORD:2021:458092.20211122
Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Alliance Citoyenne, l'association Contre-Attaque, Mme A... O..., Mme C... H..., Mme I... F..., Mme Q..., Mme G... K..., Mme E... J..., Mme B... M..., Mme C... L..., Mme N... et Mme P... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 31 août 2021 par laquelle le président de la Fédération française de football a rejeté leur demande tendant à l'abrogation ou à la modification de l'article 1er des statuts de la Fédération française de football ;
2°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 1 000 euros pour chacune des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de leur requête ;
- elles justifient d'un intérêt à agir dès lors que, d'une part, les associations ont pour objet statutaire la lutte contre toute forme de discrimination et, d'autre part, que les joueuses ne peuvent pas porter le hijab pendant les compétitions organisées par la Fédération française de football ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, la décision contestée porte atteinte au droit de pratiquer un sport, au droit d'exprimer dans des formes appropriées ses convictions religieuses, à la liberté personnelle, à la liberté de conscience et au respect de la dignité humaine alors qu'aucun intérêt public ne le justifie et, d'autre part, que cette décision a pour effet de marginaliser les joueuses souhaitant porter le hijab ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision contestée porte atteinte à la liberté de conscience dès lors qu'elle fait peser sur les participants aux compétitions sportives une obligation de neutralité non justifiée par des paramètres propres au fonctionnement du service public, tels que l'hygiène ou la sécurité ;
- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il revient au législateur, et non pas à la Fédération française de football, d'encadrer l'exercice de la liberté de conscience ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne répond à aucune nécessité inhérente au bon déroulement des compétitions sportives, qu'il existe un consensus sportif en faveur du port du hijab pendant les compétitions officielles, que le port d'un hijab de sport exclut tout danger pour celles qui le portent et pour les autres joueuses et, enfin qu'elle fait obstacle à la démocratisation du sport.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
3. Aux termes du 1 de l'article 1er des statuts de la Fédération française de football : " (...)/ La Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu'organes chargés d'une mission de service public déléguée par l'Etat, défendent les valeurs fondamentales de la République française et doivent mettre en œuvre les moyens permettant d'empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d'une personne, en raison notamment de (...) ses convictions politiques et religieuses./ Par ailleurs, le respect de la tenue règlementaire et la règle 50 de la Charte olympique assurent la neutralité du sport sur les lieux de pratique./ A ce double titre, sont interdits, à l'occasion de compétitions ou de manifestations organisées sur le territoire de la Fédération ou en lien avec celles-ci : /(...)/- tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance (...) religieuse (...),/- tout acte de prosélytisme (...), /(...)./Toute personne contrevenant à ces dispositions fera l'objet de poursuites disciplinaires et/ou pénales./Les officiels doivent veiller au respect des dispositions susvisées ".
4. Pour justifier l'urgence qui s'attacherait à la suspension de l'exécution de la décision du 31 août 2021 par laquelle le président de la Fédération française de football a rejeté leur demande tendant à l'abrogation ou à la modification de l'article 1er des statuts de la Fédération française de football afin d'autoriser le port du voile islamique ou hijab lors des compétitions sportives organisées par cette fédération, l'association Alliance Citoyenne et autres se bornent à invoquer la circonstance que cette décision, d'une part, porte atteinte au droit de pratiquer un sport, au droit d'exprimer dans des formes appropriées ses convictions religieuses, à la liberté personnelle, à la liberté de conscience et au respect de la dignité humaine alors qu'aucun intérêt public ne le justifie et, d'autre part, a pour effet de marginaliser les joueuses souhaitant porter le voile islamique. Toutefois, l'interdiction de participer aux compétitions sportives organisées par la Fédération française de football, à raison du port d'un signe religieux, ne saurait être regardée comme étant constitutive d'une situation d'urgence de nature à justifier la suspension de l'exécution de la décision contestée, sans attendre le jugement de la requête au fond.
5. La condition d'urgence n'étant pas remplie, la requête présentée par l'association Alliance citoyenne et autres doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'association Alliance Citoyenne et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Alliance Citoyenne, première dénommée.
Copie en sera adressée à la Fédération française de football.
Fait à Paris, le 22 novembre 2021
Signé : Anne Egerszegi