Conseil d'État, 7ème chambre, 10/11/2021, 448135, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 7ème chambre, 10/11/2021, 448135, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 7ème chambre
- N° 448135
- ECLI:FR:CECHS:2021:448135.20211110
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
10 novembre 2021
- Rapporteur
- M. Frédéric Gueudar Delahaye
- Avocat(s)
- CABINET ROUSSEAU ET TAPIE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler, d'une part, la décision implicite de la ministre des armées se substituant, après recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires, à la décision du 28 juin 2016 la plaçant en congé de longue maladie pour la période du 10 juin au 9 décembre 2016 en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de sa pathologie et, d'autre part, la décision du 28 juillet 2017 de la ministre des armées se substituant à la décision du 2 décembre 2016 prolongeant son congé de longue maladie pour la période du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017 pour le même motif. Par un jugement n°s 1700999, 1702025 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 19NT01175 du 23 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de Mme D..., annulé ce jugement et, statuant après évocation, rejeté ses demandes ainsi que ses conclusions d'appel.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2020 et 24 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rousseau-Tapie, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., épouse D..., sous-officier, était affectée dans une unité de musique des forces armées depuis juillet 2009. Par une décision du 28 juin 2016, elle a été placée en congé de longue maladie pour la période du 10 juin au 9 décembre 2016. Elle a présenté un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires (CRM) contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie. Mme D... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet intervenue le 27 janvier 2016. Par une décision du 2 décembre 2016, son congé de longue maladie a été prolongé du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017. L'intéressée a de nouveau présenté un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie devant la CRM, qui a fait l'objet d'une décision implicite puis d'une décision explicite de rejet de la ministre des armées, en date du 28 juillet 2017. Par un jugement du 22 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté les demandes de Mme D... dirigées contre ces différentes décisions. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme D... contre ce jugement. Le pourvoi de cette dernière doit être regardé comme dirigé contre l'article 2 de cet arrêt, qui seul lui fait grief.
2. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions (...), ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : / (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ainsi que le traitement sont incompatibles avec le service ".
3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour estimer que la pathologie dont souffre Mme D... n'était pas imputable au service, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé, notamment, que l'ambiance dégradée au sein de l'unité dans laquelle était affectée la requérante ne visait pas spécifiquement celle-ci, qu'une sanction adoptée à son encontre ne présentait pas de caractère vexatoire et que les justificatifs d'absence qui lui étaient demandés ne caractérisaient aucune volonté de lui nuire personnellement. En recherchant ainsi l'existence de comportements de l'administration dirigés spécifiquement contre la requérante pour écarter l'imputabilité au service de la maladie de celle-ci, alors qu'il lui incombait de rechercher l'existence d'un lien direct entre cette pathologie et l'exercice des fonctions de l'intéressée, notamment au regard de son environnement professionnel, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes doit être annulé.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rousseau-Tapie, avocat de Mme D..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 23 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Rousseau-Tapie, avocat de Mme D..., une somme de 3 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D... et à la ministre des armées.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2021 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 10 novembre 2021.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
La secrétaire :
Signé : Mme E... A...
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
ECLI:FR:CECHS:2021:448135.20211110
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler, d'une part, la décision implicite de la ministre des armées se substituant, après recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires, à la décision du 28 juin 2016 la plaçant en congé de longue maladie pour la période du 10 juin au 9 décembre 2016 en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de sa pathologie et, d'autre part, la décision du 28 juillet 2017 de la ministre des armées se substituant à la décision du 2 décembre 2016 prolongeant son congé de longue maladie pour la période du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017 pour le même motif. Par un jugement n°s 1700999, 1702025 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 19NT01175 du 23 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de Mme D..., annulé ce jugement et, statuant après évocation, rejeté ses demandes ainsi que ses conclusions d'appel.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2020 et 24 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rousseau-Tapie, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., épouse D..., sous-officier, était affectée dans une unité de musique des forces armées depuis juillet 2009. Par une décision du 28 juin 2016, elle a été placée en congé de longue maladie pour la période du 10 juin au 9 décembre 2016. Elle a présenté un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires (CRM) contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie. Mme D... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet intervenue le 27 janvier 2016. Par une décision du 2 décembre 2016, son congé de longue maladie a été prolongé du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017. L'intéressée a de nouveau présenté un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie devant la CRM, qui a fait l'objet d'une décision implicite puis d'une décision explicite de rejet de la ministre des armées, en date du 28 juillet 2017. Par un jugement du 22 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté les demandes de Mme D... dirigées contre ces différentes décisions. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme D... contre ce jugement. Le pourvoi de cette dernière doit être regardé comme dirigé contre l'article 2 de cet arrêt, qui seul lui fait grief.
2. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions (...), ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : / (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ainsi que le traitement sont incompatibles avec le service ".
3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour estimer que la pathologie dont souffre Mme D... n'était pas imputable au service, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé, notamment, que l'ambiance dégradée au sein de l'unité dans laquelle était affectée la requérante ne visait pas spécifiquement celle-ci, qu'une sanction adoptée à son encontre ne présentait pas de caractère vexatoire et que les justificatifs d'absence qui lui étaient demandés ne caractérisaient aucune volonté de lui nuire personnellement. En recherchant ainsi l'existence de comportements de l'administration dirigés spécifiquement contre la requérante pour écarter l'imputabilité au service de la maladie de celle-ci, alors qu'il lui incombait de rechercher l'existence d'un lien direct entre cette pathologie et l'exercice des fonctions de l'intéressée, notamment au regard de son environnement professionnel, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes doit être annulé.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rousseau-Tapie, avocat de Mme D..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 23 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Rousseau-Tapie, avocat de Mme D..., une somme de 3 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D... et à la ministre des armées.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2021 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 10 novembre 2021.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
La secrétaire :
Signé : Mme E... A...
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :