Conseil d'État, , 18/10/2021, 457216, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, , 18/10/2021, 457216, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État -
- N° 457216
- ECLI:FR:CEORD:2021:457216.20211018
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
18 octobre 2021
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme C... B... épouse A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier Loewel de Munster l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Par une ordonnance n° 2106449 du 27 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... épouse A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que sa suspension est immédiate, la prive de toute rémunération pour une durée indéterminée alors que son époux fait également l'objet d'une suspension et qu'elle doit subvenir aux besoins de son enfant, étudiant ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît le droit à la vie privée, le droit de disposer de son corps, le respect de son intégrité physique, le principe du consentement libre et éclairé du patient aux soins médicaux qui lui sont prodigués et la liberté individuelle ;
- cette décision n'est pas proportionnée et méconnaît le règlement européen n° 2021/953 du 14 juin 2021 qui interdit les discriminations à l'encontre des personnes ne souhaitant pas obtenir un passe sanitaire et à plus forte raison ne souhaitant pas se faire vacciner ainsi que le principe d'égalité, dès lors que la vaccination obligatoire ne porte ni sur une maladie connue ni sur une maladie pour laquelle il y aurait un consensus quant à l'efficacité du vaccin, qu'elle est privée de sa rémunération et de la possibilité de pouvoir poursuivre son emploi, et que les personnes qui ne sont pas vaccinées en raison d'une contre-indication médicale continuent d'exercer leur profession ;
- elle a été prise irrégulièrement dès lors qu'elle n'a pas été convoquée à un entretien en vue de régulariser sa situation, mais uniquement aux fins de notification de la décision de suspension de ses fonctions ;
- elle méconnaît l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui dispose que la rémunération doit être maintenue en cas de suspension.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
- la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;
- le règlement 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 :/1° Les personnes exerçant leur activité dans :/a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent :/ 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. - (...) B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret./(...)/ III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. (...) ".
3. La décision, fût-elle illégale, suspendant un agent public n'est pas, par son seul objet, de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, même lorsqu'elle est assortie de l'interruption du versement de la rémunération. Toutefois, les motifs sur lesquels se fonde cette décision peuvent, dans certains cas, révéler une telle atteinte.
4. Mme B... épouse A... soutient que l'obligation vaccinale instituée par l'article 12 de la loi du 5 août 2012 et dont le non-respect fonde la décision de suspension qu'elle conteste porte atteinte à des libertés fondamentales.
5. En premier lieu, il est constant que les vaccins contre la covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle de l'Agence européenne du médicament, qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce que soutient le requérant, ils ne sauraient dès lors être regardés comme des médicaments expérimentaux au sens de l'article L. 5121-1-1 du code de la santé publique. Est par suite inopérant le moyen tiré de ce qu'en imposant une vaccination par des médicaments expérimentaux, la loi du 5 août 2021 porteraient atteinte au droit à l'intégrité physique, à la dignité de la personne humaine, au droit à la sécurité et à la vie et au droit de disposer de son corps garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine.
6. En deuxième lieu, le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.
7. L'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Le fait que l'obligation de vaccination concerne aussi des personnels qui ne sont pas en contact direct avec les malades est sans incidence dès lors qu'ils entretiennent nécessairement, eu égard à leur lieu de travail, des interactions avec des professionnels de santé en contact avec ces derniers. Il s'ensuit que, eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi et alors même qu'aucune dérogation personnelle à l'obligation de vaccination n'est prévue en dehors des cas de contre-indication, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'intégrité physique garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans les établissements de santé ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la dignité de la personne humaine invoqué par la requérante au regard de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du pacte international relatif aux droits civils et politiques et du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au droit du patient de donner son consentement libre et éclairé aux soins médicaux qui lui sont prodigués et à la liberté individuelle.
9. En quatrième lieu, si certaines discriminations peuvent, eu égard aux motifs qui les inspirent ou aux effets qu'elles produisent sur l'exercice d'une telle liberté, constituer des atteintes à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la méconnaissance du principe d'égalité ne révèle pas, par elle-même, une atteinte de cette nature. Par suite, la circonstance que les personnes présentant un certificat médical de contre-indication vaccinale ne sont pas susceptibles de faire l'objet de la mesure de suspension prévue par l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ne peut conduire, en tout état de cause, le juge des référés à ordonner des mesures sur le fondement de l'article L. 521-2 précité.
10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, les moyens tirés de ce que la décision contestée aurait été prise selon une procédure irrégulière et en méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que du règlement 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l'UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de covid-19, sont inopérants et ne peuvent donc qu'être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la décision de suspension contestée ne porte aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, Mme B... épouse A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a jugé que la condition tenant à l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, n'était pas remplie.
12. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête de Mme B... épouse A..., selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... B... épouse A....
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Fait à Paris, le 18 octobre 2021.
Signé : Anne Egerszegi
ECLI:FR:CEORD:2021:457216.20211018
Mme C... B... épouse A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier Loewel de Munster l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Par une ordonnance n° 2106449 du 27 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... épouse A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que sa suspension est immédiate, la prive de toute rémunération pour une durée indéterminée alors que son époux fait également l'objet d'une suspension et qu'elle doit subvenir aux besoins de son enfant, étudiant ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît le droit à la vie privée, le droit de disposer de son corps, le respect de son intégrité physique, le principe du consentement libre et éclairé du patient aux soins médicaux qui lui sont prodigués et la liberté individuelle ;
- cette décision n'est pas proportionnée et méconnaît le règlement européen n° 2021/953 du 14 juin 2021 qui interdit les discriminations à l'encontre des personnes ne souhaitant pas obtenir un passe sanitaire et à plus forte raison ne souhaitant pas se faire vacciner ainsi que le principe d'égalité, dès lors que la vaccination obligatoire ne porte ni sur une maladie connue ni sur une maladie pour laquelle il y aurait un consensus quant à l'efficacité du vaccin, qu'elle est privée de sa rémunération et de la possibilité de pouvoir poursuivre son emploi, et que les personnes qui ne sont pas vaccinées en raison d'une contre-indication médicale continuent d'exercer leur profession ;
- elle a été prise irrégulièrement dès lors qu'elle n'a pas été convoquée à un entretien en vue de régulariser sa situation, mais uniquement aux fins de notification de la décision de suspension de ses fonctions ;
- elle méconnaît l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui dispose que la rémunération doit être maintenue en cas de suspension.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
- la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;
- le règlement 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 :/1° Les personnes exerçant leur activité dans :/a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent :/ 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. - (...) B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret./(...)/ III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. (...) ".
3. La décision, fût-elle illégale, suspendant un agent public n'est pas, par son seul objet, de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, même lorsqu'elle est assortie de l'interruption du versement de la rémunération. Toutefois, les motifs sur lesquels se fonde cette décision peuvent, dans certains cas, révéler une telle atteinte.
4. Mme B... épouse A... soutient que l'obligation vaccinale instituée par l'article 12 de la loi du 5 août 2012 et dont le non-respect fonde la décision de suspension qu'elle conteste porte atteinte à des libertés fondamentales.
5. En premier lieu, il est constant que les vaccins contre la covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle de l'Agence européenne du médicament, qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce que soutient le requérant, ils ne sauraient dès lors être regardés comme des médicaments expérimentaux au sens de l'article L. 5121-1-1 du code de la santé publique. Est par suite inopérant le moyen tiré de ce qu'en imposant une vaccination par des médicaments expérimentaux, la loi du 5 août 2021 porteraient atteinte au droit à l'intégrité physique, à la dignité de la personne humaine, au droit à la sécurité et à la vie et au droit de disposer de son corps garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine.
6. En deuxième lieu, le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.
7. L'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Le fait que l'obligation de vaccination concerne aussi des personnels qui ne sont pas en contact direct avec les malades est sans incidence dès lors qu'ils entretiennent nécessairement, eu égard à leur lieu de travail, des interactions avec des professionnels de santé en contact avec ces derniers. Il s'ensuit que, eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi et alors même qu'aucune dérogation personnelle à l'obligation de vaccination n'est prévue en dehors des cas de contre-indication, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'intégrité physique garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans les établissements de santé ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la dignité de la personne humaine invoqué par la requérante au regard de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du pacte international relatif aux droits civils et politiques et du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au droit du patient de donner son consentement libre et éclairé aux soins médicaux qui lui sont prodigués et à la liberté individuelle.
9. En quatrième lieu, si certaines discriminations peuvent, eu égard aux motifs qui les inspirent ou aux effets qu'elles produisent sur l'exercice d'une telle liberté, constituer des atteintes à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la méconnaissance du principe d'égalité ne révèle pas, par elle-même, une atteinte de cette nature. Par suite, la circonstance que les personnes présentant un certificat médical de contre-indication vaccinale ne sont pas susceptibles de faire l'objet de la mesure de suspension prévue par l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ne peut conduire, en tout état de cause, le juge des référés à ordonner des mesures sur le fondement de l'article L. 521-2 précité.
10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, les moyens tirés de ce que la décision contestée aurait été prise selon une procédure irrégulière et en méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que du règlement 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l'UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de covid-19, sont inopérants et ne peuvent donc qu'être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la décision de suspension contestée ne porte aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, Mme B... épouse A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a jugé que la condition tenant à l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, n'était pas remplie.
12. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête de Mme B... épouse A..., selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... B... épouse A....
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Fait à Paris, le 18 octobre 2021.
Signé : Anne Egerszegi