CAA de LYON, 3ème chambre, 13/10/2021, 19LY03475, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de Vimines a rejeté le recours gracieux qu'il lui a adressé le 13 février 2017, tendant au maintien de sa rémunération telle que prévue par le protocole transactionnel du 15 janvier 2016 ;
2°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Vimines de procéder à la régularisation de sa rémunération dans un délai de soixante jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702052 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, M. B..., représenté par Me Degrange, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision du président du centre communal d'action sociale de Vimines du 10 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Vimines de procéder à un rappel de rémunération à compter du 15 janvier 2016, dans un délai de soixante jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Vimines une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le tribunal administratif n'était pas compétent pour écarter l'application du protocole transactionnel signé le 15 janvier 2016, celui-ci constituant un contrat de droit privé ;
- la décision en litige est contraire au protocole transactionnel signé le 15 janvier 2016, lequel est revêtu de l'autorité de la chose jugée en vertu de l'article 2052 du code civil ;
- l'article 2 de ce protocole, en prévoyant le maintien de sa rémunération et non de son traitement, est légal et ne méconnaît ni l'ordre public, ni le principe de rémunération du service fait et le principe de parité entre les fonctions publiques, ni les plafonds applicables au régime indemnitaire ;
- la délibération du 8 décembre 2016, postérieure à la signature de ce protocole, ne lui est pas opposable ;
- il respecte l'ensemble des conditions fixées par ce protocole pour pouvoir prétendre au maintien de sa rémunération.


Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2020, le centre communal d'action sociale de Vimines, représenté par Me Ferstenbert, avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2011-558 du 20 mai 2011;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Ferstenbert, avocat, représentant le centre communal d'action sociale de Vimines ;


Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B... qui, se prévalant d'un protocole transactionnel signé le 15 janvier 2016 avec le centre communal d'action sociale de Vimines, sollicitait l'annulation de la décision du directeur du centre communal procédant à une retenue sur sa rémunération du mois de janvier 2017, ainsi que celle de la décision du 10 mars 2017 rejetant son recours gracieux. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Le recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision prise par un établissement public administratif, tel que le centre communale d'action sociale de Vimines, à l'égard de l'un de ses agents relève de la compétence de la juridiction administrative, indépendamment des moyens soulevés à son appui. Ainsi, et alors même que M. B... invoque la méconnaissance d'un protocole transactionnel précédemment conclu avec son employeur, la juridiction administrative est compétente pour statuer sur son recours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 2044 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ". En vertu de l'article 2052 du même code, un tel contrat a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. L'article 6 du code civil interdit de déroger par convention aux lois qui intéressent l'ordre public. Il résulte de ces dispositions que l'administration peut, ainsi que le rappelle désormais l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration, afin de prévenir ou d'éteindre un litige, légalement conclure avec un particulier un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public.
4. Par ailleurs, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ". Selon l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : "Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine (...). Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum (...) ".
5. En premier lieu, le 15 janvier 2016, le centre communal d'action sociale de Vimines a conclu avec M. B..., qui assurait depuis le 1er juin 2011 les fonctions de directeur du centre de loisirs à temps plein, un protocole d'accord transactionnel prévoyant que celui-ci serait désormais déchargé de ses tâches administratives et d'encadrement, en contrepartie de son engagement à rechercher activement une mutation, et fixant ses nouveaux horaires de service, lequel se trouve ainsi réduit à moins de 25 heures hebdomadaires. Contrairement à ce que prétend M. B..., en stipulant, en son article 2, que " l'agent conservera l'intégralité de sa rémunération actuelle, notamment le régime indemnitaire dont il bénéficie ", ce protocole prévoit le maintien tant de son traitement que de son régime indemnitaire à son niveau antérieur, nonobstant la réduction de son temps de travail, et méconnaît ainsi les règles d'ordre public précitées relatives à la rémunération des fonctionnaires, en prévoyant la rémunération d'un service non fait. Si M. B... soutient que ces stipulations doivent être interprétées comme ne faisant pas obstacle à une réduction de son traitement à proportion de son temps de travail, le centre communal d'action sociale de Vimines ne pouvait, en tout état de cause, pas davantage s'engager à maintenir le niveau de sa rémunération, en compensant la réduction de son traitement par une augmentation corrélative de son régime indemnitaire, sans donner à son engagement un objet illicite. Ni l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), dont le montant doit être déterminé selon la nature des fonctions exercées et l'expérience de l'agent, ni le complément indemnitaire annuel (CIA), qui, variable et éventuellement nul, doit être attribué annuellement après évaluation de l'engagement professionnel et de la manière de servir de l'agent, ne sauraient être fixés indépendamment de ces critères dans le seul but de compenser la perte de traitement inhérente à la réduction du temps de travail d'un agent. Par suite, et eu égard à la nature du vice dont elles sont affectées, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations de cet accord transactionnel, ni n'est fondé à soutenir que celui-ci est revêtu de l'autorité de la chose jugée.
6. En second lieu, compte tenu de ce qui précède, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la délibération du 8 décembre 2016 instaurant le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) au sein du centre communal d'action sociale de Vimines, dont il ne démontre pas l'illégalité par ailleurs, ne lui serait pas opposable, ni ne peut utilement se prévaloir du respect de son engagement à chercher une mutation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation sous astreinte de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Vimines, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... En application de ces mêmes dispositions, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme au titre des frais exposés par le centre communal d'action sociale de Vimines.


DÉCIDE :



Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Vimines en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre communal d'action sociale de Vimines.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, où siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2021.
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N° 19LY03475



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