CAA de PARIS, 9ème chambre, 15/10/2021, 20PA01493, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 9ème chambre, 15/10/2021, 20PA01493, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 9ème chambre
- N° 20PA01493
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
15 octobre 2021
- Président
- M. CARRERE
- Rapporteur
- Mme Sabine BOIZOT
- Avocat(s)
- CABINET MDMH
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 août 2017 portant ordre de mutation pour raison de service, ensemble d'une part, la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable obligatoire et d'autre part, la décision du 3 avril 2019 du ministre de l'intérieur portant rejet de son recours administratif préalable par la commission de recours des militaires.
Par un jugement n° 1805868 du 3 avril 2020, le tribunal administratif de Paris rejeté la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2020 sous le n° 20PA01493, M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805868 du 3 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 21 août 2017 portant ordre de mutation pour raison de service, ensemble la décision de rejet implicite de son recours administratif préalable par la commission de recours des militaires, d'autre part, la décision du 3 avril 2019 du ministre de l'intérieur rejetant son recours administratif préalable ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le rétablir dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il a été privé par les effets des décisions en cause, sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- la décision portant ordre de mutation a été prise sans qu'il ait pu obtenir au préalable la communication complète de son dossier et des éléments sur lesquels cette décision s'est fondée ;
- la commission de recours des militaires ne s'est pas prononcée de manière impartiale ;
- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir et constitue une sanction déguisée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a manqué à aucune de ses obligations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête
Il fait valoir que :
- les conclusions contre la décision initiale de mutation et la décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- les observations de Me Maumont pour M. A....
Une note en délibéré, présentée pour M. A... par Me Maumont, a été enregistrée le 1er octobre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., adjudant de la gendarmerie nationale, sert depuis le 13 mai 1991 au sein du 2ème régiment d'infanterie de la garde républicaine. Il a été affecté à la compagnie de sécurité de l'hôtel Matignon (CSHM) à partir de juillet 2009, où il a assuré successivement les fonctions d'adjoint-chef puis de chef secrétaire et gestionnaire des matériels. Le 21 août 2017, le commandant de la garde républicaine a décidé de sa mutation d'office dans l'intérêt du service, en l'affectant à la compagnie 1/2 de sécurité et d'honneur du même régiment. Le 18 octobre 2017, M. A... a formé un recours administratif préalable à l'encontre de cette décision. Le silence gardé par le ministre de l'intérieur dans le délai de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet de son recours. Toutefois, le 3 avril 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable de M. A... qui a contesté devant le tribunal administratif de Paris les trois décisions précitées. Par un jugement du 3 avril 2020, dont M. A... fait régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 21 août 2017 portant ordre de mutation et la décision de rejet implicite du recours administratif préalable obligatoire par la commission de recours des militaires :
3. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I.- Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) III.- Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : / 1° Concernant le recrutement du militaire, l'exercice du pouvoir disciplinaire, ou pris en application de l'article L. 4139-15-1 (...) ".
4. La décision ministérielle du 3 avril 2019, arrêtant définitivement, après la saisine de la commission des recours des militaires, la position de l'administration, s'est entièrement substituée aux décisions initiales ayant fait l'objet du recours. Ainsi, les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2017 et de la décision implicite de rejet, mentionnées au point 1 du présent arrêt sont, en tout état de cause, devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".
6. En vertu de ces dispositions, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où un agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.
7. Par ailleurs, lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.
8. Il ressort des pièces du dossier que la décision d'engager une procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service à l'encontre de M. A... a été prise au vu, notamment, d'un rapport en date du 9 décembre 2016 établi à l'issue d'une enquête administrative menée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale. L'adjudant A... a été informé par une correspondance en date du 25 juillet 2017 du Général, commandant la Garde républicaine, qu'il était susceptible de faire l'objet prochainement l'objet d'une mutation d'office dans l'intérêt du service pour des motifs tenant à sa personne, exposés dans le rapport du 26 avril 2017 du commandant militaire de l'Hôtel Matignon, et de ce qu'il avait la possibilité de consulter son dossier. Le 8 août 2017, il a indiqué qu'il ne souhaitait pas prendre connaissance de son dossier individuel. Dès lors, le moyen soulevé, tiré de ce que la décision attaquée a été prise sans qu'il ait pu obtenir au préalable la communication complète de son dossier et des éléments sur lesquels cette décision s'est fondée, doit être écarté, M. A... n'ayant pas soutenu que la décision attaquée serait entachée d'une irrégularité résultant de ce que la Commission de recours des militaires n'aurait pas statué au vu d'un dossier complet. Enfin, par ailleurs, si M. A... soutient que deux de ses collègues ont été auditionnés, sans que leurs auditions figurent à son dossier, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces auditions aient donné lieu à un compte-rendu.
9. En deuxième lieu, il convient d'écarter par adoption des mêmes motifs que ceux retenus au point 5 du jugement le moyen tiré du défaut d'impartialité.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité militaire compétente d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels et leur affectation.
11. II ressort des pièces du dossier que, lors de l'enquête administrative diligentée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale, des dysfonctionnements graves ont été constatés au sein de la compagnie de sécurité de l'Hôtel Matignon (CSHM) notamment en matière de contrôle et de stockage des armements et de gestion des personnels. Il est apparu que l'adjudant A... qui était responsable depuis plusieurs années de la gestion du matériel, dont l'armement, au sein de cette unité, n'a pas régulièrement procédé à des contrôles de l'armement en dehors des inspections, qu'il n'a pas diligenté une vérification complète de l'armement et des munitions suite à la constatation de la disparition d'une arme et des munitions et qu'il n'a pas toujours alerté sa hiérarchie sur les difficultés observées dans les conditions de stockage de l'armement alors que cette mission lui incombait. Eu égard à l'étendue de ses missions, qui incluait le suivi de la comptabilité des matériels mentionnés et de l'intégrité des stocks correspondants, et alors même qu'il n'avait pas la responsabilité de l'utilisation de l'armurerie, le sous-officier A... a, en raison des conditions dans lesquelles il a exercé ces missions, non seulement ébranlé la confiance placée en lui par sa hiérarchie et son autorité d'emploi mais également porté atteinte à l'image de la gendarmerie alors qu'il était affecté au sein d'une unité sensible qui requérait un comportement exemplaire. Au regard de ce qui précède, cette situation était de nature à justifier la mutation dans l'intérêt du service de M. A... et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
12. En quatrième lieu, une mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier. En l'espèce, à supposer que la nouvelle affectation du requérant ait généré une diminution de fonctions, il ne ressort pas du dossier que la nouvelle affectation du requérant ne correspondrait pas à ses grade et rémunération en dépit de la perte d'une prime liée à l'exercice des fonctions au sein de la compagnie de sécurité de l'Hôtel Matignon. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été indiqué supra, que le changement d'affectation de M. A... a été décidé dans l'intérêt du service en raison notamment de la perte de confiance de sa hiérarchie et de son autorité d'emploi, et dans le but de permettre le retour à un fonctionnement normal au sein de cette unité, dans laquelle le maintien du requérant ne pouvait être envisagé, sans que la valeur professionnelle de M. A... ait été mise en cause ou que l'administration ait entendu lui infliger une sanction disciplinaire. Ainsi, le déplacement d'office de l'intéressé ne constitue pas une mesure disciplinaire déguisée. Par conséquent, le moyen tiré du caractère de sanction déguisée et du détournement de pouvoir de la décision litigieuse doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2019 du ministre de l'intérieur. Ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 octobre 2021.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA01493
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 août 2017 portant ordre de mutation pour raison de service, ensemble d'une part, la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable obligatoire et d'autre part, la décision du 3 avril 2019 du ministre de l'intérieur portant rejet de son recours administratif préalable par la commission de recours des militaires.
Par un jugement n° 1805868 du 3 avril 2020, le tribunal administratif de Paris rejeté la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2020 sous le n° 20PA01493, M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805868 du 3 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 21 août 2017 portant ordre de mutation pour raison de service, ensemble la décision de rejet implicite de son recours administratif préalable par la commission de recours des militaires, d'autre part, la décision du 3 avril 2019 du ministre de l'intérieur rejetant son recours administratif préalable ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le rétablir dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il a été privé par les effets des décisions en cause, sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- la décision portant ordre de mutation a été prise sans qu'il ait pu obtenir au préalable la communication complète de son dossier et des éléments sur lesquels cette décision s'est fondée ;
- la commission de recours des militaires ne s'est pas prononcée de manière impartiale ;
- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir et constitue une sanction déguisée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a manqué à aucune de ses obligations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête
Il fait valoir que :
- les conclusions contre la décision initiale de mutation et la décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- les observations de Me Maumont pour M. A....
Une note en délibéré, présentée pour M. A... par Me Maumont, a été enregistrée le 1er octobre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., adjudant de la gendarmerie nationale, sert depuis le 13 mai 1991 au sein du 2ème régiment d'infanterie de la garde républicaine. Il a été affecté à la compagnie de sécurité de l'hôtel Matignon (CSHM) à partir de juillet 2009, où il a assuré successivement les fonctions d'adjoint-chef puis de chef secrétaire et gestionnaire des matériels. Le 21 août 2017, le commandant de la garde républicaine a décidé de sa mutation d'office dans l'intérêt du service, en l'affectant à la compagnie 1/2 de sécurité et d'honneur du même régiment. Le 18 octobre 2017, M. A... a formé un recours administratif préalable à l'encontre de cette décision. Le silence gardé par le ministre de l'intérieur dans le délai de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet de son recours. Toutefois, le 3 avril 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable de M. A... qui a contesté devant le tribunal administratif de Paris les trois décisions précitées. Par un jugement du 3 avril 2020, dont M. A... fait régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 21 août 2017 portant ordre de mutation et la décision de rejet implicite du recours administratif préalable obligatoire par la commission de recours des militaires :
3. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I.- Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) III.- Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : / 1° Concernant le recrutement du militaire, l'exercice du pouvoir disciplinaire, ou pris en application de l'article L. 4139-15-1 (...) ".
4. La décision ministérielle du 3 avril 2019, arrêtant définitivement, après la saisine de la commission des recours des militaires, la position de l'administration, s'est entièrement substituée aux décisions initiales ayant fait l'objet du recours. Ainsi, les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2017 et de la décision implicite de rejet, mentionnées au point 1 du présent arrêt sont, en tout état de cause, devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".
6. En vertu de ces dispositions, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où un agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.
7. Par ailleurs, lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.
8. Il ressort des pièces du dossier que la décision d'engager une procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service à l'encontre de M. A... a été prise au vu, notamment, d'un rapport en date du 9 décembre 2016 établi à l'issue d'une enquête administrative menée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale. L'adjudant A... a été informé par une correspondance en date du 25 juillet 2017 du Général, commandant la Garde républicaine, qu'il était susceptible de faire l'objet prochainement l'objet d'une mutation d'office dans l'intérêt du service pour des motifs tenant à sa personne, exposés dans le rapport du 26 avril 2017 du commandant militaire de l'Hôtel Matignon, et de ce qu'il avait la possibilité de consulter son dossier. Le 8 août 2017, il a indiqué qu'il ne souhaitait pas prendre connaissance de son dossier individuel. Dès lors, le moyen soulevé, tiré de ce que la décision attaquée a été prise sans qu'il ait pu obtenir au préalable la communication complète de son dossier et des éléments sur lesquels cette décision s'est fondée, doit être écarté, M. A... n'ayant pas soutenu que la décision attaquée serait entachée d'une irrégularité résultant de ce que la Commission de recours des militaires n'aurait pas statué au vu d'un dossier complet. Enfin, par ailleurs, si M. A... soutient que deux de ses collègues ont été auditionnés, sans que leurs auditions figurent à son dossier, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces auditions aient donné lieu à un compte-rendu.
9. En deuxième lieu, il convient d'écarter par adoption des mêmes motifs que ceux retenus au point 5 du jugement le moyen tiré du défaut d'impartialité.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité militaire compétente d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels et leur affectation.
11. II ressort des pièces du dossier que, lors de l'enquête administrative diligentée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale, des dysfonctionnements graves ont été constatés au sein de la compagnie de sécurité de l'Hôtel Matignon (CSHM) notamment en matière de contrôle et de stockage des armements et de gestion des personnels. Il est apparu que l'adjudant A... qui était responsable depuis plusieurs années de la gestion du matériel, dont l'armement, au sein de cette unité, n'a pas régulièrement procédé à des contrôles de l'armement en dehors des inspections, qu'il n'a pas diligenté une vérification complète de l'armement et des munitions suite à la constatation de la disparition d'une arme et des munitions et qu'il n'a pas toujours alerté sa hiérarchie sur les difficultés observées dans les conditions de stockage de l'armement alors que cette mission lui incombait. Eu égard à l'étendue de ses missions, qui incluait le suivi de la comptabilité des matériels mentionnés et de l'intégrité des stocks correspondants, et alors même qu'il n'avait pas la responsabilité de l'utilisation de l'armurerie, le sous-officier A... a, en raison des conditions dans lesquelles il a exercé ces missions, non seulement ébranlé la confiance placée en lui par sa hiérarchie et son autorité d'emploi mais également porté atteinte à l'image de la gendarmerie alors qu'il était affecté au sein d'une unité sensible qui requérait un comportement exemplaire. Au regard de ce qui précède, cette situation était de nature à justifier la mutation dans l'intérêt du service de M. A... et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
12. En quatrième lieu, une mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier. En l'espèce, à supposer que la nouvelle affectation du requérant ait généré une diminution de fonctions, il ne ressort pas du dossier que la nouvelle affectation du requérant ne correspondrait pas à ses grade et rémunération en dépit de la perte d'une prime liée à l'exercice des fonctions au sein de la compagnie de sécurité de l'Hôtel Matignon. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été indiqué supra, que le changement d'affectation de M. A... a été décidé dans l'intérêt du service en raison notamment de la perte de confiance de sa hiérarchie et de son autorité d'emploi, et dans le but de permettre le retour à un fonctionnement normal au sein de cette unité, dans laquelle le maintien du requérant ne pouvait être envisagé, sans que la valeur professionnelle de M. A... ait été mise en cause ou que l'administration ait entendu lui infliger une sanction disciplinaire. Ainsi, le déplacement d'office de l'intéressé ne constitue pas une mesure disciplinaire déguisée. Par conséquent, le moyen tiré du caractère de sanction déguisée et du détournement de pouvoir de la décision litigieuse doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2019 du ministre de l'intérieur. Ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 octobre 2021.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01493