CAA de LYON, 4ème chambre, 07/10/2021, 21LY00022

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

La société Majolane de Construction a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Montluel à lui régler au titre d'une facture de travaux impayée la somme de 13 275,60 euros, avec application des intérêts moratoires à compter du 20 août 2017.

Par un jugement n° 1903307 du 5 novembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2021, la société Majolane de Construction, représentée par la société Legiavocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Montluel à lui régler cette somme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montluel la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal n'était pas tardive puisqu'aucune décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a été régulièrement notifiée et qu'elle n'a pas eu connaissance de la position de la commune en l'absence de résiliation du marché ou d'une notification écrite de sa position ;
- la commune ne peut refuser de régler la facture au motif qu'elle aurait recouru, à son insu, à un sous-traitant alors que ce n'est pas le cas, que la commune a réceptionné l'ouvrage et que les travaux réalisés sont conformes aux stipulations du marché.


Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2021, non communiqué, la commune de Montluel, représentée par la SCP Jakubowicz, Mallet-Guy et associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Majolane de Construction une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Montluel soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la demande était tardive ;
- le paiement des sommes réclamées n'est pas justifié.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Girardon pour la société Majolane de Construction et celles de Me Grisel pour la commune de Montluel ;


Considérant ce qui suit :

1. La commune de Montluel a confié, par bon de commande du 31 mai 2017, à la société Majolane de Construction les travaux de reprise du pavage de la place Carnot, pour un montant de 13 275,60 euros TTC. En juillet 2017, estimant que les travaux avaient été sous-traités de manière occulte à une autre société sans son accord, la commune a mis en demeure la société Majolane de Construction de régulariser la situation. La société a adressé sa facture le 20 juillet 2017 à la commune de Montluel, qui ne l'a pas acquittée et a contesté les conditions de réalisation du chantier par courrier du 18 août 2017. Une réunion en mairie s'est tenue le 22 septembre 2017, puis, par courriers des 3 et 30 octobre 2017, 4 juin, 9 juillet et 11 octobre 2018, la société a réitéré sa demande de paiement. Le 29 avril 2019, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Montluel à lui régler la somme de 13 275,60 euros, au titre de sa facture de travaux demeurant impayée, avec application des intérêts moratoires à compter du 20 août 2017. Par un jugement du 5 novembre 2020, dont la société Majolane de Construction relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande, motif pris de sa tardiveté.
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. / Les mesures prises pour l'exécution d'un contrat ne constituent pas des décisions au sens du présent article. ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code, dans sa rédaction applicable : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...). / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

3. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux litiges relatifs au règlement financier d'un marché. La prise en compte de l'objectif de sécurité juridique, qui implique notamment que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée, à défaut de stipulation contractuelle invoquée par les parties, par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.
4. Le tribunal a rejeté la demande de la société Majolane de Construction pour tardiveté au motif qu'elle est intervenue au-delà d'un délai raisonnable d'un an à compter du 3 octobre 2017, date à laquelle il était établi qu'elle avait eu connaissance de la décision orale de rejet de sa demande intervenue lors de la réunion en mairie du 22 septembre 2017 mentionnée au point 1. Eu égard à ce qui vient d'être indiqué, et alors que la commune ne s'est prévalue d'aucun délai contractuel de forclusion, la demande présentée par la société Majolane de Construction n'était pas tardive et c'est à tort que le tribunal l'a rejetée pour ce motif. Son jugement en date du 5 novembre 2020 doit, dès lors, être annulé pour irrégularité.
5. Il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit à nouveau statué sur la demande de la société Majolane de Construction.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Montluel une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Majolane de Construction et non compris dans les dépens. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Majolane de Construction à ce titre.
DECIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 5 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : La commune de Montluel versera à la société Majolane de Construction une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Montluel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Majolane de Construction et à la commune de Montluel.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

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N° 21LY00022



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