Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 28/09/2021, 431625

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

MM. Serge H..., Hervé G..., Stephan A..., Thierry C... et Nicolas E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Pauillac (Gironde) de signer, le 11 mai 2016, un contrat de location de locaux professionnels avec Mme D.... Par un jugement n° 1603259 du 4 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision.

Par un arrêt nos 18BX03244, 18BX03245 du 12 avril 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le CCAS de Pauillac contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juin et 16 septembre 2019 et le 19 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CCAS de Pauillac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. H... et des autres défendeurs la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat du centre communal d'action sociale de Pauillac et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. H..., de M. G..., de M. A..., de M. C... et de M. E... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 septembre 2021, présentée par le CCAS de Pauillac ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... H... et quatre autres masseurs-kinésithérapeutes établis à Pauillac ont demandé l'annulation de la décision du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de cette commune de signer, le 11 mai 2016, un contrat de location de locaux professionnels avec Mme D..., exerçant la profession de masseur-kinésithérapeute. Le CCAS de Pauillac se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 avril 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre le jugement du 4 juin 2018 du tribunal administratif de Bordeaux qui avait annulé cette décision.

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le CCAS de Pauillac, la cour administrative d'appel n'a omis de viser aucun texte dont elle ait fait application en statuant par l'arrêt attaqué.

3. En deuxième lieu, une personne publique ne peut légalement louer un bien à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé pour un loyer inférieur à la valeur locative de ce bien, sauf si cette location est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. Par suite, en recherchant si le bail consenti par le CCAS à Mme D... à des conditions préférentielles était justifié par un motif d'intérêt général et comportait des contreparties suffisantes, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En troisième lieu, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni insuffisamment motivé son arrêt, ni commis d'erreur de droit en relevant que, compte tenu du loyer moyen au mètre carré versé par d'autres professionnels de santé pour des locaux situés à Pauillac et des travaux de rénovation du local en litige financés par le CCAS, les conditions du bail conclu avec Mme D... étaient plus favorables que celles du marché.

5. En quatrième lieu, après avoir relevé que le bail en litige a été conclu en vue de favoriser l'installation d'un masseur-kinésithérapeute dans la commune de Pauillac alors que cette dernière ne fait pas partie des zones, déterminées par le directeur général de l'agence régionale de santé, que caractérise une offre insuffisante de soins pour cette profession, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit ni de qualification juridique, que la location du bien pour un loyer inférieur à sa valeur locative n'était pas justifiée par un motif d'intérêt général.

6. Enfin, le motif par lequel la cour a ajouté que la location ne comportait pas de contreparties suffisantes présentant un caractère surabondant, le moyen dirigé contre ce motif doit être écarté comme inopérant.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. H... et les autres défendeurs, que le CCAS de Pauillac n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. H... et des autres défendeurs qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Pauillac, au titre du même article, la somme globale de 3 000 euros à verser à M. H... et autres défendeurs.




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du CCAS de Pauillac est rejeté.
Article 2 : Le CCAS de Pauillac versera à MM. H..., G..., A... et E... une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre communal d'action sociale (CCAS) de Pauillac, à M. B... H..., premier défendeur désigné, et à Mme F... D....

ECLI:FR:CECHR:2021:431625.20210928
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