Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 27/09/2021, 442455
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 27/09/2021, 442455
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 442455
- ECLI:FR:CECHR:2021:442455.20210927
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
27 septembre 2021
- Rapporteur
- M. Alexis Goin
- Avocat(s)
- SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Amica a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Bobigny à lui verser la somme de 1 263 441,85 euros au titre du règlement du marché de travaux de restructuration de la maison de la culture MC 93. Par un jugement n° 1801349 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19VE04331 du 15 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Amica contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 28 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Amica demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bobigny la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Amica et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Bobigny ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte d'engagement du 24 juin 2015, la commune de Bobigny a confié à la société Amica la réalisation des " réseaux scénographiques " dans le cadre de la restructuration de la maison de la culture MC 93, pour un montant de 1 139 620,98 euros. A la suite de retards et de difficultés dans l'exécution des travaux, la société Amica a adressé à la commune de Bobigny une demande de rémunération complémentaire, par un courrier du 9 juin 2017. La commune lui a ensuite notifié deux projets de décomptes généraux du marché, par des courriers des 1er et 7 août 2017. Par un courrier du 18 août 2017, la société Amica a contesté le décompte général du marché. La commune de Bobigny n'ayant pas donné suite à cette lettre, la société requérante a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Bobigny à lui verser une somme de 1 263 441,85 euros, augmentée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande formée par la société Amica. Par l'arrêt du 15 juin 2020 contre lequel celle-ci se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Amica contre ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) : " 50.1. Mémoire en réclamation : / 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ".
3. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.
4. Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles, qui a suffisamment motivé son arrêt, ne l'a pas entaché d'erreur de droit en jugeant que la lettre du 18 août 2017 de la société Amica, laquelle exposait l'un des motifs de sa contestation par référence à un courrier antérieur qui n'était pas joint à son envoi, ne pouvait être regardée, sur ce point, comme remplissant les exigences énoncées à l'article 50.1.1 du CCAG Travaux.
5. En second lieu, la société Amica ne peut utilement soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que le chef de contestation principal était irrecevable au seul motif que deux réclamations accessoires étaient insuffisamment motivées, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les juges du fond ont estimé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que le courrier du 18 août 2017 de la société Amica n'exposait aucun des chefs de sa contestation avec une précision suffisante.
6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Amica ne peut qu'être rejeté, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Amica la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Bobigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Amica est rejeté.
Article 2 : La société Amica versera la somme de 3 000 euros à la commune de Bobigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bobigny et à la société Amica.
ECLI:FR:CECHR:2021:442455.20210927
La société Amica a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Bobigny à lui verser la somme de 1 263 441,85 euros au titre du règlement du marché de travaux de restructuration de la maison de la culture MC 93. Par un jugement n° 1801349 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19VE04331 du 15 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Amica contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 28 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Amica demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bobigny la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Amica et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Bobigny ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte d'engagement du 24 juin 2015, la commune de Bobigny a confié à la société Amica la réalisation des " réseaux scénographiques " dans le cadre de la restructuration de la maison de la culture MC 93, pour un montant de 1 139 620,98 euros. A la suite de retards et de difficultés dans l'exécution des travaux, la société Amica a adressé à la commune de Bobigny une demande de rémunération complémentaire, par un courrier du 9 juin 2017. La commune lui a ensuite notifié deux projets de décomptes généraux du marché, par des courriers des 1er et 7 août 2017. Par un courrier du 18 août 2017, la société Amica a contesté le décompte général du marché. La commune de Bobigny n'ayant pas donné suite à cette lettre, la société requérante a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Bobigny à lui verser une somme de 1 263 441,85 euros, augmentée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande formée par la société Amica. Par l'arrêt du 15 juin 2020 contre lequel celle-ci se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Amica contre ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) : " 50.1. Mémoire en réclamation : / 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ".
3. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.
4. Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles, qui a suffisamment motivé son arrêt, ne l'a pas entaché d'erreur de droit en jugeant que la lettre du 18 août 2017 de la société Amica, laquelle exposait l'un des motifs de sa contestation par référence à un courrier antérieur qui n'était pas joint à son envoi, ne pouvait être regardée, sur ce point, comme remplissant les exigences énoncées à l'article 50.1.1 du CCAG Travaux.
5. En second lieu, la société Amica ne peut utilement soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que le chef de contestation principal était irrecevable au seul motif que deux réclamations accessoires étaient insuffisamment motivées, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les juges du fond ont estimé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que le courrier du 18 août 2017 de la société Amica n'exposait aucun des chefs de sa contestation avec une précision suffisante.
6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Amica ne peut qu'être rejeté, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Amica la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Bobigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Amica est rejeté.
Article 2 : La société Amica versera la somme de 3 000 euros à la commune de Bobigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bobigny et à la société Amica.