CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 13/09/2021, 20MA03415, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Mariani Frères a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Vivario a classé sans suite la procédure de passation d'un marché de travaux en vue de la réhabilitation du réseau d'adduction d'eau potable du chef-lieu et, d'autre part, de condamner cette commune à lui verser la somme de 61 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1800071 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020, la SARL Mariani Frères, représentée par Me Albertini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Vivario a classé sans suite la procédure de passation du marché de travaux de réhabilitation du réseau AEP du chef-lieu ;

3°) de condamner la commune de Vivario à lui verser la somme de 61 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Vivario le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, les premiers juges n'ayant pas répondu à l'argument développé devant eux selon lequel les vices affectant la sécurité juridique de la procédure n'ont pas été communiqués ;
- la décision de classement sans suite, insuffisamment motivée en ce qu'elle n'explicite pas les raisons pour lesquelles la commune a décidé de ne pas attribuer le marché public, méconnait les dispositions de l'article 98 du décret du 25 mars 2016 ;
- les mêmes dispositions ont été également méconnues dès lors qu'elle n'a pas été informée sans délai des raisons qui ont motivé l'abandon de la procédure ;
- l'illégalité de la décision de classement sans suite est à l'origine d'un préjudice ; elle est fondée à être indemnisée des dépenses engagées pour la soumissionner ainsi que de son manque à gagner au regard des chances sérieuses qu'elle avait de se voir attribuer le marché ; à ces titres, elle demande une somme de 61 200 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2021, la commune de Vivario conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- à titre principal, la requête indemnitaire est irrecevable faute de liaison du contentieux ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la SARL Mariani Frères ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2021 à 12h00.

La commune de Vivario a enregistré le 26 août 2021 un mémoire en défense non communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Lelièvre pour la commune de Vivario.





Considérant ce qui suit :



1. La commune de Vivario a lancé une procédure de passation d'un marché public de travaux en vue de la réhabilitation du réseau AEP du chef-lieu. Un groupement d'entreprises comprenant la SARL Mariani Frères, la société SNT Petroni et la SARL Sialelli travaux y a candidaté. Par un courrier du 20 novembre 2017, la commune a classé la procédure sans suite en raison de vices en affectant la sécurité juridique. La SARL Mariani Frères relève appel du jugement n° 1800071 du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à ce que la commune de Vivario soit condamnée à lui verser la somme de 61 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.



Sur le bien-fondé du jugement attaqué :


2. Aux termes de l'article 98 du décret du 25 mars 2016, alors en vigueur : " A tout moment, la procédure peut être déclarée sans suite. Dans ce cas, l'acheteur communique aux opérateurs économiques ayant participé à la procédure, dans les plus brefs délais, les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas attribuer le marché public ou de recommencer la procédure ".



3. Quels que soient la nature et le régime du contrat dont le projet de passation fait l'objet d'un avis d'appel public à la concurrence, la personne publique peut renoncer à contracter, dès lors que cette renonciation repose sur un motif tiré de l'intérêt général qu'elle communique dans les plus brefs délais aux opérateurs économiques ayant participé à la procédure.



4. Si, ainsi que l'a relevé le tribunal au point 3 du jugement attaqué, le maire de la commune de Vivario a indiqué, dans son courrier du 20 novembre 2017, classer la procédure sans suite en raison de l'existence de vices affectant sa sécurité juridique et qui seraient de nature à conduire à l'annulation du contrat en cause si elle était poursuivie, la commune n'a, en revanche, pas indiqué dans ce courrier, même si elle n'était pas tenue d'en donner la liste détaillée, la dénomination générique des vices relevés. Dès lors, la SARL Mariani Frères est fondée à considérer que la décision attaquée ne répondait pas aux exigences de motivation posées par l'article 98 précité du décret du 25 mars 2016. Par suite, c'est à tort que le tribunal de Bastia a considéré que la décision querellée répondait à ces exigences.







5. Compte tenu de ce qui précède, la société Mariani Fréres est donc fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, ni sur la validité du jugement, à demander l'annulation de la décision du 20 novembre 2017 prise par la commune de Vivario.



Sur les conclusions indemnitaires :


6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".



7. Il résulte de l'instruction que la SARL Mariani Frères n'a pas fait précéder les conclusions indemnitaires de sa requête d'une demande préalable. Dès lors, de telles conclusions sont irrecevables.



Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".



9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vivario une somme au titre des frais exposés par la SARL Mariani Frères et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Mariani Frères qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune de Vivario et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800071 du tribunal administratif de Bastia en date du 7 juillet 2020 et la décision du 20 novembre 2017 prise par la commune de Vivario sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Vivario tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mariani Frères et à la commune de Vivario.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou président,
- M. A... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2021.
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