Conseil d'État, 8ème chambre, 18/08/2021, 449593, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 8ème chambre, 18/08/2021, 449593, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 8ème chambre
- N° 449593
- ECLI:FR:CECHS:2021:449593.20210818
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
18 août 2021
- Rapporteur
- M. Sébastien Ferrari
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Versailles, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, à la suite de sa décision du 26 novembre 2020 rejetant le compte de campagne de M. B... C..., candidat aux élections municipales organisées dans la commune de Trappes (Yvelines) les 15 mars et 28 juin 2020.
Par un jugement n° 2008399 du 2 février 2021, ce tribunal, après avoir jugé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit le compte de campagne de M. C..., a déclaré ce dernier inéligible pour une durée d'un an, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes et a proclamé élu M. E....
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 9 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de constater que la CNCCFP a rejeté à tort son compte de campagne ;
3°) de fixer à la somme de 35 863 euros le montant que lui doit l'Etat en remboursement de ses dépenses électorales, en application des dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juillet 2021, présentée par M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) / Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1 (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ".
2. Par une décision du 26 novembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de M. B... C..., tête de la liste " La Gauche unie, pour que Trappes Respire ! " aux élections municipales organisées dans la commune de Trappes (Yvelines) les 15 mars et 28 juin 2020, au motif que celui-ci avait bénéficié, pour sa campagne, d'un financement par une personne morale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral. M. C... relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, sur saisine de la CNCCFP, jugé que cette commission avait rejeté à bon droit son compte de campagne, l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes et a proclamé élu à sa place M. E....
3. Aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : " (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que l'association " Cœurs de Trappes ", créée le 1er juillet 2018 à l'initiative de M. C... et que celui-ci préside, dont l'objet est de proposer " aux habitants un cadre d'organisation pour mobiliser leurs énergies et leurs compétences au service de l'intérêt général " et qui organise des activités socio-culturelles, a procédé à une distribution de 15 000 masques réutilisables à la population de la commune entre les deux tours de l'élection municipale. Présentés par lots de 2, 4 et 10, ces masques étaient accompagnés, pour une partie d'entre eux, d'une notice d'utilisation sur laquelle figurait une photographie de M. C..., en sa qualité de président de l'association, identique à celle utilisée sur ses documents et affiches de propagande électorale. Si ce document ne faisait directement et explicitement référence ni à l'élection municipale, ni à la candidature de M. C..., la distribution gratuite à la population de ces masques en tissu, associée au nom et l'image de campagne du candidat, entre les deux tours de scrutin et au cours d'une période où les masques chirurgicaux n'étaient disponibles qu'en faible quantité, a permis d'assurer la promotion de la candidature de M. C... aux élections municipales. Il en est de même de la distribution par cette association de plusieurs centaines de " kits pédagogiques et ludiques " à destination des enfants A... la commune en avril et mai 2020, également accompagnés d'une photographie de M. C.... Ces distributions, qui n'ont donné lieu à aucune rétribution de l'association de la part du candidat, doivent ainsi être regardées comme constituant un don consenti à celui-ci par une personne morale en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 52-8 du code électoral.
Sur le rejet du compte de campagne :
5. Si les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral ont pour effet d'interdire aux personnes morales, qu'il s'agisse de personnes publiques ou de personnes morales de droit privé à l'exception des partis ou groupements politiques, de consentir à un candidat des dons en nature ou en espèces sous quelque forme et de quelque montant que ce soit, ni l'article L. 52-15 ni aucune autre disposition législative n'obligent la CNCCFP à rejeter le compte d'un candidat faisant apparaître qu'il a bénéficié de la part de personnes morales d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8. Il appartient à cette dernière, sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte.
6. Il résulte de l'instruction, et en particulier des factures fournies, que le coût global de la fabrication des 15 000 masques en litige par des bénévoles de l'association " Cœur de Trappes " s'élève à environ 4 300 euros. Ces masques ont été distribués par lots de 2, 4 ou 10. Sur les 4 000 notices d'utilisation destinées à accompagner ces lots de masques, seuls 800 comportaient la photographie du candidat. Le nombre de masques dont la distribution peut être regardée comme contribuant à la campagne de M. C... se situe ainsi entre 1600 et 8000, pour un coût qui ne saurait excéder 2 293 euros. Il résulte également de l'instruction, et en particulier des factures fournies, que le coût de réalisation des kits pédagogiques et ludiques distribués avec la photographie de M. C... peut être évalué à 1 213 euros. Il en résulte que le montant du don consenti en nature par l'association " Cœur de Trappes " à M. C... s'élève au maximum à environ 3 500 euros.
7. Eu égard à la relative modicité de l'avantage ainsi consenti, qui représente au maximum 7,11 % des dépenses de campagne et 4,6 % du plafond des dépenses autorisées, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif de Versailles a jugé que son compte de campagne avait été rejeté à bon droit par la CNCCFP.
Sur l'inéligibilité de M. C... :
8. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral dans sa version applicable, résultant de l'article 5 de la loi du 2 décembre 2019 : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible :
/ 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. (...) ".
9. Le compte de campagne de M. C... n'ayant pas été rejeté à bon droit, la réintégration des avantages précités faisant apparaître un total de dépenses qui demeure inférieur au plafond légal, qui s'élevait en l'espèce à 72 502 euros pour une liste présente au second tour dans la commune de Trappes, et le candidat ayant déposé son compte de campagne dans les conditions et délais prescrits à l'article L. 52-12, c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a déclaré M. C... inéligible pour une durée d'un an, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes et a proclamé élu M. E... en cette même qualité.
Sur le montant du remboursement des dépenses électorales :
10. Aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne (...) ".
11. Le remboursement ne pouvant excéder le montant des dépenses engagées sur l'apport personnel du candidat et retracées dans son compte de campagne, et le montant de l'apport personnel de M. C... étant, selon son compte de campagne, de 39 185 euros, supérieur au montant du remboursement forfaitaire de la part de l'Etat qui s'élève à 35 863 euros, le remboursement qui lui est dû doit être fixé à cette dernière somme.
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 2 février 2021 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 3 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. C... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral est fixé à 35 863 euros.
Article 4 : Les conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.
ECLI:FR:CECHS:2021:449593.20210818
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Versailles, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, à la suite de sa décision du 26 novembre 2020 rejetant le compte de campagne de M. B... C..., candidat aux élections municipales organisées dans la commune de Trappes (Yvelines) les 15 mars et 28 juin 2020.
Par un jugement n° 2008399 du 2 février 2021, ce tribunal, après avoir jugé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit le compte de campagne de M. C..., a déclaré ce dernier inéligible pour une durée d'un an, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes et a proclamé élu M. E....
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 9 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de constater que la CNCCFP a rejeté à tort son compte de campagne ;
3°) de fixer à la somme de 35 863 euros le montant que lui doit l'Etat en remboursement de ses dépenses électorales, en application des dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juillet 2021, présentée par M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) / Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1 (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ".
2. Par une décision du 26 novembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de M. B... C..., tête de la liste " La Gauche unie, pour que Trappes Respire ! " aux élections municipales organisées dans la commune de Trappes (Yvelines) les 15 mars et 28 juin 2020, au motif que celui-ci avait bénéficié, pour sa campagne, d'un financement par une personne morale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral. M. C... relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, sur saisine de la CNCCFP, jugé que cette commission avait rejeté à bon droit son compte de campagne, l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes et a proclamé élu à sa place M. E....
3. Aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : " (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que l'association " Cœurs de Trappes ", créée le 1er juillet 2018 à l'initiative de M. C... et que celui-ci préside, dont l'objet est de proposer " aux habitants un cadre d'organisation pour mobiliser leurs énergies et leurs compétences au service de l'intérêt général " et qui organise des activités socio-culturelles, a procédé à une distribution de 15 000 masques réutilisables à la population de la commune entre les deux tours de l'élection municipale. Présentés par lots de 2, 4 et 10, ces masques étaient accompagnés, pour une partie d'entre eux, d'une notice d'utilisation sur laquelle figurait une photographie de M. C..., en sa qualité de président de l'association, identique à celle utilisée sur ses documents et affiches de propagande électorale. Si ce document ne faisait directement et explicitement référence ni à l'élection municipale, ni à la candidature de M. C..., la distribution gratuite à la population de ces masques en tissu, associée au nom et l'image de campagne du candidat, entre les deux tours de scrutin et au cours d'une période où les masques chirurgicaux n'étaient disponibles qu'en faible quantité, a permis d'assurer la promotion de la candidature de M. C... aux élections municipales. Il en est de même de la distribution par cette association de plusieurs centaines de " kits pédagogiques et ludiques " à destination des enfants A... la commune en avril et mai 2020, également accompagnés d'une photographie de M. C.... Ces distributions, qui n'ont donné lieu à aucune rétribution de l'association de la part du candidat, doivent ainsi être regardées comme constituant un don consenti à celui-ci par une personne morale en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 52-8 du code électoral.
Sur le rejet du compte de campagne :
5. Si les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral ont pour effet d'interdire aux personnes morales, qu'il s'agisse de personnes publiques ou de personnes morales de droit privé à l'exception des partis ou groupements politiques, de consentir à un candidat des dons en nature ou en espèces sous quelque forme et de quelque montant que ce soit, ni l'article L. 52-15 ni aucune autre disposition législative n'obligent la CNCCFP à rejeter le compte d'un candidat faisant apparaître qu'il a bénéficié de la part de personnes morales d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8. Il appartient à cette dernière, sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte.
6. Il résulte de l'instruction, et en particulier des factures fournies, que le coût global de la fabrication des 15 000 masques en litige par des bénévoles de l'association " Cœur de Trappes " s'élève à environ 4 300 euros. Ces masques ont été distribués par lots de 2, 4 ou 10. Sur les 4 000 notices d'utilisation destinées à accompagner ces lots de masques, seuls 800 comportaient la photographie du candidat. Le nombre de masques dont la distribution peut être regardée comme contribuant à la campagne de M. C... se situe ainsi entre 1600 et 8000, pour un coût qui ne saurait excéder 2 293 euros. Il résulte également de l'instruction, et en particulier des factures fournies, que le coût de réalisation des kits pédagogiques et ludiques distribués avec la photographie de M. C... peut être évalué à 1 213 euros. Il en résulte que le montant du don consenti en nature par l'association " Cœur de Trappes " à M. C... s'élève au maximum à environ 3 500 euros.
7. Eu égard à la relative modicité de l'avantage ainsi consenti, qui représente au maximum 7,11 % des dépenses de campagne et 4,6 % du plafond des dépenses autorisées, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif de Versailles a jugé que son compte de campagne avait été rejeté à bon droit par la CNCCFP.
Sur l'inéligibilité de M. C... :
8. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral dans sa version applicable, résultant de l'article 5 de la loi du 2 décembre 2019 : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible :
/ 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. (...) ".
9. Le compte de campagne de M. C... n'ayant pas été rejeté à bon droit, la réintégration des avantages précités faisant apparaître un total de dépenses qui demeure inférieur au plafond légal, qui s'élevait en l'espèce à 72 502 euros pour une liste présente au second tour dans la commune de Trappes, et le candidat ayant déposé son compte de campagne dans les conditions et délais prescrits à l'article L. 52-12, c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a déclaré M. C... inéligible pour une durée d'un an, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes et a proclamé élu M. E... en cette même qualité.
Sur le montant du remboursement des dépenses électorales :
10. Aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne (...) ".
11. Le remboursement ne pouvant excéder le montant des dépenses engagées sur l'apport personnel du candidat et retracées dans son compte de campagne, et le montant de l'apport personnel de M. C... étant, selon son compte de campagne, de 39 185 euros, supérieur au montant du remboursement forfaitaire de la part de l'Etat qui s'élève à 35 863 euros, le remboursement qui lui est dû doit être fixé à cette dernière somme.
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 2 février 2021 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 3 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. C... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral est fixé à 35 863 euros.
Article 4 : Les conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.