CAA de DOUAI, 2ème chambre, 20/07/2021, 19DA02699, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 septembre 2017 par laquelle la commission de discipline du baccalauréat lui a infligé un blâme, d'enjoindre au recteur de l'académie de Lille, d'une part, de rétablir la note qui lui a été attribuée initialement à l'épreuve écrite de physique-chimie, de lui délivrer en conséquence un nouveau relevé de notes et un nouveau diplôme du baccalauréat dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'autre part, de communiquer le jugement à intervenir aux ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur.

Par un jugement n° 1708794 du 11 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 décembre 2019 et le 28 juin 2021, M. G..., représenté par Me F... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 septembre 2017 de la commission de discipline du baccalauréat lui ayant infligé un blâme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
-
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... D..., première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me F... C..., représentant M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... G..., élève de terminale au lycée Sainte-Marie de Beaucamps-Ligny (Nord) au cours de l'année scolaire 2016-2017, a passé les épreuves du baccalauréat général, série scientifique, dans son lycée, centre d'examen de l'académie de Lille. Au cours de l'épreuve de physique-chimie qui s'est déroulée le 20 juin 2017, un surveillant a constaté que M. G... portait une montre connectée qu'il a confisquée. Saisi d'un rapport d'incident daté du même jour relatant ces faits, le recteur de l'académie de Lille a diligenté à l'encontre de M. G... une procédure disciplinaire, au terme de laquelle l'intéressé s'est vu infliger, par une décision en date du 4 septembre 2017 de la présidente de la commission de discipline du baccalauréat réunie en sa séance du 28 août 2017, un blâme, entraînant la nullité de l'épreuve considérée. Par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 13 septembre 2017, M. G... a formé contre cette sanction un recours gracieux que la présidente de la commission de discipline a rejeté par décision du 19 septembre suivant. Par un jugement du 11 octobre 2019, dont M. G... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction et les conclusions aux fins d'injonction dont elle était assortie.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande, M. G... soutenait devant les premiers juges que l'interdiction faite au président du jury du baccalauréat de siéger au sein de la commission de discipline lorsque l'élève qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire a été évalué par le jury qu'il a présidé, par les dispositions de l'article D. 334-26 du code de l'éducation, a été méconnue dès lors que n'a pas été portée à sa connaissance l'identité du président du jury du baccalauréat ayant délibéré sur ses résultats. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de la commission de discipline du baccalauréat infligeant un blâme à M. G... et les conclusions accessoires dont elles sont assorties :

4. En premier lieu, dès lors que M. G... ne demande l'annulation que de la décision du 4 septembre 2017 par laquelle la commission de discipline du baccalauréat lui a infligé un blâme, les moyens tirés du défaut d'impartialité du jury du baccalauréat dans la correction des copies et dans sa délibération, du défaut d'examen de son livret scolaire par ce jury, des irrégularités entachant la publication des résultats de l'examen, de son relevé de notes et de son diplôme qui aurait été antidaté et signé par une autorité incompétente, doivent être écartés comme étant inopérants.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 334-27 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " En cas de fraude ou de tentative de fraude flagrante commise à l'occasion du baccalauréat, le surveillant responsable de la salle prend toutes mesures pour faire cesser la fraude ou la tentative de fraude, sans interrompre la participation à l'épreuve du ou des candidats. Il saisit les pièces ou matériels permettant d'établir la réalité des faits. / En cas de substitution de personne ou de troubles affectant le déroulement des épreuves, l'expulsion de la salle des examens peut être prononcée par le chef de centre des épreuves du baccalauréat. / Dans tous les cas, le surveillant responsable de la salle dresse un procès-verbal contresigné par le ou les autres surveillants et par le ou les auteurs des faits. En cas de refus de contresigner, mention est portée au procès-verbal. / Le recteur est saisi sans délai des procès-verbaux correspondants. "

6. M. G... soutient d'abord que la sanction qui lui a été infligée est illégale en raison de l'irrégularité des conditions de confiscation et de consultation des données contenues dans sa montre connectée et de l'absence de procès-verbal dressé par le surveillant responsable de la salle d'examen. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le surveillant responsable, en saisissant cet appareil et en l'allumant, a pris les mesures nécessaires pour faire cesser la tentative de fraude et établir la matérialité des faits, ainsi que le lui prescrivent les dispositions précitées de l'article D. 334-27 du code de l'éducation, ces opérations ayant d'ailleurs révélé la présence de copies de cours numérisées en rapport avec l'épreuve de physique-chimie. Par application de ces mêmes dispositions, il a été dressé un rapport d'incident le jour de l'épreuve, signé par deux surveillants présents dans la salle d'examen, le chef du centre d'examen et contresigné par M. G..., valant procès-verbal transmis au recteur de l'académie de Lille. Enfin, M. G... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des préconisations de la circulaire n° 2014-059 du 25 mai 2014 du ministre de l'éducation nationale, ni de celle du 14 avril 2017 du recteur de l'académie d'Aix-Marseille, dès lors que celles-ci n'interdisent en tout état de cause pas la consultation des données d'un appareil électronique saisi au cours d'une épreuve de baccalauréat. Il suit de là que les moyens tirés de l'irrégularité de la confiscation et de la consultation des données de la montre électronique détenue par M. G... et de l'absence de procès-verbal de ces constatations doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article D.334-26 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission de discipline du baccalauréat est présidée par un enseignant-chercheur qui a été nommé en qualité de président du jury du baccalauréat, désigné par le recteur, chancelier des universités. Le président ne peut siéger au sein de la commission lorsque l'élève qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire a été évalué par le jury qu'il a présidé. / Cette commission comprend, outre son président, les personnes suivantes nommées par le recteur : (...) / 5° Un élève inscrit en terminale au titre de l'année au cours de laquelle est organisée la session. Cet élève est désigné sur proposition du conseil académique de la vie lycéenne, parmi les élus de ce conseil. (...) ". Et aux termes de l'article D. 334-31 du code de l'éducation dans sa rédaction applicable au litige : " (...) La commission ne peut valablement délibérer que si quatre membres au moins sont présents. (...) ".

8. En l'espèce, si M. G... soutient que la commission de discipline qui l'a sanctionné était irrégulièrement composée en l'absence d'arrêté fixant sa composition, sans qu'un élève de terminale y ait siégé et dès lors qu'elle comptait parmi ses membres le président de son jury de première session du baccalauréat, le recteur de l'académie de Lille a produit devant la cour l'arrêté du 28 juin 2017 par lequel ont été désignés les membres de ladite commission de discipline au titre de la session du baccalauréat 2017, la convocation de Mme E... en qualité d'élève de terminale appelée à siéger à la commission de discipline du 28 août 2017 et la liste d'émargement des membres présents ainsi que la liste composant le jury de baccalauréat, dont il ressort qu'aucun des membres de ce jury n'a siégé à la commission de discipline du 28 août 2017. Par ailleurs, l'absence de Mme E... à la séance de la commission de discipline du 28 août 2017 n'a pas eu pour effet d'entacher d'irrégularité la procédure disciplinaire, dès lors qu'il ressort de la liste d'émargement que le quorum était atteint, sans qu'il y ait eu lieu d'activer la procédure de suppléance. M. G... n'est donc pas fondé à se prévaloir de l'irrégularité de la composition de la commission de discipline qui lui a infligé la sanction attaquée.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article D. 334-30 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) La séance de la commission de discipline du baccalauréat n'est pas publique. Elle se tient valablement même en l'absence du candidat poursuivi. / Lorsque la commission de discipline du baccalauréat examine l'affaire au fond, son président expose les faits et donne lecture, le cas échéant, des observations écrites produites par l'intéressé. Celui-ci est entendu dans ses explications. Il peut à tout moment, ainsi que son représentant légal s'il est mineur et éventuellement son conseil, demander l'autorisation au président de présenter des observations orales. / (...) Le candidat est invité à présenter ses ultimes observations avant que la commission ne commence à délibérer. (...) ".

10. En l'espèce, si M. G... soutient que les droits de la défense ont été méconnus dès lors qu'il n'est pas établi, notamment par la tenue d'un procès-verbal de séance, que ses observations écrites auraient été lues pendant la séance de la commission de discipline et qu'il n'aurait pas été mis en mesure de présenter des observations orales au cours de la séance, d'une part, aucune disposition légale ou règlementaire, ni aucun principe n'impose la tenue d'un tel procès-verbal de séance, d'autre part, il résulte des mentions non contestées de la décision attaquée que les observations écrites de M. G... ont été visées, que les faits ont été rappelés par son président et que M. G..., assisté de son père, a eu la parole en dernier. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit aussi être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article D. 334-28 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " Les poursuites devant la commission de discipline du baccalauréat sont engagées par le recteur. / Dix jours au moins avant la date de réunion de la commission de discipline du baccalauréat, le recteur convoque le candidat poursuivi et, le cas échéant, son représentant légal par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La convocation comporte l'énoncé des faits reprochés et précise à l'intéressé sous quel délai et dans quel lieu il peut prendre connaissance de son dossier. / Elle mentionne le droit pour l'intéressé de présenter des observations écrites et orales et de se faire assister d'un conseil de son choix ou, le cas échéant, de se faire représenter par ce dernier. " Aux termes de l'article D. 334-29 du même code : " Au regard des observations éventuellement produites et des éléments recueillis, le recteur peut décider de ne pas donner suite aux poursuites. Il en informe l'intéressé et, le cas échéant, son représentant légal. " Et aux termes de l'article D. 334-30 : " Dans le cas contraire, le recteur saisit la commission de discipline du baccalauréat par écrit. Ce document mentionne le nom et l'adresse du candidat poursuivi ainsi que les faits qui lui sont reprochés. Il est accompagné de toutes pièces justificatives. "

12. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des mentions non contestées de la décision attaquée qu'après avoir été saisi du rapport d'incident dressé le 20 juin 2017, valant procès-verbal, le recteur de l'académie de Lille a décidé, le 26 juillet 2017, d'engager des poursuites devant la commission de discipline et de convoquer M. G... par une lettre qui comportait les mentions prescrites par les dispositions précitées de l'article D. 334-28 du code de l'éducation. M. G..., qui avait déjà fait parvenir au recteur de l'académie de Lille des observations les 5, 10 et 12 juillet 2017, a eu accès à son dossier qui a été consulté par son père et a présenté des observations écrites le 17 août 2017. Aucune disposition légale ou règlementaire n'imposait au recteur de joindre au dossier soumis à l'examen de la commission de discipline l'intégralité des observations écrites présentées par l'intéressé. En tout état de cause, les observations écrites des 5, 12 juillet et 17 août 2017 ont été transmises à la commission de discipline et si celles du 10 juillet 2017 ne l'ont pas été, M. G... n'allègue pas avoir été dans l'impossibilité de présenter oralement les informations contenues dans cette lettre, de sorte qu'il n'a été privé d'aucune garantie. Par ailleurs, il ne ressort pas des bulletins de notes de terminale de l'intéressé, ni du rapport d'incident soumis à la commission de discipline, ni d'aucune autre pièce du dossier que l'un des professeurs de M. G... aurait signé le rapport d'incident à l'origine de la saisine de la commission de discipline. Enfin, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que les observations écrites des 5, 12 juillet et 17 août 2017 ont été visées et que celui-ci a eu la parole en dernier. Dans ces conditions, M. G... n'est pas fondé à soutenir que la saisine de la commission de discipline par le recteur de l'académie de Lille serait irrégulière, ni de ce que ce dernier se serait cru en situation de compétence liée en décidant de le poursuivre devant la commission de discipline.

13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et, n'est d'ailleurs pas contesté par M. G..., que ce dernier était porteur d'une montre connectée lors de l'épreuve de physique-chimie du baccalauréat 2017 qui, à l'allumage, s'est révélée porteuse de cours numérisés dans cette matière. S'il est également constant que cet appareil n'était pas allumé au cours de ladite épreuve, M. G..., qui a signé le document attestant de ce qu'il avait été tenu informé de l'interdiction de détenir sur soi des documents ou des matériels, tel un téléphone portable, sous peine de s'exposer à des poursuites, ne pouvait ignorer se placer ainsi en situation de tentative de fraude. Il s'ensuit que c'est sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, que la commission de discipline lui a infligé la sanction de blâme, qui est la sanction la moins sévère prévue au 1° de l'article D. 334-32 du code de l'éducation, en cas de fraude ou tentative de fraude.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. G... tendant à l'annulation de la décision de la commission de discipline en date du 4 septembre 2017 lui infligeant un blâme doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fins d'injonction dont elles sont assorties.


Sur les frais liés à l'instance :

15. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. G... devant le tribunal et devant la cour au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1708794 du tribunal administratif de Lille du 11 octobre 2019 est annulé.


Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Lille et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... et au recteur de l'académie de Lille.
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N°19DA02699



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