Tribunal des Conflits, , 05/07/2021, C4223, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistrée à son secrétariat le 20 mai 2021, l'expédition de la décision n° 438593 en date du 4 février 2021, par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de la société Cari-Fayat tendant à l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a rejeté ses conclusions contre la compagnie Allianz Iard, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré le 28 juin 2021, le mémoire de la SCP Waquet, Farge, Hazan pour la société Cari-Fayat tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par les motifs que, en matière de marchés publics de construction, l'intérêt de la police unique de chantier est de permettre que soient examinés par une même juridiction l'action en responsabilité dirigée contre les constructeurs et l'appel en garantie formé par ces derniers contre leur assureur de responsabilité ;

Vu, enregistré le 2 juillet 2021, le mémoire présenté par la SCP Zribi, Texier pour la société SMAC s'en rapportant à la justice sur la question de compétence posée au Tribunal des conflits ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée aux sociétés Atelier Sauvagé-Ducasse-Harter, Jean-Pierre Mole et Edeis, à la compagnie Allianz Iard, à la commune d'Auch, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit de mémoire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de services ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. B... A..., membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 31 janvier 2001, la commune d'Auch a confié à un groupement d'entreprises solidaire le marché de construction d'un parc de stationnement souterrain. La société d'économie mixte Gers, mandataire de la commune d'Auch, a, le 13 septembre 2002, conclu avec la société AGF, aux droits de laquelle est venue la compagnie Allianz Iard, un contrat d'assurance dénommé " police unique de chantier ", comprenant une assurance dommage-ouvrage au bénéfice de la commune d'Auch, maître d'ouvrage, et une assurance couvrant la responsabilité décennale des constructeurs. Des désordres ayant affecté la construction, la commune d'Auch a assigné les entreprises membres du groupement solidaire en réparation de son préjudice sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Les entreprises assignées ont appelé la compagnie Allianz Iard en garantie. Par jugement du tribunal administratif de Pau du 8 juin 2017, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 décembre 2019, les entreprises ont été condamnées à verser des dommages-intérêts à la commune d'Auch, mais leur appel en garantie dirigé contre la compagnie Allianz Iard a été rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître. Saisi du pourvoi formé par la société Cari-Fayat, anciennement dénommée Carillon BTP Nicoletti, membre du groupement d'entreprises solidaire, tendant à l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté son appel en garantie, le Conseil d'Etat a, par décision du 4 février 2021, renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

2. Aux termes du I de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa version issue du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, applicable en l'espèce : " Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ". Le I de l'article 2 précise : " Les dispositions du présent code s'appliquent : / 1° Aux marchés conclus par l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ; / 2° Aux marchés conclus en vertu d'un mandat donné par une des personnes publiques mentionnées au 1° du présent article, sous réserve des adaptations éventuellement nécessaires auxquelles il est procédé par décret. " Les services d'assurances ont été soumis aux dispositions du code des marchés publics par l'article 1er du décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de services et codifié sur ce point à l'article 29 du code des marchés publics, dans sa version résultant du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004.

3. Aux termes de l'article 2 de loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ".

4. Il ressort de ces dispositions que le contrat par lequel, dans le cadre d'un marché public de construction, une collectivité territoriale souscrit une assurance dommage-ouvrage, a le caractère de contrat administratif. La circonstance que, par le même contrat, elle souscrit également une assurance garantissant la responsabilité décennale du constructeur auquel elle a attribué le marché public de construction, qui s'analyse comme une stipulation pour autrui, ne modifie pas la nature de ce contrat. Le litige relatif à l'exécution d'un tel contrat, y compris en tant qu'il porte sur les obligations de l'assureur stipulées au bénéfice du constructeur, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

5. En conséquence, la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'appel en garantie dirigé par la société Cari-Fayat contre la compagnie Allianz Iard fondé sur la police unique de chantier souscrite par la commune d'Auch, représentée par la SEM Gers, son mandataire.



D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître de l'appel en garantie dirigée par la société Cari-Fayat contre la compagnie Allianz Iard.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Cari-Fayat, SMAC, Atelier Sauvagé-Ducasse-Harter, Jean-Pierre Mole et Edeis, à la compagnie Allianz Iard, à la commune d'Auch, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


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