CAA de LYON, 4ème chambre, 08/07/2021, 20LY03822, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 février 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2001828 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à payer à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.


M. A... soutient que :
- le refus de titre de séjour en qualité de salarié pris par le préfet sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, le préfet ayant opposé des motifs inopérants à cette demande ;
- le refus de titre de séjour, qui n'a pas été précédé comme le prévoit l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour alors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans, est entaché d'un vice de procédure ;
- il méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire, qui repose sur une décision illégale, est, de ce fait illégale ;
- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la durée de sa présence en France ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français.

Le préfet du Rhône, auquel la requête a été régulièrement communiquée, n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme D..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;


Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien né le 13 mars 1987, est, selon ses déclarations, entré en France le 12 décembre 2007 sous couvert d'un visa étudiant. Interpellé en situation irrégulière en 2018, il a fait l'objet le 11 février 2018 d'un arrêté du préfet du Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par jugement du 17 mai 2018, le magistrat délégué a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé. Ce dernier a par ailleurs sollicité le 17 décembre 2018 un titre de séjour. Par arrêté du 5 février 2020 le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 27 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Pour rejeter la demande de régularisation de M. A... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône a indiqué que M. A... s'est prévalu de deux promesses d'embauche dont il a détaillé l'objet. Puis il s'est borné à relever qu'" aucun obstacle n'est allégué ni a fortiori établi concernant l'impossibilité qu'aurait l'intéressé d'exercer une activité professionnelle hors de France ", sans se prononcer ni sur la qualification, l'expérience et les éventuels diplômes de M. A... ainsi que les caractéristiques des emplois auxquels il postule, ni sur les éléments de sa situation personnelle dont il a fait état à l'appui de sa demande, notamment l'ancienneté de son séjour en France. Par suite, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, doivent être annulées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

6. Compte tenu du motif d'annulation du refus de titre de séjour, l'annulation prononcée implique seulement d'enjoindre au préfet du Rhône, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir M. A... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. M. A... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. En conséquence, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, les conclusions présentées par son avocat sur ce fondement doivent être rejetées.


DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Rhône du 5 février 2020 et le jugement n° 2001828 du 27 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône.










Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.

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N° 20LY03822



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