Conseil d'État, 5ème chambre, 14/06/2021, 440547, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices consécutifs à son absence de relogement à hauteur de 114 880 euros. Par un jugement n° 1902673/6-3 du 12 mars 2020, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à ce titre la somme de 8 000 euros à M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 28 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne fait pas intégralement droit à sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., reconnu comme prioritaire et devant être relogé en urgence par une décision de la commission de médiation du département de Paris du 15 mai 2009, en application de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, a invoqué la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision pour demander au tribunal administratif de Paris de le condamner à l'indemniser du préjudice subi. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 mars 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a fixé à 8 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation de cette carence.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 772-5 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes relatives (...), du logement (...), sans préjudice des dispositions du chapitre VIII s'agissant du contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 772-9 du même code : " La procédure contradictoire peut être poursuivie à l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête. / L'instruction est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".

3. Les demandes indemnitaires tendant à la réparation des préjudices ayant résulté de la carence de l'Etat à exécuter une décision de la commission de médiation déclarant un demandeur prioritaire et devant être logé en urgence sont relatives à des droits attribués au titre du logement, sans relever du contentieux défini à l'article R. 778-1 du code de justice administrative. Les dispositions citées au point 2 leur sont, par suite, applicables. Dès lors, conformément au deuxième alinéa de l'article R. 772-9, l'instruction d'une telle demande est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de l'affaire à l'audience.

4. S'il ressort des pièces de la procédure conduite devant le juge du fond que, par une ordonnance du 11 février 2019, l'instruction a été, en méconnaissance de la règle énoncée au point précédent, close à compter du 11 juin 2019, cette instruction a cependant été rouverte par une ordonnance du 8 janvier 2020, notifiée aux parties le même jour. Elle n'a été définitivement close, en application des règles énoncées au point précédent, qu'après que le mandataire du demandeur a formulé ses observations orales à l'audience du 27 février 2020, ainsi qu'il ressort des motifs du jugement attaqué. Le moyen tiré de ce que la clôture de l'instruction par l'ordonnance du 11 février 2019 entacherait d'irrégularité la procédure conduite devant le tribunal administratif doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission. Ces troubles doivent être appréciés en tenant notamment compte des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat.

6. Pour fixer l'indemnisation de M. A..., le tribunal administratif a relevé que celui-ci avait été contraint, durant la période de carence de l'Etat, de recourir à une succession d'hébergements précaires, qu'il justifiait de frais de stockage de ses affaires et qu'il présentait un état de santé particulièrement dégradé. En se fondant sur ces circonstances pour réparer son préjudice au titre des seuls troubles dans les conditions d'existence, qui incluent implicitement mais nécessairement les répercussions de cette situation sur l'état psychique et moral de l'intéressé, il a suffisamment motivé sa décision et n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En tenant compte de ces circonstances pour évaluer l'indemnisation de M. A... à 8 000 euros pour la période courant du 15 novembre 2009 à la date du jugement, il n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas entaché son jugement de dénaturation des pièces du dossier.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... et à la ministre de la transition écologique

ECLI:FR:CECHS:2021:440547.20210614
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