CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 12/05/2021, 19MA01478, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 12/05/2021, 19MA01478, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 5ème chambre
- N° 19MA01478
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
12 mai 2021
- Président
- M. BOCQUET
- Rapporteur
- M. Sylvain MERENNE
- Avocat(s)
- SCP VERNAZ AIDAT ROUAULT GAILLARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Flassans-sur-Issole à leur verser la somme de 7 000 euros, ainsi que la somme de 500 euros par mois à compter du 1er janvier 2016, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'état du chemin de la Prignounède, d'enjoindre au maire de prendre les mesures permettant de mettre fin au dommage et d'annuler la décision du 21 janvier 2016 rejetant leur demande préalable, d'une part, et un courrier du 29 février 2016, d'autre part.
Par un jugement n° 1600608 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande et a condamné M. et Mme B... à verser la somme de 2 000 euros à la commune de Flassans-sur-Issole en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 29 mars, 11 octobre, 30 octobre et 18 novembre 2019, M. et Mme B..., représentés par la SCP Vernaz Aidat Rouault Gaillard, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la décision du 21 janvier 2016 et le courrier du 29 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au maire de Flassans-sur-Issole d'exercer ses pouvoirs de police pour mettre fin au dommage, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune à leur verser la somme de 7 000 euros, ainsi que la somme de 500 euros par mois à compter du 1er janvier 2016 ;
5°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il les a condamnés à verser à la commune la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il ne vise pas leur note en délibéré ;
- il est également entaché d'insuffisance de motivation, dès lors qu'il n'a pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés ;
- les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions du 21 janvier et du 29 février 2016 sont recevables ;
- le courrier du 29 février 2016 relève à tort qu'ils sont propriétaires du chemin ;
- l'autorité de la chose jugée par l'arrêt n° 14MA00077 du 7 juillet 2015 de la cour impose de retenir que ce dernier constitue un chemin rural ;
- elle impose également de retenir la responsabilité de la commune ;
- la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police est établie ;
- les dispositions des articles 640 et 641 du code civil doivent être appliquées ;
- la commune manque à son obligation d'entretenir le chemin ;
- leur préjudice de jouissance est établi ;
- les frais d'huissier constituent des dépens qui peuvent être inclus dans les frais irrépétibles ;
- ils peuvent en tout état de cause être mis à la charge de la commune ;
- la somme mise à leur charge par le tribunal administratif au titre des frais irrépétibles est excessive et inéquitable ;
- la fin de non-recevoir soulevée par la commune est infondée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 octobre 2019 et le 23 juin 2020, la commune de Flassans-sur-Issole, représentée par la SELARL LLC et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par M. et Mme B... ;
2°) de mettre à leur charge la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions dirigées contre plusieurs décisions sont irrecevables, en l'absence d'un lien suffisant entre celles-ci ;
- la juridiction administrative ne peut enjoindre à une commune de réaliser des travaux publics ;
- les moyens soulevés par M. et Mme B... sont infondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'erreur du tribunal administratif sur son office concernant les conclusions dirigées contre le courrier du 21 janvier 2016, et l'irrégularité du jugement attaqué dans cette mesure.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Flassans-sur-Issole.
Une note en délibéré a été enregistrée le 6 mai 2021 pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... sont propriétaires d'une résidence secondaire au lieu-dit la Prignounède, à Flassans-sur-Issole. Ils ont effectué une nouvelle demande préalable à la commune concernant l'état du chemin de la Prignounède par un courrier du 5 janvier 2016, que le maire a rejeté par une décision du 21 janvier 2016. Ils font appel du jugement du 28 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur recours tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune et à l'annulation d'un courrier du 29 février 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait omis de viser la note en délibéré des requérants en date du 7 janvier 2019 manque en fait.
3. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., le tribunal administratif n'a pas écarté la propriété de la commune sur le chemin en question, non plus que la qualification de chemin rural. En outre, le tribunal administratif a retenu que les actes attaqués n'étaient pas susceptibles de recours, et que les préjudices allégués n'étaient pas établis. Ces motifs justifiaient par eux-mêmes le rejet des conclusions à fin d'annulation et des conclusions indemnitaires présentées devant lui. Il n'a donc pas entaché le jugement attaqué d'insuffisance de motivation en s'abstenant de statuer sur les autres moyens invoqués par les parties.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation du courrier du 29 février 2016 :
4. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le courrier du 29 février 2016 par lequel le maire a entendu rappeler leurs obligations aux riverains du chemin est une simple mesure d'information. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., il ne constitue pas la réponse à la demande préalable, qui a été effectuée par une décision du 21 janvier 2016 ainsi qu'il a été rappelé au point 1. Il suit de là que le courrier du 29 février 2016 ne constitue pas un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Le tribunal administratif a rejeté à juste titre les conclusions dirigées à son encontre comme irrecevables.
Sur l'office du juge en ce qui concerne le reste du litige :
5. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.
6. Pour la mise en oeuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.
7. M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif d'un recours présentant un caractère indemnitaire, à l'exception des conclusions examinées au point 4, tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment subir du fait de l'état du chemin d'accès à leur propriété, assorti de conclusions à fin d'injonction visant à ce qu'il soit mis fin au dommage. Le courrier du 21 janvier 2016 du maire de Flassans-sur-Issole répond à la demande préalable des M. et Mme B.... Le tribunal administratif s'est estimé saisi de conclusions tendant à l'annulation de cet acte pour excès de pouvoir, qu'il a rejeté comme ne présentant pas le caractère d'une décision faisant grief, alors que celui-ci constituait la décision liant le contentieux indemnitaire et était ainsi de nature à faire l'objet d'un recours de plein contentieux. L'erreur ainsi commise par le tribunal administratif sur la nature des conclusions dont il était saisi et l'étendue de ses pouvoirs doit être relevée d'office.
8. Cette irrégularité justifie d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 janvier 2016. Celles-ci ayant en réalité été absorbées par les conclusions indemnitaires sur lesquelles le tribunal administratif s'est également prononcé et qui sont examinées ci-après, leur évocation est sans objet.
Sur le fond :
9. L'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime prévoit que " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. "
10. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux. Les communes ne peuvent être tenues à l'entretien des chemins ruraux, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. En outre, le principe du libre accès des riverains à la voie publique est sans incidence sur les obligations d'entretien auxquelles la commune pourrait être soumise.
11. Si le maire de Flassans-sur-Issole a fait part aux voisins des requérants, par deux courriers, en date respectivement du 21 septembre 2005 et du 7 février 2006, de sa volonté, d'une part, de " [s]'employer à résoudre ce problème " et, d'autre part, d'" envisager une intervention pour solutionner ce problème ", ces deux courriers, qui peuvent au demeurant se rapporter à l'exercice des pouvoirs de police, ne matérialisent ni la réalisation de travaux, ni un accord de la commune pour assurer l'entretien du chemin de la Prignounède. La production d'un unique témoignage établi en 2017 par un précédent propriétaire n'est pas un élément de preuve suffisant pour établir que la commune aurait fait bitumer le chemin en 1995. Au demeurant, ce témoignage évoque également le conseil général du Var. Le courrier émanant des voisins des requérants n'est pas non plus un élément de preuve suffisant pour établir que la commune aurait fait couper des herbes hautes. En outre, cette action ne présente pas un caractère répété. La circonstance que les services de la commune aient par deux fois, en 2009 et en 2010, déblayé en urgence le chemin menant à la propriété des voisins des requérants pour leur permettre de sortir de leur propriété relève de l'exercice des pouvoirs de police sur le fondement du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et ne saurait pas davantage caractériser la réalisation par la commune de travaux destinés à assurer ou à améliorer la viabilité du chemin. L'installation de trois panneaux signalétiques à son entrée relève de la police de la voirie routière. Il ne résulte donc pas de l'instruction que la commune ait effectué des travaux sur ce chemin et qu'elle ait ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. Ainsi, à supposer même que la commune soit effectivement propriétaire du chemin dans toute son étendue et que celui-ci ait conservé le caractère d'un chemin rural, le maire est seulement chargé de la police et de la conservation de ce chemin en application des dispositions de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime, citées au point 9.
12. En premier lieu, M. et Mme B... ne peuvent utilement invoquer l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour n° 14MA00077 du 7 juillet 2015, dès lors qu'ils n'étaient pas parties à cette instance.
13. En deuxième lieu, si M. et Mme B... font état des coulées de boue provenant d'un fonds supérieur sur lesquelles la cour a statué par l'arrêt cité au point précédent, ils n'apportent, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, aucun élément de nature à établir leur présence sur les lieux au moment des épisodes pluvieux concernés, alors qu'ils résident en Suède. Les préjudices en lien avec ce fait générateur ne sont donc pas établis.
14. En troisième lieu, les requérants ne produisent aucune pièce de nature à établir que les désordres examinés par l'arrêt de la cour du 7 juillet 2015, dont la cour a relevé le caractère ponctuel, se seraient reproduits postérieurement à cette date. Aucune faute n'est donc établie sur ce point.
15. En quatrième lieu, l'état dégradé de la chaussée et les difficultés d'accès aux propriétés riveraines concernent l'entretien du chemin, et non la police des chemins ruraux. Ces circonstances ne révèlent donc pas une faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police. En outre, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que la commune n'est pas tenue d'assurer l'entretien du chemin en question.
16. En cinquième lieu, le litige n'est pas relatif à une servitude d'écoulement des eaux. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 640 et 641 du code civil est donc inopérant.
17. Enfin, les moyens tirés des vices propres dont serait entachée la décision du 21 janvier 2016 rejetant la demande préalable des requérants sont inopérants.
18. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les frais exposés pour la réalisation de constats d'huissier ne constituent ni des dépens, ni des frais non compris dans les dépens. Le tribunal administratif a donc rejeté à bon droit les conclusions présentées par M. et Mme B... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Si les requérants reprennent ces conclusions en appel sur le terrain indemnitaire, celles-ci doivent être rejetées pour les motifs exposés ci-dessus.
20. M. et Mme B... ont produit sept mémoires et une note en délibéré devant le tribunal administratif. L'ampleur donnée à ces deux instances successives au regard de la nature du litige, qui porte sur l'entretien du chemin d'accès à leur résidence secondaire, a suscité des frais significatifs pour une commune de 3 500 habitants, qui a recouru au ministère d'un avocat. Par ailleurs, M. et Mme B... n'invoquent pas une situation économique difficile et présentaient eux-mêmes des conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative d'un montant voisin à celui des conclusions de la commune, auxquelles le tribunal administratif n'a fait que partiellement droit. L'équité ne s'opposait pas donc à ce que le tribunal administratif mette à leur charge le versement à la commune de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
21. Il y a lieu, en outre, de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement d'une nouvelle somme de 1 500 euros à la commune de Flassans-sur-Issole au titre des frais qu'elle a exposés en appel.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 21 janvier 2016.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B... est rejeté.
Article 3 : M. et Mme B... verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Flassans-sur-Issole en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et à la commune de Flassans-sur-Issole.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2021.
2
No 19MA01478
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Flassans-sur-Issole à leur verser la somme de 7 000 euros, ainsi que la somme de 500 euros par mois à compter du 1er janvier 2016, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'état du chemin de la Prignounède, d'enjoindre au maire de prendre les mesures permettant de mettre fin au dommage et d'annuler la décision du 21 janvier 2016 rejetant leur demande préalable, d'une part, et un courrier du 29 février 2016, d'autre part.
Par un jugement n° 1600608 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande et a condamné M. et Mme B... à verser la somme de 2 000 euros à la commune de Flassans-sur-Issole en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 29 mars, 11 octobre, 30 octobre et 18 novembre 2019, M. et Mme B..., représentés par la SCP Vernaz Aidat Rouault Gaillard, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la décision du 21 janvier 2016 et le courrier du 29 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au maire de Flassans-sur-Issole d'exercer ses pouvoirs de police pour mettre fin au dommage, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune à leur verser la somme de 7 000 euros, ainsi que la somme de 500 euros par mois à compter du 1er janvier 2016 ;
5°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il les a condamnés à verser à la commune la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il ne vise pas leur note en délibéré ;
- il est également entaché d'insuffisance de motivation, dès lors qu'il n'a pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés ;
- les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions du 21 janvier et du 29 février 2016 sont recevables ;
- le courrier du 29 février 2016 relève à tort qu'ils sont propriétaires du chemin ;
- l'autorité de la chose jugée par l'arrêt n° 14MA00077 du 7 juillet 2015 de la cour impose de retenir que ce dernier constitue un chemin rural ;
- elle impose également de retenir la responsabilité de la commune ;
- la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police est établie ;
- les dispositions des articles 640 et 641 du code civil doivent être appliquées ;
- la commune manque à son obligation d'entretenir le chemin ;
- leur préjudice de jouissance est établi ;
- les frais d'huissier constituent des dépens qui peuvent être inclus dans les frais irrépétibles ;
- ils peuvent en tout état de cause être mis à la charge de la commune ;
- la somme mise à leur charge par le tribunal administratif au titre des frais irrépétibles est excessive et inéquitable ;
- la fin de non-recevoir soulevée par la commune est infondée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 octobre 2019 et le 23 juin 2020, la commune de Flassans-sur-Issole, représentée par la SELARL LLC et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par M. et Mme B... ;
2°) de mettre à leur charge la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions dirigées contre plusieurs décisions sont irrecevables, en l'absence d'un lien suffisant entre celles-ci ;
- la juridiction administrative ne peut enjoindre à une commune de réaliser des travaux publics ;
- les moyens soulevés par M. et Mme B... sont infondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'erreur du tribunal administratif sur son office concernant les conclusions dirigées contre le courrier du 21 janvier 2016, et l'irrégularité du jugement attaqué dans cette mesure.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Flassans-sur-Issole.
Une note en délibéré a été enregistrée le 6 mai 2021 pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... sont propriétaires d'une résidence secondaire au lieu-dit la Prignounède, à Flassans-sur-Issole. Ils ont effectué une nouvelle demande préalable à la commune concernant l'état du chemin de la Prignounède par un courrier du 5 janvier 2016, que le maire a rejeté par une décision du 21 janvier 2016. Ils font appel du jugement du 28 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur recours tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune et à l'annulation d'un courrier du 29 février 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait omis de viser la note en délibéré des requérants en date du 7 janvier 2019 manque en fait.
3. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., le tribunal administratif n'a pas écarté la propriété de la commune sur le chemin en question, non plus que la qualification de chemin rural. En outre, le tribunal administratif a retenu que les actes attaqués n'étaient pas susceptibles de recours, et que les préjudices allégués n'étaient pas établis. Ces motifs justifiaient par eux-mêmes le rejet des conclusions à fin d'annulation et des conclusions indemnitaires présentées devant lui. Il n'a donc pas entaché le jugement attaqué d'insuffisance de motivation en s'abstenant de statuer sur les autres moyens invoqués par les parties.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation du courrier du 29 février 2016 :
4. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le courrier du 29 février 2016 par lequel le maire a entendu rappeler leurs obligations aux riverains du chemin est une simple mesure d'information. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., il ne constitue pas la réponse à la demande préalable, qui a été effectuée par une décision du 21 janvier 2016 ainsi qu'il a été rappelé au point 1. Il suit de là que le courrier du 29 février 2016 ne constitue pas un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Le tribunal administratif a rejeté à juste titre les conclusions dirigées à son encontre comme irrecevables.
Sur l'office du juge en ce qui concerne le reste du litige :
5. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.
6. Pour la mise en oeuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.
7. M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif d'un recours présentant un caractère indemnitaire, à l'exception des conclusions examinées au point 4, tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment subir du fait de l'état du chemin d'accès à leur propriété, assorti de conclusions à fin d'injonction visant à ce qu'il soit mis fin au dommage. Le courrier du 21 janvier 2016 du maire de Flassans-sur-Issole répond à la demande préalable des M. et Mme B.... Le tribunal administratif s'est estimé saisi de conclusions tendant à l'annulation de cet acte pour excès de pouvoir, qu'il a rejeté comme ne présentant pas le caractère d'une décision faisant grief, alors que celui-ci constituait la décision liant le contentieux indemnitaire et était ainsi de nature à faire l'objet d'un recours de plein contentieux. L'erreur ainsi commise par le tribunal administratif sur la nature des conclusions dont il était saisi et l'étendue de ses pouvoirs doit être relevée d'office.
8. Cette irrégularité justifie d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 janvier 2016. Celles-ci ayant en réalité été absorbées par les conclusions indemnitaires sur lesquelles le tribunal administratif s'est également prononcé et qui sont examinées ci-après, leur évocation est sans objet.
Sur le fond :
9. L'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime prévoit que " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. "
10. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux. Les communes ne peuvent être tenues à l'entretien des chemins ruraux, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. En outre, le principe du libre accès des riverains à la voie publique est sans incidence sur les obligations d'entretien auxquelles la commune pourrait être soumise.
11. Si le maire de Flassans-sur-Issole a fait part aux voisins des requérants, par deux courriers, en date respectivement du 21 septembre 2005 et du 7 février 2006, de sa volonté, d'une part, de " [s]'employer à résoudre ce problème " et, d'autre part, d'" envisager une intervention pour solutionner ce problème ", ces deux courriers, qui peuvent au demeurant se rapporter à l'exercice des pouvoirs de police, ne matérialisent ni la réalisation de travaux, ni un accord de la commune pour assurer l'entretien du chemin de la Prignounède. La production d'un unique témoignage établi en 2017 par un précédent propriétaire n'est pas un élément de preuve suffisant pour établir que la commune aurait fait bitumer le chemin en 1995. Au demeurant, ce témoignage évoque également le conseil général du Var. Le courrier émanant des voisins des requérants n'est pas non plus un élément de preuve suffisant pour établir que la commune aurait fait couper des herbes hautes. En outre, cette action ne présente pas un caractère répété. La circonstance que les services de la commune aient par deux fois, en 2009 et en 2010, déblayé en urgence le chemin menant à la propriété des voisins des requérants pour leur permettre de sortir de leur propriété relève de l'exercice des pouvoirs de police sur le fondement du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et ne saurait pas davantage caractériser la réalisation par la commune de travaux destinés à assurer ou à améliorer la viabilité du chemin. L'installation de trois panneaux signalétiques à son entrée relève de la police de la voirie routière. Il ne résulte donc pas de l'instruction que la commune ait effectué des travaux sur ce chemin et qu'elle ait ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. Ainsi, à supposer même que la commune soit effectivement propriétaire du chemin dans toute son étendue et que celui-ci ait conservé le caractère d'un chemin rural, le maire est seulement chargé de la police et de la conservation de ce chemin en application des dispositions de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime, citées au point 9.
12. En premier lieu, M. et Mme B... ne peuvent utilement invoquer l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour n° 14MA00077 du 7 juillet 2015, dès lors qu'ils n'étaient pas parties à cette instance.
13. En deuxième lieu, si M. et Mme B... font état des coulées de boue provenant d'un fonds supérieur sur lesquelles la cour a statué par l'arrêt cité au point précédent, ils n'apportent, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, aucun élément de nature à établir leur présence sur les lieux au moment des épisodes pluvieux concernés, alors qu'ils résident en Suède. Les préjudices en lien avec ce fait générateur ne sont donc pas établis.
14. En troisième lieu, les requérants ne produisent aucune pièce de nature à établir que les désordres examinés par l'arrêt de la cour du 7 juillet 2015, dont la cour a relevé le caractère ponctuel, se seraient reproduits postérieurement à cette date. Aucune faute n'est donc établie sur ce point.
15. En quatrième lieu, l'état dégradé de la chaussée et les difficultés d'accès aux propriétés riveraines concernent l'entretien du chemin, et non la police des chemins ruraux. Ces circonstances ne révèlent donc pas une faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police. En outre, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que la commune n'est pas tenue d'assurer l'entretien du chemin en question.
16. En cinquième lieu, le litige n'est pas relatif à une servitude d'écoulement des eaux. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 640 et 641 du code civil est donc inopérant.
17. Enfin, les moyens tirés des vices propres dont serait entachée la décision du 21 janvier 2016 rejetant la demande préalable des requérants sont inopérants.
18. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les frais exposés pour la réalisation de constats d'huissier ne constituent ni des dépens, ni des frais non compris dans les dépens. Le tribunal administratif a donc rejeté à bon droit les conclusions présentées par M. et Mme B... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Si les requérants reprennent ces conclusions en appel sur le terrain indemnitaire, celles-ci doivent être rejetées pour les motifs exposés ci-dessus.
20. M. et Mme B... ont produit sept mémoires et une note en délibéré devant le tribunal administratif. L'ampleur donnée à ces deux instances successives au regard de la nature du litige, qui porte sur l'entretien du chemin d'accès à leur résidence secondaire, a suscité des frais significatifs pour une commune de 3 500 habitants, qui a recouru au ministère d'un avocat. Par ailleurs, M. et Mme B... n'invoquent pas une situation économique difficile et présentaient eux-mêmes des conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative d'un montant voisin à celui des conclusions de la commune, auxquelles le tribunal administratif n'a fait que partiellement droit. L'équité ne s'opposait pas donc à ce que le tribunal administratif mette à leur charge le versement à la commune de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
21. Il y a lieu, en outre, de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement d'une nouvelle somme de 1 500 euros à la commune de Flassans-sur-Issole au titre des frais qu'elle a exposés en appel.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 21 janvier 2016.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B... est rejeté.
Article 3 : M. et Mme B... verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Flassans-sur-Issole en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et à la commune de Flassans-sur-Issole.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2021.
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No 19MA01478