CAA de LYON, 1ère chambre, 27/04/2021, 20LY03049, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON, 1ère chambre, 27/04/2021, 20LY03049, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON - 1ère chambre
- N° 20LY03049
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
27 avril 2021
- Président
- Mme DEAL
- Rapporteur
- Mme Christine PSILAKIS
- Avocat(s)
- SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet de la Côte d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2002358 du 28 septembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon, à qui a été transmise la requête en vertu d'une ordonnance du 26 août 2020 du président du tribunal administratif de Lyon, a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020, le préfet de la Côte d'Or, représenté par la Selarl Claisse et associés, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 septembre 2020 et de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs et d'une erreur d'appréciation pour l'application du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le comportement de l'intimé constitue une menace grave à l'ordre public et ni la séparation du couple, ni les circonstances de l'infraction, ni l'intégration socio professionnelle du couple en France ne sont de nature à justifier l'annulation des décisions obligeant M. A... à quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de circuler sur le territoire pendant une durée d'un an.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2021, M. A..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ;
- les faits pour lesquels il est poursuivi sont isolés et s'inscrivent dans un contexte d'alcoolisation mutuelle qui n'a plus court, les époux étant séparés ;
- il reprend l'intégralité de ses moyens de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un placement en garde à vue pour des faits de violences conjugales le 18 août 2020, puis d'un arrêté du préfet de la Côte d'Or lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de circuler sur le territoire pendant un délai d'un an. Par jugement du 28 septembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté. Le préfet de la Côte-d'Or demande l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de M. A....
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, si le préfet de la Côte-d'Or soutient que le tribunal a entaché le jugement d'une contradiction de motifs s'agissant de l'appréciation portée sur la situation personnelle et familiale de M. A... au regard de son comportement et de la menace grave à l'ordre public qu'il constituerait, un tel moyen, qui touche au bien-fondé du jugement, n'est pas de nature à mettre en cause sa régularité.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
4. M. A..., ressortissant portugais né le 6 avril 1974, allègue, sans être contredit, résider sur le territoire français depuis l'année 2008 où il a été d'abord employé dans une entreprise de bâtiment puis auto entrepreneur en maçonnerie. Il ressort des pièces du dossier qu'il vivait, à la date de l'arrêté contesté avec une ressortissante ukrainienne, qu'il a épousée plus de onze ans auparavant et avec les deux enfants nés en 2010 et 2015 de cette union et de nationalité portugaise, ainsi qu'avec un enfant de son épouse, mineur, dont il n'est pas le père biologique. Pour l'obliger à quitter sans délai le territoire, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur la circonstance que M. A... a été placé en garde à vue pour la réitération de faits de violences conjugales, ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à trois puis huit jours, commis le 13 janvier et le 18 août 2020, alors qu'il était en état d'ébriété, sur sa compagne. Si la gravité de ces faits et leur caractère récent ne sont pas contestés, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... n'a commis aucune autre infraction et qu'il s'est soumis, à la suite de sa première interpellation, à une mesure de composition pénale en suivant un stage de sensibilisation aux addictions à l'alcool et à un suivi médical. Par ailleurs, présent en France depuis douze années à la date de l'arrêté attaqué, M. A... est inséré professionnellement et est durablement installé en France où il a acheté sa résidence principale et où il réside depuis sept années avec son épouse et ses enfants qui y sont scolarisés. Enfin, il ressort également des pièces du dossier, que le couple s'est séparé en raison de leur mésentente, perspective qui est rendue possible par la prise en charge de l'épouse de l'intéressé par les services sociaux. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu de la fixation durable de sa vie privée et familiale en France, le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 19 août 2020.
Sur les frais liés au litige :
5. En l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de l'Etat et de mettre à sa charge la somme de 1500 euros à verser à M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme D... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
2
N° 20LY03049
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet de la Côte d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2002358 du 28 septembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon, à qui a été transmise la requête en vertu d'une ordonnance du 26 août 2020 du président du tribunal administratif de Lyon, a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020, le préfet de la Côte d'Or, représenté par la Selarl Claisse et associés, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 septembre 2020 et de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs et d'une erreur d'appréciation pour l'application du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le comportement de l'intimé constitue une menace grave à l'ordre public et ni la séparation du couple, ni les circonstances de l'infraction, ni l'intégration socio professionnelle du couple en France ne sont de nature à justifier l'annulation des décisions obligeant M. A... à quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de circuler sur le territoire pendant une durée d'un an.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2021, M. A..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ;
- les faits pour lesquels il est poursuivi sont isolés et s'inscrivent dans un contexte d'alcoolisation mutuelle qui n'a plus court, les époux étant séparés ;
- il reprend l'intégralité de ses moyens de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un placement en garde à vue pour des faits de violences conjugales le 18 août 2020, puis d'un arrêté du préfet de la Côte d'Or lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de circuler sur le territoire pendant un délai d'un an. Par jugement du 28 septembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté. Le préfet de la Côte-d'Or demande l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de M. A....
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, si le préfet de la Côte-d'Or soutient que le tribunal a entaché le jugement d'une contradiction de motifs s'agissant de l'appréciation portée sur la situation personnelle et familiale de M. A... au regard de son comportement et de la menace grave à l'ordre public qu'il constituerait, un tel moyen, qui touche au bien-fondé du jugement, n'est pas de nature à mettre en cause sa régularité.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
4. M. A..., ressortissant portugais né le 6 avril 1974, allègue, sans être contredit, résider sur le territoire français depuis l'année 2008 où il a été d'abord employé dans une entreprise de bâtiment puis auto entrepreneur en maçonnerie. Il ressort des pièces du dossier qu'il vivait, à la date de l'arrêté contesté avec une ressortissante ukrainienne, qu'il a épousée plus de onze ans auparavant et avec les deux enfants nés en 2010 et 2015 de cette union et de nationalité portugaise, ainsi qu'avec un enfant de son épouse, mineur, dont il n'est pas le père biologique. Pour l'obliger à quitter sans délai le territoire, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur la circonstance que M. A... a été placé en garde à vue pour la réitération de faits de violences conjugales, ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à trois puis huit jours, commis le 13 janvier et le 18 août 2020, alors qu'il était en état d'ébriété, sur sa compagne. Si la gravité de ces faits et leur caractère récent ne sont pas contestés, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... n'a commis aucune autre infraction et qu'il s'est soumis, à la suite de sa première interpellation, à une mesure de composition pénale en suivant un stage de sensibilisation aux addictions à l'alcool et à un suivi médical. Par ailleurs, présent en France depuis douze années à la date de l'arrêté attaqué, M. A... est inséré professionnellement et est durablement installé en France où il a acheté sa résidence principale et où il réside depuis sept années avec son épouse et ses enfants qui y sont scolarisés. Enfin, il ressort également des pièces du dossier, que le couple s'est séparé en raison de leur mésentente, perspective qui est rendue possible par la prise en charge de l'épouse de l'intéressé par les services sociaux. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu de la fixation durable de sa vie privée et familiale en France, le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 19 août 2020.
Sur les frais liés au litige :
5. En l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de l'Etat et de mettre à sa charge la somme de 1500 euros à verser à M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme D... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
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