CAA de PARIS, 8ème chambre, 30/04/2021, 20PA02907, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 8ème chambre, 30/04/2021, 20PA02907, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 8ème chambre
- N° 20PA02907
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
30 avril 2021
- Président
- M. LUBEN
- Rapporteur
- Mme Virginie LARSONNIER
- Avocat(s)
- SELARL AEQUAE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1918751/1-2 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 octobre et 11 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1918751/1-2 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SELARL Aequae, avocat de Mme C..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra pas effectivement bénéficier du traitement médicamenteux adapté à son état de santé en Mongolie et qu'elle a besoin au quotidien du soutien et de l'aide de sa mère et de sa soeur ;
- le préfet s'est borné à reprendre les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII et n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, L. 511-1, L. 312-1, L. 312-2 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'intensité de ses liens familiaux en France alors qu'elle n'a plus de liens avec son père et sa fratrie restés en Mongolie et à la durée de sa présence sur le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- l'administration, qui n'a pas compétence liée pour prononcer une mesure d'éloignement, n'a pas procédé à l'examen de sa situation ;
- la décision contestée méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation médicale nécessite un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me B... substituant Me A..., avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née le 22 juillet 1989, de nationalité mongole, est entrée en France le 15 juin 2015 selon ses déclarations. En 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 juillet 2018, le préfet de police a rejeté sa demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme C.... Par un arrêté du 29 juillet 2019, le préfet de police a de nouveau refusé de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...)".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme C..., le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 20 juin 2019 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Il ressort des certificats médicaux versés au dossier émanant des chefs de clinique dans le service de neurologie de l'hôpital Saint-Antoine de Paris, notamment en particulier du certificat médical du 28 août 2019, que Mme C... présente des crises épileptiques depuis l'âge de 12 ans accompagnées d'une perte d'autonomie, de troubles mnésiques et d'une apathie et que si le traitement médicamenteux mis en place en France a permis de réduire la fréquence des crises, l'épilepsie dont souffre Mme C... est pharmacorésistante, des crises partielles hebdomadaires persistant avec occasionnellement une généralisation exposant à un risque de décès. L'état de santé de l'intéressée nécessite ainsi un traitement antiépileptique à vie qui doit être adapté au profil évolutif de son épilepsie ainsi qu'un suivi neurologique régulier permettant cette adaptation. Depuis 2018, le traitement médicamenteux prescrit à Mme C... associe le Keppra 500 mg, le Tégrétol LP (Carbamazépine) 600 mg et l'Urbanyl 5mg. Il ressort notamment des certificats médicaux du chef de clinique dans le service de neurologie de l'hôpital Saint-Antoine de Paris des 25 juin 2018 et 28 août 2019, bien que ce dernier soit postérieur à la décision contestée, que les traitements appropriés à l'état de santé de Mme C..., notamment le suivi médical spécialisé, ne peuvent pas lui être dispensés en Mongolie. Or, les pièces versées au dossier par le préfet de police, émanant du Federal Public Service Home Affairs General Directorate Aliens' Office Belgium et datées du 19 mars 2015 ne permettent pas d'établir que le Keppra serait commercialisé en Mongolie et que Mme C... pourrait effectivement bénéficier des soins et du suivi neurologique adaptés à son épilepsie évolutive. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 29 juillet 2019 refusant à Mme C... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 29 juillet 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme C... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SELARL Aequae, conseil de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1918751/1-2 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SELARL Aequae, conseil de Mme C..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SELARL Aequae renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, premier conseiller,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 20PA02907
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1918751/1-2 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 octobre et 11 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1918751/1-2 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SELARL Aequae, avocat de Mme C..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra pas effectivement bénéficier du traitement médicamenteux adapté à son état de santé en Mongolie et qu'elle a besoin au quotidien du soutien et de l'aide de sa mère et de sa soeur ;
- le préfet s'est borné à reprendre les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII et n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, L. 511-1, L. 312-1, L. 312-2 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'intensité de ses liens familiaux en France alors qu'elle n'a plus de liens avec son père et sa fratrie restés en Mongolie et à la durée de sa présence sur le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- l'administration, qui n'a pas compétence liée pour prononcer une mesure d'éloignement, n'a pas procédé à l'examen de sa situation ;
- la décision contestée méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation médicale nécessite un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me B... substituant Me A..., avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née le 22 juillet 1989, de nationalité mongole, est entrée en France le 15 juin 2015 selon ses déclarations. En 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 juillet 2018, le préfet de police a rejeté sa demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme C.... Par un arrêté du 29 juillet 2019, le préfet de police a de nouveau refusé de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...)".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme C..., le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 20 juin 2019 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Il ressort des certificats médicaux versés au dossier émanant des chefs de clinique dans le service de neurologie de l'hôpital Saint-Antoine de Paris, notamment en particulier du certificat médical du 28 août 2019, que Mme C... présente des crises épileptiques depuis l'âge de 12 ans accompagnées d'une perte d'autonomie, de troubles mnésiques et d'une apathie et que si le traitement médicamenteux mis en place en France a permis de réduire la fréquence des crises, l'épilepsie dont souffre Mme C... est pharmacorésistante, des crises partielles hebdomadaires persistant avec occasionnellement une généralisation exposant à un risque de décès. L'état de santé de l'intéressée nécessite ainsi un traitement antiépileptique à vie qui doit être adapté au profil évolutif de son épilepsie ainsi qu'un suivi neurologique régulier permettant cette adaptation. Depuis 2018, le traitement médicamenteux prescrit à Mme C... associe le Keppra 500 mg, le Tégrétol LP (Carbamazépine) 600 mg et l'Urbanyl 5mg. Il ressort notamment des certificats médicaux du chef de clinique dans le service de neurologie de l'hôpital Saint-Antoine de Paris des 25 juin 2018 et 28 août 2019, bien que ce dernier soit postérieur à la décision contestée, que les traitements appropriés à l'état de santé de Mme C..., notamment le suivi médical spécialisé, ne peuvent pas lui être dispensés en Mongolie. Or, les pièces versées au dossier par le préfet de police, émanant du Federal Public Service Home Affairs General Directorate Aliens' Office Belgium et datées du 19 mars 2015 ne permettent pas d'établir que le Keppra serait commercialisé en Mongolie et que Mme C... pourrait effectivement bénéficier des soins et du suivi neurologique adaptés à son épilepsie évolutive. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 29 juillet 2019 refusant à Mme C... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 29 juillet 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme C... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SELARL Aequae, conseil de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1918751/1-2 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SELARL Aequae, conseil de Mme C..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SELARL Aequae renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, premier conseiller,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 20PA02907