CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 15/04/2021, 20VE01518, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit.

Par un jugement n° 2000960 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2020, M. B..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative quant à son droit au séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail durant l'examen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il repose sur une erreur de fait ayant entraîné un défaut d'examen et une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les observations de Me D... substituant Me E... pour M. B....


Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien, né le 16 août 1985, est entré en France le 12 mars 2016 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français. Ce titre a été renouvelé jusqu'au 12 mars 2019. Il a sollicité, le 29 mars 2019, un titre de séjour auprès des services de la préfecture de l'Essonne. Le 9 janvier 2020, le préfet de l'Essonne a pris à son encontre un arrêté lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en raison notamment de la rupture de la communauté de vie avec son épouse, l'obligeant à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. L'intéressé en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Versailles mais celui-ci a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est séparé de son épouse depuis 2018 et qu'il est depuis août 2018 en couple avec Mme F.... La circonstance que ni lui, ni Mme F... n'aient divorcé et qu'ils ne vivent pas ensemble n'est pas de nature à remettre en cause cette relation de couple, démontrée par l'attestation de Mme F... et par la naissance, le 2 juillet 2019, de leur enfant A..., que M. B... a reconnu à sa naissance. Le requérant établit contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille par les pièces versées aux débats. L'exécution de la décision attaquée aurait pour effet de séparer durablement M. B... de sa fille, d'autant que Mme F... est ressortissante burkinabée et titulaire d'une autorisation de séjour qui lui a été délivrée au titre du droit d'asile et, en outre, la mère d'un enfant polyhandicapé à 80 %. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Essonne a, en refusant de renouveler le titre de séjour dont disposait M. B... et en l'obligeant à quitter le territoire français, méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus de séjour, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. B... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2000960 du 5 juin 2020 et l'arrêté du préfet de l'Essonne du 9 janvier 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N° 20VE01518 2



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