Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 16/04/2021, 439226, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars et 12 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Interco-CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du e) de l'article R.1424-59 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-1269 du 26 décembre 2018, relatif à la composition de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours et, d'autre part, la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de l'arrêté du 6 août 2019 portant nomination au sein de cette Conférence ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
- le décret n° 2018-1269 du 26 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération Interco-CFDT ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 44 de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : " Il est institué auprès du ministre chargé de la sécurité civile une Conférence nationale des services d'incendie et de secours, composée d'un député et d'un sénateur, pour un quart au moins de représentants des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, de représentants de l'Etat et, en majorité, de représentants des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours. / La Conférence nationale des services d'incendie et de secours est consultée sur les projets de loi ou d'acte réglementaire relatifs aux missions, à l'organisation, au fonctionnement ou au financement des services d'incendie et de secours. Elle peut émettre des voeux. / (...). / La composition de cette conférence, les conditions de nomination de ses membres et la durée de leur mandat sont précisées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 1424-59 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue du décret du 26 décembre 2018: " La Conférence nationale des services d'incendie et de secours est composée de quarante-trois membres titulaires nommés par arrêté du ministre en charge de la sécurité civile selon la répartition suivante : (...) / e) Douze représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires : / - pour quatre d'entre eux, dont au moins un sapeur-pompier volontaire, sur proposition du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ; / - un représentant pour chacune des huit organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels arrivés en tête, en nombre de sièges, aux élections des comités techniques des services départementaux d'incendie et de secours, du service d'incendie et de secours du département du Rhône et de la métropole de Lyon ainsi que des services d'incendie et de secours en Corse (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que la Fédération Interco-CFDT a demandé au ministre de l'intérieur, d'une part, l'abrogation du e) de l'article R. 1424-59 du code général des collectivités territoriales en tant qu'il précise les organisations syndicales appelées à désigner les représentants des sapeurs-pompiers professionnels, et d'autre part, sans invoquer d'autre moyen que celui tiré de son illégalité, par voie d'exception, le retrait de l'arrêté du 6 août 2009 portant nomination à la Conférence nationale des services d'incendie et de secours qui a été pris pour l'application de ces dispositions. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites par lesquelles ces demandes ont été rejetées.

3. Aux termes du 8ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ". Aux termes de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires et à l'examen des décisions individuelles relatives à leur carrière (...) ". La représentativité s'apprécie, pour la composition d'un organisme, au niveau territorial ou professionnel auquel il siège.

4. Dès lors que la Conférence nationale des services d'incendie et de secours est consultée sur le fonctionnement de ces services, les dispositions citées au point 3 impliquent que les sapeurs-pompiers professionnels y soient représentés. Toutefois, alors que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale est, ainsi que le précise l'article 8 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'instance représentative de cette fonction publique, laquelle représente environ 1,8 millions d'agents, tandis que les comités techniques des services d'incendie et de secours sont élus par un corps électoral essentiellement composé par les quelques 40 000 sapeurs-pompiers professionnels, le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'exigence de représentativité, prévoir, au e) de l'article R. 1424-59 du code général des collectivités territoriales, que les organisations syndicales appelées à désigner des représentants des sapeurs-pompiers professionnels au sein de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours ne seraient pas celles qui siègent au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, alors même que la première est susceptible d'examiner les mêmes textes que la seconde, mais les organisations syndicales qui sont arrivées en tête, en nombre de sièges, aux élections des comités techniques des services d'incendie et de secours.

5. Il résulte de ce qui précède que la fédération requérante n'est fondée à demander l'annulation ni de la décision implicite par laquelle a été rejetée sa demande tendant à l'abrogation du e) de l'article R. 1424-59 du code général des collectivités territoriales, ni de celle par laquelle a été rejetée sa demande tendant, par voie de conséquence, au retrait de l'arrêté du 6 août 2009, pris pour l'application de ces dispositions.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fédération Interco-CFDT est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Interco-CFDT et au ministre de l'intérieur.

ECLI:FR:CECHR:2021:439226.20210416
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