CAA de LYON, 7ème chambre, 01/04/2021, 20LY01719, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON, 7ème chambre, 01/04/2021, 20LY01719, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON - 7ème chambre
- N° 20LY01719
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
01 avril 2021
- Président
- M. ARBARETAZ
- Rapporteur
- Mme Christine DJEBIRI
- Avocat(s)
- SCHURMANN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par jugement n° 2001255 lu le 27 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juin 2020, M. B... représenté par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte journalière de 150 euros, d'enregistrer sa demande d'asile contre remise d'une attestation de demandeur d'asile, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 10 février 2020 est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'avait pas reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, son recours est pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ; cette décision porte atteinte à son droit d'être entendu et au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen (Conakry) né en 1997, serait entré irrégulièrement en France en février 2018. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 juin 2019, décision dont il soutient ne pas avoir eu notification. Le préfet de l'Isère, par arrêté du 10 février 2020, a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination. M. B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté sa demande par un jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction, dont M. B... fait appel.
Sur les conclusions à fins d'annulation et d'injonction :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile (...) qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 (...) ".
3. Le préfet de l'Isère n'apporte aucun élément de nature à établir, ainsi qu'il l'affirme, que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été notifiée à M. B..., le 9 juillet 2019, avant qu'il édicte l'obligation de quitter le territoire français, le 10 février 2020. Dans ces conditions, il n'a pas pu sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, regarder M. B... comme ne bénéficiant plus du droit de séjourner sur le territoire en qualité de demandeur d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation et, d'autre part, que ledit jugement ainsi que l'arrêté litigieux du 10 février 2020 doivent être annulés.
5. L'annulation d'une obligation de quitter le territoire français implique le réexamen de la situation de l'intéressé. Par suite, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de l'Isère réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 2001255 lu le 27 mai 2020 et l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé d'admettre M. B... au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me C... avocat de M. B..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
N° 20LY01719 2
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par jugement n° 2001255 lu le 27 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juin 2020, M. B... représenté par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte journalière de 150 euros, d'enregistrer sa demande d'asile contre remise d'une attestation de demandeur d'asile, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 10 février 2020 est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'avait pas reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, son recours est pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ; cette décision porte atteinte à son droit d'être entendu et au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen (Conakry) né en 1997, serait entré irrégulièrement en France en février 2018. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 juin 2019, décision dont il soutient ne pas avoir eu notification. Le préfet de l'Isère, par arrêté du 10 février 2020, a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination. M. B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté sa demande par un jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction, dont M. B... fait appel.
Sur les conclusions à fins d'annulation et d'injonction :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile (...) qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 (...) ".
3. Le préfet de l'Isère n'apporte aucun élément de nature à établir, ainsi qu'il l'affirme, que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été notifiée à M. B..., le 9 juillet 2019, avant qu'il édicte l'obligation de quitter le territoire français, le 10 février 2020. Dans ces conditions, il n'a pas pu sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, regarder M. B... comme ne bénéficiant plus du droit de séjourner sur le territoire en qualité de demandeur d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation et, d'autre part, que ledit jugement ainsi que l'arrêté litigieux du 10 février 2020 doivent être annulés.
5. L'annulation d'une obligation de quitter le territoire français implique le réexamen de la situation de l'intéressé. Par suite, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de l'Isère réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 2001255 lu le 27 mai 2020 et l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé d'admettre M. B... au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me C... avocat de M. B..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
N° 20LY01719 2