CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 31/03/2021, 20MA01312, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 31/03/2021, 20MA01312, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 7ème chambre
- N° 20MA01312
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
31 mars 2021
- Président
- M. POCHERON
- Rapporteur
- M. Georges GUIDAL
- Avocat(s)
- GONAND
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par une ordonnance n° 1903197 du 1er juillet 2019, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille du 1er juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... son avocat, en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas tardive et était donc recevable ;
- marié à une ressortissante française, il remplit les conditions pour obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire, notamment celle tenant à une entrée régulière sur le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoires en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien, a sollicité le 17 septembre 2018 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en se prévalant de sa qualité de conjoint de ressortissant français sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 décembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de destination le pays dont il a la nationalité. M. D... relève appel de l'ordonnance du 1er juillet 2019 par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Il ressort des mentions de l'avis de réception du pli recommandé notifiant l'arrêté du 20 décembre 2018 à M. D... que ce pli, n'ayant pas été avisé au motif d'un défaut d'accès ou d'adressage, n'a pas été remis à l'intéressé et a été retourné à son expéditeur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'adressage de ce pli était lisible et que le domicile de M. D... disposait d'une boîte aux lettres. L'intéressé a d'ailleurs réceptionné des quittances de loyer, des courriers de la banque postale, et de l'assurance maladie, ainsi que des factures EDF à cette même adresse, libellés exactement dans les mêmes termes que l'adressage du pli retourné à l'administration. Il y a également réceptionné le 4 juillet 2019 l'ordonnance du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande d'annulation. Dans ces conditions, l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ne peut être regardé comme ayant été régulièrement notifié à M. D.... Par suite, c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille a estimé que la demande de M. D... était tardive et l'a rejetée comme irrecevable. Il en résulte que M. D... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
5. Si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un Français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui, au demeurant, ne peut être refusé que dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 211-1-2 du code susvisé, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu délivrer par les autorités consulaires françaises un visa Schengen de court séjour à entrées multiples valable du 26 juin au 22 décembre 2015 et qu'il est entré en France en dernier lieu le 18 septembre 2015 par voie aérienne sous couvert de ce visa. Pour rejeter sa demande de titre de séjour et de visa de long séjour le préfet s'est toutefois fondé sur l'entrée irrégulière de l'intéressé sur le territoire français motif pris " qu'il ne justifiait pas s'être maintenu sur le territoire français depuis sa dernière entrée alléguée ". Toutefois, en l'absence de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public, l'obtention d'un visa de long séjour par étranger marié en France avec un ressortissant de nationalité française et séjournant en France depuis plus de six mois avec son conjoint, n'est subordonnée qu'à une condition de régularité de l'entrée en France du demandeur et non pas à une condition de justification de son maintien sur le territoire français depuis la date de cette entrée. Ainsi, la circonstance qu'un ressortissant étranger, régulièrement entré en France sous un visa de court séjour, ne serait pas en mesure de justifier de son maintien sur le territoire français avant son mariage avec une ressortissante française ne fait pas obstacle à ce que la condition d'entrée régulière en France continue d'être regardée comme remplie. Il en résulte que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui a déduit de la circonstance que M. D... ne justifiait pas de son maintien sur le territoire français depuis son entrée en France le 18 septembre 2015 l'existence d'une entrée irrégulière sur ce territoire et donc l'absence de droit à l'obtention d'un visa de long séjour et d'un titre de séjour en tant que conjoint de Français, a commis une erreur de droit.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que M. D... s'est marié le 13 janvier 2018 à Aix-en-Provence avec une ressortissante de nationalité française. A la date de sa demande de titre de séjour, il séjournait en France depuis plus de six mois avec son épouse, ainsi que l'attestent les différents documents versés au dossier et justifie, ainsi qu'il a été dit au point 6 d'une entrée régulière en France. L'intéressé doit, par suite, être regardé comme ayant sollicité, à l'occasion de sa demande de titre de séjour du 17 septembre 2018, outre la délivrance de ce titre, celle du visa de long séjour prévu par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il était donc fondé à se prévaloir, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code pour obtenir la délivrance d'un visa de long séjour et d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " en tant que conjoint de Français.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".
10. Les pièces du dossier ne permettent pas de savoir si à la date du présent arrêt la situation du requérant s'est modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté du 20 décembre 2018. Dès lors, la présente décision implique seulement que l'administration réexamine la demande de M. D..., en tenant compte du motif d'annulation mentionné ci-dessus, tout en vérifiant que les autres conditions auxquelles les dispositions applicables subordonnent la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en tant que conjoint de Français sont remplies à la date de ce réexamen. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, par application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder au réexamen de la demande de M. D..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés devant la Cour.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1903197 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille du 1er juillet 2019 et l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la présente décision lui sera notifiée, la demande de carte de séjour temporaire en tant que conjoint de Français formée par M. D....
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.
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N° 20MA01312
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Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par une ordonnance n° 1903197 du 1er juillet 2019, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille du 1er juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... son avocat, en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas tardive et était donc recevable ;
- marié à une ressortissante française, il remplit les conditions pour obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire, notamment celle tenant à une entrée régulière sur le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoires en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien, a sollicité le 17 septembre 2018 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en se prévalant de sa qualité de conjoint de ressortissant français sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 décembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de destination le pays dont il a la nationalité. M. D... relève appel de l'ordonnance du 1er juillet 2019 par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Il ressort des mentions de l'avis de réception du pli recommandé notifiant l'arrêté du 20 décembre 2018 à M. D... que ce pli, n'ayant pas été avisé au motif d'un défaut d'accès ou d'adressage, n'a pas été remis à l'intéressé et a été retourné à son expéditeur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'adressage de ce pli était lisible et que le domicile de M. D... disposait d'une boîte aux lettres. L'intéressé a d'ailleurs réceptionné des quittances de loyer, des courriers de la banque postale, et de l'assurance maladie, ainsi que des factures EDF à cette même adresse, libellés exactement dans les mêmes termes que l'adressage du pli retourné à l'administration. Il y a également réceptionné le 4 juillet 2019 l'ordonnance du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande d'annulation. Dans ces conditions, l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ne peut être regardé comme ayant été régulièrement notifié à M. D.... Par suite, c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille a estimé que la demande de M. D... était tardive et l'a rejetée comme irrecevable. Il en résulte que M. D... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
5. Si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un Français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui, au demeurant, ne peut être refusé que dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 211-1-2 du code susvisé, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu délivrer par les autorités consulaires françaises un visa Schengen de court séjour à entrées multiples valable du 26 juin au 22 décembre 2015 et qu'il est entré en France en dernier lieu le 18 septembre 2015 par voie aérienne sous couvert de ce visa. Pour rejeter sa demande de titre de séjour et de visa de long séjour le préfet s'est toutefois fondé sur l'entrée irrégulière de l'intéressé sur le territoire français motif pris " qu'il ne justifiait pas s'être maintenu sur le territoire français depuis sa dernière entrée alléguée ". Toutefois, en l'absence de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public, l'obtention d'un visa de long séjour par étranger marié en France avec un ressortissant de nationalité française et séjournant en France depuis plus de six mois avec son conjoint, n'est subordonnée qu'à une condition de régularité de l'entrée en France du demandeur et non pas à une condition de justification de son maintien sur le territoire français depuis la date de cette entrée. Ainsi, la circonstance qu'un ressortissant étranger, régulièrement entré en France sous un visa de court séjour, ne serait pas en mesure de justifier de son maintien sur le territoire français avant son mariage avec une ressortissante française ne fait pas obstacle à ce que la condition d'entrée régulière en France continue d'être regardée comme remplie. Il en résulte que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui a déduit de la circonstance que M. D... ne justifiait pas de son maintien sur le territoire français depuis son entrée en France le 18 septembre 2015 l'existence d'une entrée irrégulière sur ce territoire et donc l'absence de droit à l'obtention d'un visa de long séjour et d'un titre de séjour en tant que conjoint de Français, a commis une erreur de droit.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que M. D... s'est marié le 13 janvier 2018 à Aix-en-Provence avec une ressortissante de nationalité française. A la date de sa demande de titre de séjour, il séjournait en France depuis plus de six mois avec son épouse, ainsi que l'attestent les différents documents versés au dossier et justifie, ainsi qu'il a été dit au point 6 d'une entrée régulière en France. L'intéressé doit, par suite, être regardé comme ayant sollicité, à l'occasion de sa demande de titre de séjour du 17 septembre 2018, outre la délivrance de ce titre, celle du visa de long séjour prévu par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il était donc fondé à se prévaloir, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code pour obtenir la délivrance d'un visa de long séjour et d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " en tant que conjoint de Français.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".
10. Les pièces du dossier ne permettent pas de savoir si à la date du présent arrêt la situation du requérant s'est modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté du 20 décembre 2018. Dès lors, la présente décision implique seulement que l'administration réexamine la demande de M. D..., en tenant compte du motif d'annulation mentionné ci-dessus, tout en vérifiant que les autres conditions auxquelles les dispositions applicables subordonnent la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en tant que conjoint de Français sont remplies à la date de ce réexamen. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, par application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder au réexamen de la demande de M. D..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés devant la Cour.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1903197 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille du 1er juillet 2019 et l'arrêté du 20 décembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la présente décision lui sera notifiée, la demande de carte de séjour temporaire en tant que conjoint de Français formée par M. D....
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.
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