CAA de DOUAI, 1ère chambre, 16/03/2021, 19DA02069, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Véloxygène a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision, révélée par une lettre du 23 février 2017, par laquelle le maire d'Amiens n'a pas conservé les aménagements cyclables de la rue de la République à l'occasion de la rénovation de cette rue.

Par un jugement n° 1700996 du 25 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2019, et des mémoires enregistrés les 1er octobre 2020 et 4 décembre 2020 après clôture de l'instruction et non communiqués, l'association Veloxygène, représentée par la SCP Frison et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Amiens la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me B... A..., représentant l'association Véloxygène.



Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :
1. La rue de la République d'Amiens comportait initialement un sens de circulation unique pour les voitures avec, de chaque côté de la voie, une piste cyclable permettant aux cyclistes de circuler dans les deux sens. La rénovation de cette rue a consisté à mettre en place, dans sa partie comprise entre la rue Alphonse Paillat et la contre-allée du mail Albert 1er, un sens unique de circulation nord-sud, sur deux voies, pour les voitures et une remontée de file et un sas vélo au niveau du feu pour les cyclistes.
2. L'association Véloxygène a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision, révélée par une lettre du 23 février 2017, par laquelle le maire d'Amiens n'a ainsi pas conservé les aménagements cyclables préexistants. Le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande par un jugement du 25 juin 2019 dont l'association fait appel.

Sur l'application de l'article L. 228-2 du code de l'environnement :

3. Aux termes de l'article L. 228-2 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " A l'occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l'exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. / L'aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu'il existe. ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'itinéraire cyclable dont elles imposent la mise au point à l'occasion de la réalisation ou de la rénovation d'une voie urbaine doit être réalisé sur l'emprise de la voie ou le long de celle-ci, en suivant son tracé, par la création d'une piste cyclable ou d'un couloir indépendant ou, à défaut, d'un marquage au sol permettant la coexistence de la circulation des cyclistes et des véhicules automobiles. Les besoins et contraintes de la circulation doivent être pris en considération pour déterminer quels aménagements doivent être créés. Une dissociation partielle de l'itinéraire cyclable et de la voie urbaine ne saurait être envisagée, dans une mesure limitée, que lorsque la configuration des lieux l'impose au regard des besoins et contraintes de la circulation.

5. Il ressort des pièces du dossier que les travaux réalisés dans la rue de la République qui ont abouti à la suppression de deux bandes cyclables, ont consisté en la seule modification de la signalisation au sol, laquelle a été mise en place sans même qu'une réfection du revêtement au sol n'ait été effectuée.

6. Dans ces conditions, les travaux litigieux, eu égard à leur nature et à leur consistance, n'étaient pas constitutifs d'une rénovation au sens de l'article L. 228-2 du code de l'environnement et le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition est donc inopérant et doit être écarté.


Sur le caractère injustifié et disproportionné de la mesure :

7. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales, et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) ".
8. Dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont ainsi conférés, il appartient au maire de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées permettant de concilier les droits de l'ensemble des usagers de la voie publique et les contraintes liées, le cas échéant, à la circulation et au stationnement des véhicules.

9. D'une part, il ressort de la lettre du directeur des espaces publics de la commune d'Amiens du 23 février 2017 que les modifications de la signalisation au sol de la rue de la République ont été décidées en raison, d'une part, du caractère dangereux du carrefour avec la rue Alphonse Paillat, dès lors que les automobilistes venant de cette rue avaient le réflexe de regarder à droite avant de franchir le carrefour et non à gauche en direction des cyclistes venant du double sens cyclable, d'autre part, des difficultés sérieuses de circulation constatées en heures de pointe et les jours d'affluence en centre-ville.

10. L'association requérante s'est bornée, pour réfuter cette situation de dangerosité, à discuter de la réalité d'un accident, qui serait survenu en juin 2015, dont a fait état cette lettre et n'a pas contesté les difficultés de circulation relevées par la commune.

11. D'autre part, un itinéraire cyclable alternatif a été créé rue Lamarck impliquant pour les cyclistes un détour d'un peu moins de 300 mètres et consistant, dans le sens nord-sud en une bande cyclable et dans le sens sud-nord, qui est le sens unique de circulation des voitures, en un marquage au sol constitué de pictogrammes de cycliste.

12. Si l'association requérante soutient qu'au bout de la rue Lamarck, au niveau de la rue des Jacobins, le parcours est interrompu et que la bande cyclable débouche au sud sur le carrefour Albert 1er non aménagé, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aménagement initial de la rue de la République offrait plus de sécurité sur ces points.

13. Enfin, si la commune a décidé en septembre 2019 de limiter la vitesse de circulation des voitures à 30 kilomètres/heure, ce qui en vertu de l'article R. 412-28-1 du code de la route implique que " les chaussées sont à double sens pour les cyclistes sauf décision contraire de l'autorité investie du pouvoir de police ", une telle mesure, postérieure à la décision en litige, n'est pas de nature à démontrer que les modifications litigieuses, décidées en 2017, n'étaient pas justifiées par un souci de sécurité.

14. Il résulte de ce qui précède que les modifications apportées à l'aménagement de la rue de la Républiques étaient, à la date de leur édiction, nécessaires, adaptées et proportionnées aux buts poursuivis de sécurité et de conciliation des droits de l'ensemble des usagers de la voie publique.

15. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Véloxygène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.



Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

16. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Amiens, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association Véloxygène réclame au titre des frais liés au litige.

17. D'autre part, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de l'association Véloxygène une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Amiens au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Véloxygène est rejetée.

Article 2 : L'association Véloxygène versera une somme de 1 500 euros à la commune d'Amiens au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Frison et Associés pour l'association Véloxygène et à la commune d'Amiens.

N° 19DA02069
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