CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 15/03/2021, 20MA01853, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Agence d'architecture Frédéric Nicolas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'invalider la décision du 1er mars 2018 par laquelle l'agence régionale d'équipement et d'aménagement (AREA) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a résilié le marché de maîtrise d'oeuvre dont elle était titulaire et d'ordonner la reprise des relations contractuelles nées de ce marché.

Par un jugement n° 1905090 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 mai 2020 et le 2 décembre 2020, la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'invalider la décision de résiliation et d'ordonner la reprise des relations contractuelles ;

3°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car, dès lors qu'elle avait saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges, dont la saisine interrompt les délais de recours en vertu de l'article 127 du code des marchés publics, sa demande n'était pas tardive ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente car il n'appartient pas au mandataire du maître de l'ouvrage de décider la résiliation d'un marché et le signataire de l'acte n'avait aucune délégation de signature ;
- la décision est infondée, aucun des manquements qui lui étaient reprochés n'étant fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 30 octobre 2020 et le 18 décembre 2020, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er novembre 2020, l'AREA Région Sud, venant aux droits de l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante sont infondés.

Par ordonnance du 23 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le décret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010 ;
- le décret n° 2016-630 du 25 mars 2016 ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. C... Thielé, rapporteur public ;
- et les observations de Me I..., représentant la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas et de Me H..., représentant l'AREA Région Sud.



Considérant ce qui suit :

1. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur a confié un mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée à l'agence régionale d'équipement et d'aménagement (AREA) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) en vue d'une opération d'extension et de réhabilitation du lycée Dominique Villars à Gap. L'AREA PACA a, par acte d'engagement du 5 février 2014, attribué la mission de maîtrise d'oeuvre de ce projet à un groupement conjoint composé des sociétés Betrec, Agibat, EAI, Terre-Eco et Agence d'architecture Frédéric Nicolas, cette dernière étant la mandataire du groupement. Dans le cadre des opérations de réception de l'ouvrage, la société Qualiconsult, contrôleur technique, a émis le 20 décembre 2017 un avis défavorable sur le bâtiment dénommé " Post-Bac ", avis qu'elle a réitéré le 4 janvier 2017 dans son rapport de vérification règlementaire après travaux. Le 15 janvier 2018, l'AREA PACA a mis en demeure la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas de procéder à la levée de plusieurs des non-conformités relevées par le contrôleur technique. Le 1er mars 2018, l'AREA PACA a décidé la résiliation pour faute du marché, par un ordre de service reçu le 5 mars 2018 par la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas. Celle-ci a saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges de Marseille de ce litige le 27 avril 2018, puis a sollicité du tribunal administratif de Marseille, par une requête du 31 mai 2019, qu'il ordonne la reprise des relations contractuelles nées du marché du 5 février 2014. Le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, rejeté la demande de la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas.

2. D'une part, le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation.

3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 142 du décret du 25 mars 2016, applicable à la date d'introduction de la demande présentée par la requérante devant le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges de Marseille : " En cas de différend concernant l'exécution des marchés publics, les acheteurs et les titulaires peuvent recourir au médiateur des entreprises ou aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret. / Les comités consultatifs de règlement amiable ont pour missions de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d'une solution amiable et équitable. / (...) La saisine (...) d'un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions et les délais de recours contentieux jusqu'à la notification du constat de clôture de la médiation ou la notification de la décision prise par l'acheteur sur l'avis du comité. / Le mode de saisine, la composition, l'organisation et les modalités de fonctionnement des comités consultatifs sont fixés par décret ". Aux termes du I de l'article 5 du décret du 8 décembre 2010 : " Le comité peut être saisi par le pouvoir adjudicateur ou par le titulaire du marché. / La saisine est faite par une note détaillée exposant les motifs du différend et, le cas échéant, la nature et le montant des réclamations formulées. (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché, issu des dispositions de l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles : " Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. (...) / Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. / (...) Le pouvoir adjudicateur ou le titulaire peut soumettre tout différend qui les oppose à un comité consultatif de règlement amiable des litiges, dans les conditions mentionnées à l'article 127 du code des marchés publics ".


4. Il résulte de ces dispositions et stipulations que la compétence confiée au comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges, qui se borne à la formulation de propositions de solutions amiables aux différends financiers relatifs à l'exécution des marchés publics, ne s'étend pas aux litiges portant exclusivement sur la contestation de la régularité ou du bien-fondé d'une mesure de résiliation en vue d'obtenir la reprise des relations contractuelles. Il s'ensuit que la saisine de ce comité n'est pas de nature à interrompre le délai de deux mois imparti au demandeur par les règles rappelées au point 2 ci-dessus pour introduire le recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles, dont, en tout état de cause, le régime contentieux particulier commande que les parties en saisissent le juge, qui dispose des pouvoirs de pleine juridiction l'autorisant à ordonner la reprise des relations contractuelles, dans les meilleurs délais.


5. Il résulte de ce qui précède que, faute d'avoir été interrompu par la demande adressée par la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas au comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges de Marseille le 27 avril 2018, le délai de deux mois qui lui était imparti pour saisir le tribunal administratif de Marseille de conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles était expiré le 31 mai 2019, date d'enregistrement de sa demande au greffe de cette juridiction. Cette demande était par suite tardive et, dès lors, irrecevable.


6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.



Sur les frais liés au litige :


7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas sur leur fondement soit mise à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'AREA Région Sud, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'AREA Région Sud.




D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'AREA Région Sud tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Agence d'architecture Frédéric Nicolas, à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à l'AREA Région Sud.

Délibéré après l'audience du 22 février 2021, où siégeaient :

- Mme E... J..., présidente de la Cour,
- Mme G... K..., présidente assesseure,
- M. F... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2021.
2
N° 20MA01853



Retourner en haut de la page