CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 09/03/2021, 19MA00002, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 09/03/2021, 19MA00002, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 9ème chambre
- N° 19MA00002
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
09 mars 2021
- Président
- M. CHAZAN
- Rapporteur
- M. Raphaël MOURET
- Avocat(s)
- SCP PECH DE LACLAUSE & ASSOCIES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Collectif pour l'environnement des riverains élisyques " (COL.E.R.E), M. E... A... et M. et Mme F... et Corinne G... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a délivré à la société Soleil Participatif du Narbonnais un permis de construire en vue de l'édification d'un parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de Narbonne.
Par un jugement n° 1701824 du 9 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 janvier, 4 mars et 12 juin 2019, l'association COL.E.R.E, M. A... et M. et Mme G..., représentés par la SCP Pech de Laclause - C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le projet litigieux n'est pas situé en continuité avec l'usine chimique présente dans le secteur d'implantation du projet ;
- les délibérations approuvant la cinquième modification du plan local d'urbanisme de Narbonne sont illégales dès lors qu'une procédure de révision aurait dû être engagée en vertu de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme, que la création du secteur Aer est illégale au regard de l'article L. 151-11 du même code et que l'institution de ce secteur est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le permis de construire en litige méconnaît les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme antérieures à cette cinquième modification, lesquelles interdisent l'édification de constructions qui ne sont pas liées à une activité agricole ;
- le projet litigieux méconnaît les articles A 7 et A 11 du règlement du plan local d'urbanisme dans leur rédaction issue de la cinquième modification de ce plan ;
- le projet litigieux n'est pas compatible avec le maintien d'une activité agricole significative sur le terrain d'assiette ;
- il méconnaît l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 mars, 25 mars et 5 juillet 2019, la société Soleil Participatif du Narbonnais, représentée par BCTG Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me C..., représentant les requérants, et celles de Me B..., représentant la société Soleil Participatif du Narbonnais.
Des notes en délibéré présentées pour la société Soleil Participatif du Narbonnais ont été enregistrées les 19 et 24 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 février 2017, le préfet de l'Aude a délivré à la société Soleil Participatif du Narbonnais un permis de construire en vue de l'édification d'un parc photovoltaïque sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Narbonne et inclus dans le secteur " agricole énergie renouvelable " institué par la cinquième modification du plan local d'urbanisme communal. L'association COL.E.R.E et les autres requérants relèvent appel du jugement du 9 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En premier lieu, il ressort de l'article 2 de ses statuts que l'association COL.E.R.E a notamment pour objet " la préservation de la qualité du cadre de vie pour l'ensemble des riverains des chemins de Bougna, de Boutes et Montlaurès à Narbonne ", ainsi que " la sauvegarde des activités agricoles et de tourisme vert du site ". Compte tenu de ses caractéristiques et du choix d'implantation retenu, le projet de parc photovoltaïque autorisé par l'arrêté contesté est susceptible de porter atteinte au cadre de vie des habitants du secteur dont l'association COL.E.R.E a pour objet d'assurer la sauvegarde. Cette dernière justifie, par suite, d'un intérêt lui conférant qualité pour agir contre ce permis de construire.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
5. Il ressort des pièces du dossier que les propriétés respectives de M. A... et de M. et Mme G... jouxtent le terrain d'assiette du projet. Les intéressés, dont l'activité est liée au tourisme vert ou équestre, font notamment état de la visibilité des panneaux photovoltaïques depuis leurs propriétés ainsi que des nuisances sonores générées par le parc photovoltaïque autorisé par l'arrêté contesté. Compte tenu de la nature et de l'importance du projet, les personnes physiques requérantes justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire en litige.
6. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la société Soleil Participatif du Narbonnais doivent être écartées.
Sur la légalité du permis de construire en litige :
7. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ".
8. D'une part, il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. L'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, dans le cas où le terrain d'assiette du projet n'est pas situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme, en compatibilité avec les orientations des schémas de cohérence territoriale et des schémas de secteur ou, en l'absence de ces schémas, avec les dispositions particulières au littoral du code de l'urbanisme, le cas échéant précisées par une directive territoriale d'aménagement ou par un document en tenant lieu, aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.
9. D'autre part, l'implantation de panneaux photovoltaïques, qui doit être regardée comme une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, ne peut être autorisée que si elle est située en continuité avec une agglomération ou un village existant.
10. Le terrain d'assiette du projet de parc photovoltaïque, qui est vierge de toute construction et composé de parcelles cultivées, est situé dans une zone à dominante agricole du nord de la commune de Narbonne et à proximité immédiate d'un secteur, localisé à l'ouest, accueillant des activités principalement industrielles. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies aériennes des lieux, que les constructions édifiées dans ce secteur sont implantées de façon relativement dispersée et présentent, dans leur ensemble, une faible densité du fait, en particulier, de la surface importante occupée par les bassins de décantation et d'évaporation situés dans l'emprise du vaste site industriel de Malvési exploité par la société Orano venue aux droits de la société Areva. En dépit de son caractère largement artificialisé et de la présence de plusieurs groupes épars de bâtiments ou de constructions en son sein, ce secteur d'une superficie de plus de cent hectares ne constitue pas une zone déjà urbanisée caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que ce secteur anthropisé ne s'inscrit pas dans le prolongement de la zone urbanisée de la commune située plus au sud. Dans ces conditions, le projet litigieux, qui n'a pas vocation à être implanté dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, ne peut être regardé comme étant situé en continuité avec une agglomération ou un village existant. Par suite, et alors même que le règlement du plan local d'urbanisme de Narbonne autorise l'implantation de panneaux photovoltaïques dans le secteur d'implantation du projet, en délivrant le permis de construire sollicité par la société Soleil Participatif du Narbonnais, le préfet de l'Aude a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
11. Pour l'application de l'article L. 60041 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.
12. Le vice de légalité interne retenu au point 10, qui affecte la totalité du projet litigieux, n'apparaît pas susceptible d'être régularisé en application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2017.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros à verser à l'ensemble des requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Soleil Participatif du Narbonnais à l'encontre des requérants qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2017 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera une somme globale de 2 000 euros à l'ensemble des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Soleil Participatif du Narbonnais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association COL.E.R.E, à M. E... A..., à M. et Mme F... et Corinne G..., à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Soleil Participatif du Narbonnais.
Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Narbonne.
Délibéré après l'audience du 16 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme Simon, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.
2
N° 19MA00002
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Collectif pour l'environnement des riverains élisyques " (COL.E.R.E), M. E... A... et M. et Mme F... et Corinne G... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a délivré à la société Soleil Participatif du Narbonnais un permis de construire en vue de l'édification d'un parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de Narbonne.
Par un jugement n° 1701824 du 9 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 janvier, 4 mars et 12 juin 2019, l'association COL.E.R.E, M. A... et M. et Mme G..., représentés par la SCP Pech de Laclause - C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le projet litigieux n'est pas situé en continuité avec l'usine chimique présente dans le secteur d'implantation du projet ;
- les délibérations approuvant la cinquième modification du plan local d'urbanisme de Narbonne sont illégales dès lors qu'une procédure de révision aurait dû être engagée en vertu de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme, que la création du secteur Aer est illégale au regard de l'article L. 151-11 du même code et que l'institution de ce secteur est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le permis de construire en litige méconnaît les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme antérieures à cette cinquième modification, lesquelles interdisent l'édification de constructions qui ne sont pas liées à une activité agricole ;
- le projet litigieux méconnaît les articles A 7 et A 11 du règlement du plan local d'urbanisme dans leur rédaction issue de la cinquième modification de ce plan ;
- le projet litigieux n'est pas compatible avec le maintien d'une activité agricole significative sur le terrain d'assiette ;
- il méconnaît l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 mars, 25 mars et 5 juillet 2019, la société Soleil Participatif du Narbonnais, représentée par BCTG Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me C..., représentant les requérants, et celles de Me B..., représentant la société Soleil Participatif du Narbonnais.
Des notes en délibéré présentées pour la société Soleil Participatif du Narbonnais ont été enregistrées les 19 et 24 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 février 2017, le préfet de l'Aude a délivré à la société Soleil Participatif du Narbonnais un permis de construire en vue de l'édification d'un parc photovoltaïque sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Narbonne et inclus dans le secteur " agricole énergie renouvelable " institué par la cinquième modification du plan local d'urbanisme communal. L'association COL.E.R.E et les autres requérants relèvent appel du jugement du 9 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En premier lieu, il ressort de l'article 2 de ses statuts que l'association COL.E.R.E a notamment pour objet " la préservation de la qualité du cadre de vie pour l'ensemble des riverains des chemins de Bougna, de Boutes et Montlaurès à Narbonne ", ainsi que " la sauvegarde des activités agricoles et de tourisme vert du site ". Compte tenu de ses caractéristiques et du choix d'implantation retenu, le projet de parc photovoltaïque autorisé par l'arrêté contesté est susceptible de porter atteinte au cadre de vie des habitants du secteur dont l'association COL.E.R.E a pour objet d'assurer la sauvegarde. Cette dernière justifie, par suite, d'un intérêt lui conférant qualité pour agir contre ce permis de construire.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
5. Il ressort des pièces du dossier que les propriétés respectives de M. A... et de M. et Mme G... jouxtent le terrain d'assiette du projet. Les intéressés, dont l'activité est liée au tourisme vert ou équestre, font notamment état de la visibilité des panneaux photovoltaïques depuis leurs propriétés ainsi que des nuisances sonores générées par le parc photovoltaïque autorisé par l'arrêté contesté. Compte tenu de la nature et de l'importance du projet, les personnes physiques requérantes justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire en litige.
6. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la société Soleil Participatif du Narbonnais doivent être écartées.
Sur la légalité du permis de construire en litige :
7. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ".
8. D'une part, il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. L'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, dans le cas où le terrain d'assiette du projet n'est pas situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme, en compatibilité avec les orientations des schémas de cohérence territoriale et des schémas de secteur ou, en l'absence de ces schémas, avec les dispositions particulières au littoral du code de l'urbanisme, le cas échéant précisées par une directive territoriale d'aménagement ou par un document en tenant lieu, aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.
9. D'autre part, l'implantation de panneaux photovoltaïques, qui doit être regardée comme une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, ne peut être autorisée que si elle est située en continuité avec une agglomération ou un village existant.
10. Le terrain d'assiette du projet de parc photovoltaïque, qui est vierge de toute construction et composé de parcelles cultivées, est situé dans une zone à dominante agricole du nord de la commune de Narbonne et à proximité immédiate d'un secteur, localisé à l'ouest, accueillant des activités principalement industrielles. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies aériennes des lieux, que les constructions édifiées dans ce secteur sont implantées de façon relativement dispersée et présentent, dans leur ensemble, une faible densité du fait, en particulier, de la surface importante occupée par les bassins de décantation et d'évaporation situés dans l'emprise du vaste site industriel de Malvési exploité par la société Orano venue aux droits de la société Areva. En dépit de son caractère largement artificialisé et de la présence de plusieurs groupes épars de bâtiments ou de constructions en son sein, ce secteur d'une superficie de plus de cent hectares ne constitue pas une zone déjà urbanisée caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que ce secteur anthropisé ne s'inscrit pas dans le prolongement de la zone urbanisée de la commune située plus au sud. Dans ces conditions, le projet litigieux, qui n'a pas vocation à être implanté dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, ne peut être regardé comme étant situé en continuité avec une agglomération ou un village existant. Par suite, et alors même que le règlement du plan local d'urbanisme de Narbonne autorise l'implantation de panneaux photovoltaïques dans le secteur d'implantation du projet, en délivrant le permis de construire sollicité par la société Soleil Participatif du Narbonnais, le préfet de l'Aude a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
11. Pour l'application de l'article L. 60041 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.
12. Le vice de légalité interne retenu au point 10, qui affecte la totalité du projet litigieux, n'apparaît pas susceptible d'être régularisé en application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2017.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros à verser à l'ensemble des requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Soleil Participatif du Narbonnais à l'encontre des requérants qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aude du 10 février 2017 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera une somme globale de 2 000 euros à l'ensemble des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Soleil Participatif du Narbonnais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association COL.E.R.E, à M. E... A..., à M. et Mme F... et Corinne G..., à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Soleil Participatif du Narbonnais.
Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Narbonne.
Délibéré après l'audience du 16 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme Simon, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.
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N° 19MA00002