Conseil d'État, , 04/03/2021, 449467, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 et 17 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Civitas demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'étendre aux élèves de l'enseignement privé hors contrat ayant choisi l'enseignement optionnel " Langues et cultures de l'Antiquité " les modalités d'évaluation applicables pour cette épreuve optionnelle aux élèves de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat en vertu de l'arrêté du 31 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre d'organiser une épreuve sur table pour évaluer les élèves de l'enseignement privé hors contrat pour l'enseignement optionnel " Langues et cultures de l'Antiquité " dans le cadre de la session 2021 du baccalauréat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- elle justifie, eu égard à son objet social, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les épreuves de spécialités se dérouleront du 15 au 17 mars 2021 et que les élèves de l'enseignement hors contrat ne connaissent pas, à l'heure actuelle, les modalités selon lesquelles ils seront évalués ;
- cette situation ainsi que la différence de traitement entre l'enseignement public et privé sous contrat, d'une part, et l'enseignement privé hors contrat, d'autre part, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de l'enseignement, à l'intérêt supérieur de l'enfant, aux libertés d'expression et de conscience et au droit de chaque candidat d'être traité de la même manière dans les concours publics.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 17 février 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas remplie et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 mars 2021, présentée par l'association requérante ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2018-614 du 16 juillet 2018 ;
- l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d'organisation du contrôle continu pour l'évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et technologique ;
- l'arrêté du 31 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021
- le code de justice administrative ;


Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le vendredi 19 février à 12 heures.



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

2. L'association Civitas demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'étendre aux élèves de l'enseignement privé hors contrat ayant choisi l'enseignement optionnel " Langues et cultures de l'Antiquité " les modalités d'évaluation applicables pour cette épreuve optionnelle aux élèves de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat en vertu de l'arrêté du 31 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre d'organiser une épreuve sur table pour évaluer les élèves de l'enseignement privé hors contrat pour l'enseignement optionnel " Langues et cultures de l'Antiquité " dans le cadre de la session 2021 du baccalauréat .

Sur le cadre juridique du litige :

3. L'article 20 du décret du 16 juillet 2018 relatif aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique a modifié l'article D. 334-4 du code de l'éducation en disposant, pour ce qui est du baccalauréat général, que : " L'évaluation des enseignements obligatoires repose sur des épreuves terminales et sur des évaluations de contrôle continu tout au long du cycle terminal " et qu'" Un arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale définit les modalités d'organisation du contrôle continu pour le baccalauréat général et les conditions dans lesquelles est attribuée une note de contrôle continu aux candidats qui ne suivent les cours d'aucun établissement, aux candidats inscrits dans un établissement d'enseignement privé hors contrat, aux candidats scolarisés au Centre national d'enseignement à distance et aux sportifs de haut niveau (...) ".

4. Pour l'application de ces dispositions, l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d'organisation du contrôle continu pour l'évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et technologique a fixé, par ses articles 1er à 8, les modalités d'organisation de ce contrôle pour les candidats scolarisés dans les établissements publics d'enseignement et dans les établissements d'enseignement privés sous contrat. Les articles 1er et 2 de l'arrêté du 16 juillet 2018 prévoient, d'une part, que les candidats scolarisés dans les établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat subissent trois sessions d'épreuves de contrôle continu, deux en classe de première et une en classe de terminale et, d'autre part, que la note de contrôle continu attribuée aux candidats au baccalauréat qui sont scolarisés dans les établissements publics d'enseignement et dans les établissements d'enseignement privés sous contrat compte pour quarante pour cent des coefficients attribués pour l'examen et est fixée, pour une part de trente pour cent, sur la base de trois sessions d'épreuves dites " évaluations communes " et pour une part de dix pour cent, sur la base de l'évaluation des résultats de l'élève au cours du cycle terminal, telle qu'elle résulte des notes attribuées par ses professeurs. Le I de l'article 9 de de l'arrêté du 16 juillet 2018 prévoit en revanche que, pour les candidats scolarisés dans les établissements privés hors contrat, ceux-ci sont convoqués à une évaluation ponctuelle pour l'enseignement de spécialité ne donnant pas lieu à une épreuve terminale et à une évaluation ponctuelle pour chacun des autres enseignements faisant l'objet d'évaluations communes de contrôle continu, la note de contrôle continu mentionnée à l'article 1er étant fixée, conformément au II de l'article 9, en tenant compte des notes obtenues aux évaluations ponctuelles prévues au I de ce même article.

5. Par ailleurs, l'arrêté du 11 octobre 2019 a modifié l'article 2 et le I de l'article 9 de l'arrêté du 16 juillet 2018 en reportant du deuxième au troisième trimestre de l'année de terminale la série d'épreuves communes de contrôle continu passées en classe de terminale, tant par les candidats scolarisés dans l'enseignement public et dans l'enseignement privé sous contrat que pour les autres candidats.

Sur la demande en référé :

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale d'étendre aux élèves de l'enseignement privé hors contrat ayant choisi l'enseignement optionnel " Langues et cultures de l'Antiquité " les modalités d'évaluation applicables pour cette épreuve optionnelle aux élèves de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat :

6. L'article L. 442-2 du code de l'éducation dispose que : " (...) le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la jeunesse ". Compte tenu de la liberté ainsi reconnue à ces établissements en matière de programmes d'enseignement et de déroulement de la scolarité pour l'enseignement du second degré, la faculté de prévoir des modalités distinctes de fixation de la note de contrôle continu du baccalauréat, d'une part, pour les candidats inscrits dans des établissements publics et des établissements privés sous contrat, d'autre part, pour ceux qui sont inscrits dans des établissements privés hors contrat, qui résulte des dispositions de l'article D. 334-4 du code de l'éducation, ne méconnaît ni la liberté de l'enseignement, ni la liberté d'expression et de conscience, ni l'intérêt supérieur de l'enfant. Par ailleurs, la circonstance que la note de contrôle continu prévue à l'article 1er de l'arrêté du 16 juillet 2018 est fixée, pour les candidats inscrits dans les établissements privés hors contrat, conformément au II de l'article 9 de cet arrêté, en tenant compte des notes obtenues par ces candidats aux évaluations ponctuelles prévues au I du même article n'est pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité entre les candidats au baccalauréat.

7. Il résulte de ce qui précède que la condition tenant à l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne peut être regardée comme satisfaite. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale d'étendre aux candidats issus de ces établissements d'enseignement les modalités d'évaluation applicables aux élèves de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale d'organiser une épreuve sur table en vue d'évaluer les élèves de l'enseignement privé hors contrat ayant choisi l'enseignement optionnel " Langues et cultures de l'Antiquité " dans le cadre de la session 2021 du baccalauréat :

8. Si l'association Civitas soutient que certains établissements d'enseignement privés hors contrat auraient été informés par le rectorat dont ils dépendent de l'impossibilité d'organiser des évaluations ponctuelles pour les candidats ayant choisi l'option " Langues et cultures de l'Antiquité ", il ne résulte pas de l'instruction que des directives prévoyant la suppression de ces évaluations ponctuelles pour la session 2021 du baccalauréat auraient été données par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports à ses services. Il s'ensuit que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre d'organiser de telles épreuves ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association Civitas doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Civitas est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Civitas et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

ECLI:FR:CEORD:2021:449467.20210304
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