CAA de LYON, 3ème chambre, 25/02/2021, 20LY00519, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé le séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1904580 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 février 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 janvier 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois et sous astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros qui sera versée à Me C... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché de deux erreurs de fait qui ont nécessairement eu une influence sur l'appréciation portée sur son droit au respect de sa vie privée et familiale :
o il dispose bien d'une carte de séjour longue durée CE ;
o il a bien produit des bulletins de salaire pour la période 2015-2018 et a établi sa présence habituelle en France depuis 2015 ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans les trente jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, fait à Rabat le 9 octobre 1987 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.


Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Thierry, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, né le 27 août 1973, expose être entré sur le territoire français le 28 juillet 2015 et y résider depuis lors. Par une demande, enregistrée le 3 octobre 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des 7°, 9° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 de ce code. Le préfet du Rhône a rejeté cette demande et a, en outre, obligé M. B... à quitter le territoire français dans les trente jours par un arrêté 20 novembre 2019. M. B... relève appel du jugement rendu le 16 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) 9° A l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) "
3. Il ressort des pièces du dossier que la pension d'invalidité perçue par M. B... ne lui est pas versée au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 9° de l'article L. 313-11, le préfet du Rhône les a méconnues.

4. Les pièces produites par M. B... permettent d'établir de façon suffisante que ce dernier vit en France au moins depuis le mois de septembre 2015, soit un peu plus de quatre années à la date de la décision attaquée. Il y est toutefois arrivé à l'âge de quarante-deux ans, y vit célibataire et sans enfant et n'y fait pas état de liens familiaux. Bien qu'il ait pu travailler, sans, d'ailleurs, y avoir été autorisé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait établi sur le territoire français des liens amicaux ou sociaux qu'il ne pourrait retrouver en dehors de celui-ci et révélant une intégration particulière. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précitées.
5. Contrairement à ce qu'a indiqué le préfet dans l'arrêté en litige, le titre de séjour délivré par les autorités italiennes à M. B... comporte la mention " longue durée " (" periodo lungo ") et ce dernier a produit des bulletins de salaires portant sur la période de 2015 à 2018. Toutefois, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lyon au point 11 du jugement attaqué, par des motifs qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter, ces deux erreurs de faits ne sont de nature à révéler ni un défaut d'examen de la situation M. B..., ni que le préfet aurait pris une décision différente s'il n'avait pas commis ces deux erreurs. Il s'ensuit que les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de titre de séjour de M. B... doivent être rejetées.
6. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour étant ainsi écartés, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, il n'est pas non plus fondé à soutenir que cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Pour la même raison qu'au point précédent, il n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions à fin d'annulation de M. B... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.
DECIDE :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet du Rhône.


Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.





















N° 20LY005192







Retourner en haut de la page