CAA de DOUAI, 1ère chambre, 12/01/2021, 19DA00453, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI, 1ère chambre, 12/01/2021, 19DA00453, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI - 1ère chambre
- N° 19DA00453
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
12 janvier 2021
- Président
- M. Heinis
- Rapporteur
- M. Jean-Pierre Bouchut
- Avocat(s)
- RAPHAEL LEYGUES DE YTURBE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée BC Nord a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 août 2016 par le président de la communauté de communes de la Bresle Maritime pour le recouvrement d'une somme de 371 366,77 euros ainsi que la lettre de relance notifiée le 22 septembre 2016 et de prononcer la décharge de cette somme ou à titre subsidiaire d'en prononcer la réduction et d'en ordonner le calcul hors taxes, d'autre part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 octobre 2016 par cette autorité pour le recouvrement d'une somme de 101 281,85 euros ainsi que la lettre de relance notifiée le 23 novembre 2016 et de prononcer la décharge de cette somme ou à titre subsidiaire d'en prononcer la réduction et d'en ordonner le calcul hors taxes.
Par un jugement nos° 1603400-1603862 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a ramené les montants respectifs de ces titres exécutoires à 309 472,31 euros et à 84 401,54 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, et des mémoires, enregistrés le 26 mars 2020, le 31 mars 2020, le 19 mai 2020 et le 31 juillet 2020, la société par actions simplifiée BC Nord, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les titres exécutoires émis les 10 août et 10 octobre 2016, ainsi que les lettres de relance reçues les 22 septembre 2016, 23 novembre 2016 et 29 janvier 2019 ;
3°) de prononcer la décharge des sommes de 371 366,77 euros et de 101 281,85 euros et à titre subsidiaire d'en prononcer la réduction ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Villes Soeurs la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de M. A... B..., directeur de la société BC Nord.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Par un marché du 20 juillet 2012, la communauté de communes de la Bresle Maritime, aux droits de laquelle vient la communauté de communes des Villes Soeurs, a confié à un groupement dont la société BC Nord était mandataire la conception et la réalisation d'un centre aquatique. La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 8 juin 2015, la date retenue d'achèvement des travaux étant le 1er juillet 2015.
2. A compter du 1er avril 2016, la communauté de communes, estimant que le délai de levée des réserves était expiré, a décidé d'appliquer des pénalités pour retard dans l'exécution des travaux faisant l'objet des réserves. A cet effet, le maître de l'ouvrage a émis deux titres exécutoires à l'encontre du mandataire du groupement.
3. La société BC Nord relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires émis les 10 août et 10 octobre 2016 par le président de la communauté de communes de la Bresle Maritime pour le recouvrement des sommes de 371 366,77 euros et de 101 281,85 euros, d'autre part, en déduisant la taxe sur la valeur ajoutée, a fixé le montant respectif de ces deux titres aux sommes de 309 472,31 euros et 84 401,54 euros.
Sur l'étendue du litige :
4. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la communauté de communes n'a pas contesté le jugement du 31 décembre 2018, par la voie de l'appel incident, en tant qu'il a exclu l'application de la taxe sur la valeur ajoutée aux pénalités, d'autre part, que la lettre de relance du comptable public du 17 janvier 2019, émise sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, a mentionné la somme de 393 873,85 euros correspondant à l'addition des montants fixés par les premiers juges.
5. Dans ces conditions, restent en litige, d'une part, les conclusions à fin d'annulation des titres exécutoires des 10 août 2016 et 10 octobre 2016 en tant que leur montant respectif a été fixé à 309 472,31 euros et 84 401,54 euros, d'autre part, les conclusions à fin de décharge de ces sommes.
Sur le titre exécutoire émis le 10 août 2016 :
6. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le procès-verbal de réception des travaux a été signé le 8 juin 2015 avec une liste de réserves auxquelles le titulaire du marché devait remédier avant le 1er juillet 2015, d'autre part, qu'en application des stipulations du cahier des clauses administratives du marché, l'ensemble des travaux faisant l'objet de ces réserves aurait dû être exécuté au plus tard le 1er avril 2016.
En ce qui concerne l'application des pénalités :
7. Aux termes de l'article 10.3.1 du cahier des clauses administratives du marché : " Tout retard dans la levée des réserves émises par le maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux entraîne l'application d'une pénalité comme suit : / Par jour ouvrable : 1/3000 du montant hors taxes du marché. (...) ".
8. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
S'agissant de l'absence de constat contradictoire :
9. Si, pour écarter l'application de la stipulation précitée, la société appelante soutient qu'il n'a été procédé à aucun constat contradictoire de la levée des réserves à la date du 1er avril 2016, il résulte de l'instruction qu'aucune stipulation du marché ne prévoyait un constat contradictoire préalable de l'état des travaux faisant l'objet de réserves, le maître d'ouvrage étant ainsi libre de prouver le retard de leur exécution par tout moyen. Le moyen tiré de l'absence d'un tel constat doit donc être écarté.
S'agissant de la levée des réserves :
10. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal de levée des réserves établi le 28 janvier 2016 a énuméré celles pour lesquelles des travaux restaient à réaliser soit les réserves n° 3, n° 6, n° 7, n° 32, n° 33, n° 36, n° 38, n° 40, n° 62, n° 64, n° 67, n° 69, n° 76, n° 77, n° 80, n° 87, n° 92, n° 101, n° 102, n° 105, n° 115, n° 116, n° 117, n° 119, n° 131, n° 138, n° 143 et n° 145.
11. En ce qui concerne les travaux relevant de la réserve n° 32, si la société appelante considère qu'une partie de cette réserve était déjà levée le 4 janvier 2016, qu'elle a été entièrement levée lors de l'arrêt technique des 27 et 28 juin 2016 et que la prestation relative aux portes voilées dans la zone casier 225 a été ajoutée après la réception, d'autres prestations mentionnées dans le procès-verbal de levée des réserves du 28 janvier 2016 restaient à effectuer. Cette réserve n'était donc pas levée à la date du 1er avril 2016.
12. La réserve n° 64 portait sur le manque de signalétique de la profondeur, certaines virgules de cette signalétique n'ayant pas tenu. Si la société appelante soutient que la totalité de la réserve a été ajoutée après réception, le procès-verbal du 8 juin 2015 mentionnait un " manque signalétique profondeur " et la société admet que les virgules manquantes ont été recollées pendant l'arrêt technique du 27 juin 2016. Cette réserve n'était donc pas levée à la date du 1er avril 2016.
13. En ce qui concerne la réserve n° 67, si la société appelante admet que les travaux destinés à " permettre de garder les portes ouvertes vers l'extérieur " ont été réalisés seulement le 22 juillet 2016 par la pose d'une butée, elle soutient que le cahier des charges techniques ne prévoyait pas cette prestation ou que le groom était impossible à réaliser. Or il résulte de l'instruction que le cahier des charges prévoyait le blocage automatique des portes à 90° pour le ferme-porte à frein hydraulique. Cette prestation était ainsi bien prévue par le marché. Elle ne peut donc pas être regardée comme ayant été levée à la date du 1er avril 2016.
14. En ce qui concerne enfin les réserves n° 76 et n° 77, si la société appelante admet que les tampons qui manquaient dès l'origine et ceux qui s'étaient décollés ont été posés lors de l'arrêt technique du 1er juillet 2016, elle soutient qu'une partie des réserves a été ajoutée après la réception car les tampons posés s'étaient décollés. Toutefois, le procès-verbal de levée des réserves du 24 janvier 2016 a indiqué que la prestation relative au " manque de tampons sur casier " restait à effectuer. Ces deux réserves ne peuvent donc pas être regardées comme ayant été levées à la date du 1er avril 2016.
15. Enfin, il résulte de l'instruction que les travaux relevant des réserves n° 7, n° 33, n° 38, n° 40, n° 62, n° 69, n° 87, n° 92 et n° 102 ont été réalisés durant la période de l'arrêt technique du 27 juin au 1er juillet 2016, soit postérieurement au 1er avril 2016.
16. Si la société appelante soutient que ces opérations ne pouvaient pas être exécutées pendant la période d'exploitation du centre aquatique et qu'il ne peut donc pas lui être reproché de les avoir réalisées après le 1er avril 2016, il résulte de l'instruction que le centre aquatique a connu une période d'arrêt de son exploitation du 13 au 18 décembre 2015 et que la société appelante en a été prévenue à temps pour qu'elle puisse s'organiser afin de résorber les malfaçons et imperfections ayant fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage, même si le maître d'ouvrage avait précisé que priorité serait donnée aux besoins du délégataire pour qu'il puisse rouvrir l'équipement au public pendant les vacances de Noël.
17. En outre, la société constructrice pouvait intervenir en période d'exploitation lors des périodes d'ouverture au public dès lors que certaines interventions n'étaient pas sources de gêne pour le public, ou avant l'ouverture et après la fermeture de l'équipement au public.
18. En revanche, la communauté de communes admet que les travaux relevant des réserves n° 3, n° 6, n° 36, n° 105 et n° 116 ont été réalisés avant le 1er avril 2016.
19. La mention " peindre tuyau WC " parmi les travaux de la réserve n° 80 et la mention " manque un entonnoir pour éviter un déversement du condensat sur la dalle en béton " parmi les travaux de la réserve n° 101 n'étaient pas au nombre des travaux mentionnés dans le procès-verbal du 8 juin 2015. Ces deux réserves doivent, par suite, être regardées comme ayant été entièrement levées à la date du 1er avril 2016.
20. La réserve n° 115 portait sur le manque de signalisation de l'emplacement pour les " deux roues motorisées ". La société appelante soutient qu'il ne pouvait pas s'agir d'une réserve à la réception des travaux dans la mesure où la prestation à réaliser n'a été fixée avec précision que postérieurement à la réception. En se bornant à mentionner des " panonceaux pour signaler les places PMR " et des " panneaux de signalisation : sens interdit, stop ... " sans autre précision, le cahier des clauses techniques particulières du marché n'a effectivement pas prévu la pose d'un panneau spécifique pour signaler l'emplacement de stationnement des engins motorisés à deux roues. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la pose de ce panneau a été demandée par le maître d'ouvrage avant la réception des travaux, cette prestation ne relève pas d'une réserve qui devait être levée avant le 1er avril 2016.
21. La réserve n° 117 portait sur le défaut d'installation de la signalisation horizontale et verticale pour les accès pompiers et les cars scolaires. Il résulte du procès-verbal de constat établi par un huissier de justice le 13 mai 2016 que seule la signalisation verticale n'avait pas été réalisée à cette date. La société appelante soutient qu'il ne peut s'agir d'une réserve à la réception dès lors que la prestation à réaliser n'a été déterminée qu'après la réception. Il résulte effectivement de l'instruction que le panneau de signalisation verticale n'avait pas été prévu par le cahier des clauses techniques particulières et que le maître d'ouvrage n'avait pas donné toutes les indications nécessaires à la réalisation de cette signalisation avant le 1er avril 2016. Dès lors, l'absence de réalisation de cette prestation ne peut pas donner lieu à l'application de pénalités.
22. La réserve n° 119 portait sur le défaut d'installation d'un pare-vent. S'il résulte du cahier des clauses techniques particulières que la localisation des brise-vent ou pare-vent devait être fixée par les " plans, coupes et détails architecte " pour les éléments implantés en façade ouest du bâtiment sur l'emprise du solarium, il ne résulte pas de l'instruction que les plans fournis par l'architecte suffisaient à déterminer cette implantation. Si l'implantation d'un pare-vent situé à proximité du bassin extérieur et non en façade ouest du bâtiment sur l'emprise du solarium a été prévue dans un plan validé par un courriel de la communauté de communes du 25 mars 2016, cette validation est intervenue à une date très proche de l'échéance du 1er avril 2016 et l'origine du retard ne peut donc pas être regardée comme entièrement imputable au seul titulaire du marché. Dès lors, aucune pénalité de retard ne pouvait être appliquée à la réalisation de ces travaux qui a été diligentée les 4 et 5 juillet 2016.
23. La réserve n° 131 portait sur le défaut de réalisation de la rénovation totale de l'étanchéité abîmée par des ardoises. Il résulte de l'instruction que, lors d'un sinistre survenu en décembre 2014, les ardoises d'une villa voisine qui s'étaient envolées ont provoqué des dommages sur la toiture du centre aquatique et que les travaux de réparation des dommages ont été pris en charge par l'assureur de l'auteur du sinistre. De tels travaux ne pouvaient pas être regardés comme résultant d'une malfaçon ou d'une imperfection imputable au titulaire du marché. Dès lors, le retard dans leur réalisation ne pouvait pas donner lieu à application de pénalités.
24. La réserve n° 138 mentionnait qu'il restait à réaliser les travaux relatifs au " bardage côté clôture / voie ferrée " sur le Pentagliss. Il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations, finalement réalisées par la communauté de communes, aient été expressément prévues par le cahier des clauses techniques particulières. Dès lors, le retard dans leur réalisation ne pouvait être imputé au titulaire du marché et aucune pénalité de retard ne pouvait être appliquée.
25. La réserve n° 143 correspond aux réserves n° 115 et n° 117 et la réserve n° 145 correspond à la réserve n° 117. Pour les motifs exposés précédemment elles ne pouvaient donner lieu à pénalité.
26. Il résulte de ce qui précède que les réserves n° 7, n° 32, n° 33, n° 38, n° 40, n° 62, n° 64, n° 67, n° 69, n° 76, n° 77, n° 87, n° 92 et n° 102 n'étaient pas levées à la date du 1er avril 2016.
27. Le retard pris dans l'exécution des travaux nécessaires à la résorption de ces réserves pouvait donc donner lieu à des pénalités, alors même que leur montant serait supérieur au préjudice subi par le maître d'ouvrage. L'application du cahier des clauses administratives aboutit, pour un retard de 77 jours ouvrables allant du 1er avril au 1er juillet 2016, à un montant total des pénalités s'élevant à la somme de 309 472,31 euros.
En ce qui concerne le caractère excessif des pénalités :
28. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.
29. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir au juge tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
30. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la clause d'application des pénalités de retard mise en oeuvre dans le présent litige, prévoyant un montant des pénalités appliquées pour les réserves non levées après réception d'un montant identique à celui prévu en cas de retard de la livraison de l'ouvrage principal, n'est pas habituelle dans les marchés de travaux comparables.
31. En deuxième lieu, le caractère excessif du montant des pénalités de retard assignées en l'espèce au titre de la non levée de réserves faites à la réception de l'ouvrage doit être apprécié non pas au regard du montant total des travaux de réalisation d'un ouvrage par ailleurs en état de fonctionnement remis au maître de l'ouvrage par l'effet de la réception, mais en tenant compte d'abord du montant des seules prestations réservées lors de cette réception, ensuite de l'ampleur du retard constaté dans les travaux destinés à résorber les imperfections et malfaçons alors constatées.
32. D'une part, les travaux nécessaires à la résorption des malfaçons et imperfections mentionnés ci-dessus, donnant lieu à l'application de pénalités, ont porté sur la fermeture de casiers, le réglage de leurs portes, des reprises de peinture de cabines, de casiers, de tuyaux, de tubes de plomberie ou de radiateurs, la réfection de malfaçons dans certaines parties des murs, la pose de butées de diverses portes, la pose des virgules manquantes dans la signalétique de la profondeur des bassins, l'ajout de tampons sur des casiers des vestiaires hommes et femmes ainsi que la pose d'un doigt de gant sur un départ de radiateur. Il résulte de l'instruction, et notamment des effectifs des salariés des entreprises présents sur le site, que ces travaux ont nécessité 39 journées de travail.
33. D'autre part, il résulte de l'instruction que le retard constaté dans les travaux destinés à lever les réserves s'est limité à 77 jours.
34. En troisième lieu, ces travaux relevaient par ailleurs, conformément aux articles 17.2.2.4 et 17.6.1 du cahier des clauses administratives particulières, de l'obligation de parfait achèvement.
35. Dans ces conditions, le montant des pénalités de retard assigné en l'espèce doit être regardé comme présentant un caractère manifestement excessif.
36. Dans les circonstances susrappelées, il y a lieu de fixer ces pénalités à la somme globale de 12 000 euros et, par voie de conséquence, d'une part d'annuler le titre exécutoire émis le 10 août 2016 et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent cette somme, d'autre part, de décharger la société appelante de la différence entre le montant émis par ce titre et celui résultant du présent arrêt.
Sur le titre exécutoire émis le 10 octobre 2016 :
37. Constatant, par un procès-verbal de levée des réserves en date du 6 juillet 2016, qu'il restait à réaliser au 1er juillet 2016 les travaux correspondant aux réserves n° 67, n° 115, n° 117 et n° 131 et que, par un procès-verbal du 2 septembre 2016, toutes les réserves dont était assortie la décision de réception des ouvrages du 8 juin 2015 avaient été levées à la date du 28 juillet 2016, la communauté de communes a émis un titre exécutoire à raison des pénalités de retard dans l'exécution de ces travaux couvrant la période du 1er au 28 juillet 2016.
38. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus pour les travaux résultant des réserves n° 115, n° 117 et n° 131, seuls les travaux relevant de la rubrique n° 67, à savoir la pose de butées de portes à placer à l'extérieur qui avaient le caractère de travaux ayant fait l'objet de réserves, ont été réalisés avec retard durant cette période. Les pénalités sont donc dues à ce seul titre.
39. Les pénalités de retard ont été fixées, pour 21 jours ouvrables de retard, à la somme globale de 84 420,54 euros. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus et au regard tant de la nature et du montant des travaux nécessaires que de la durée du retard constaté, un tel montant présentait un caractère manifestement excessif.
40. Dans les circonstances susrappelées, il y a lieu de fixer ces pénalités à la somme globale de 3 000 euros et, par voie de conséquence, d'une part, d'annuler le titre de recettes émis le 10 octobre 2016 et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent cette somme, d'autre part, de décharger la société appelante de la différence entre le montant émis par ce titre et celui résultant du présent arrêt.
41. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 août 2016 à l'encontre de la société BC Nord et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent la somme de 12 000 euros et de décharger cette société de la somme de 297 472,31 euros, d'autre part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 octobre 2016 à l'encontre de la même société et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent la somme de 3 000 euros et de décharger ladite société de la somme de 81 401,54 euros, enfin, de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Rouen.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
42. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société BC Nord, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement d'une somme à la communauté de communes des Villes Soeurs au titre des frais du procès.
43. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes des Villes Soeurs la somme que la société BC Nord demande à ce même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre exécutoire émis le 10 août 2016 pour un montant de 309 472,31 euros et celui émis le 10 octobre 2016 pour un montant de 84 401,54 euros, ainsi que les lettres de relance des 12 septembre 2016, 14 novembre 2016 et 17 janvier 2019, sont annulés en tant qu'ils excèdent respectivement les sommes de 12 000 euros et de 3 000 euros ; la société BC Nord est déchargée, dans cette mesure, de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces titres.
Article 2 : Le jugement du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article précédent.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BC Nord est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la communauté de communes des Villes Soeurs présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour la société BC Nord, à la communauté de communes des Villes Soeurs et au directeur régional des finances publiques de Normandie.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA00453 2
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée BC Nord a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 août 2016 par le président de la communauté de communes de la Bresle Maritime pour le recouvrement d'une somme de 371 366,77 euros ainsi que la lettre de relance notifiée le 22 septembre 2016 et de prononcer la décharge de cette somme ou à titre subsidiaire d'en prononcer la réduction et d'en ordonner le calcul hors taxes, d'autre part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 octobre 2016 par cette autorité pour le recouvrement d'une somme de 101 281,85 euros ainsi que la lettre de relance notifiée le 23 novembre 2016 et de prononcer la décharge de cette somme ou à titre subsidiaire d'en prononcer la réduction et d'en ordonner le calcul hors taxes.
Par un jugement nos° 1603400-1603862 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a ramené les montants respectifs de ces titres exécutoires à 309 472,31 euros et à 84 401,54 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, et des mémoires, enregistrés le 26 mars 2020, le 31 mars 2020, le 19 mai 2020 et le 31 juillet 2020, la société par actions simplifiée BC Nord, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les titres exécutoires émis les 10 août et 10 octobre 2016, ainsi que les lettres de relance reçues les 22 septembre 2016, 23 novembre 2016 et 29 janvier 2019 ;
3°) de prononcer la décharge des sommes de 371 366,77 euros et de 101 281,85 euros et à titre subsidiaire d'en prononcer la réduction ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Villes Soeurs la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de M. A... B..., directeur de la société BC Nord.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Par un marché du 20 juillet 2012, la communauté de communes de la Bresle Maritime, aux droits de laquelle vient la communauté de communes des Villes Soeurs, a confié à un groupement dont la société BC Nord était mandataire la conception et la réalisation d'un centre aquatique. La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 8 juin 2015, la date retenue d'achèvement des travaux étant le 1er juillet 2015.
2. A compter du 1er avril 2016, la communauté de communes, estimant que le délai de levée des réserves était expiré, a décidé d'appliquer des pénalités pour retard dans l'exécution des travaux faisant l'objet des réserves. A cet effet, le maître de l'ouvrage a émis deux titres exécutoires à l'encontre du mandataire du groupement.
3. La société BC Nord relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires émis les 10 août et 10 octobre 2016 par le président de la communauté de communes de la Bresle Maritime pour le recouvrement des sommes de 371 366,77 euros et de 101 281,85 euros, d'autre part, en déduisant la taxe sur la valeur ajoutée, a fixé le montant respectif de ces deux titres aux sommes de 309 472,31 euros et 84 401,54 euros.
Sur l'étendue du litige :
4. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la communauté de communes n'a pas contesté le jugement du 31 décembre 2018, par la voie de l'appel incident, en tant qu'il a exclu l'application de la taxe sur la valeur ajoutée aux pénalités, d'autre part, que la lettre de relance du comptable public du 17 janvier 2019, émise sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, a mentionné la somme de 393 873,85 euros correspondant à l'addition des montants fixés par les premiers juges.
5. Dans ces conditions, restent en litige, d'une part, les conclusions à fin d'annulation des titres exécutoires des 10 août 2016 et 10 octobre 2016 en tant que leur montant respectif a été fixé à 309 472,31 euros et 84 401,54 euros, d'autre part, les conclusions à fin de décharge de ces sommes.
Sur le titre exécutoire émis le 10 août 2016 :
6. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le procès-verbal de réception des travaux a été signé le 8 juin 2015 avec une liste de réserves auxquelles le titulaire du marché devait remédier avant le 1er juillet 2015, d'autre part, qu'en application des stipulations du cahier des clauses administratives du marché, l'ensemble des travaux faisant l'objet de ces réserves aurait dû être exécuté au plus tard le 1er avril 2016.
En ce qui concerne l'application des pénalités :
7. Aux termes de l'article 10.3.1 du cahier des clauses administratives du marché : " Tout retard dans la levée des réserves émises par le maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux entraîne l'application d'une pénalité comme suit : / Par jour ouvrable : 1/3000 du montant hors taxes du marché. (...) ".
8. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
S'agissant de l'absence de constat contradictoire :
9. Si, pour écarter l'application de la stipulation précitée, la société appelante soutient qu'il n'a été procédé à aucun constat contradictoire de la levée des réserves à la date du 1er avril 2016, il résulte de l'instruction qu'aucune stipulation du marché ne prévoyait un constat contradictoire préalable de l'état des travaux faisant l'objet de réserves, le maître d'ouvrage étant ainsi libre de prouver le retard de leur exécution par tout moyen. Le moyen tiré de l'absence d'un tel constat doit donc être écarté.
S'agissant de la levée des réserves :
10. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal de levée des réserves établi le 28 janvier 2016 a énuméré celles pour lesquelles des travaux restaient à réaliser soit les réserves n° 3, n° 6, n° 7, n° 32, n° 33, n° 36, n° 38, n° 40, n° 62, n° 64, n° 67, n° 69, n° 76, n° 77, n° 80, n° 87, n° 92, n° 101, n° 102, n° 105, n° 115, n° 116, n° 117, n° 119, n° 131, n° 138, n° 143 et n° 145.
11. En ce qui concerne les travaux relevant de la réserve n° 32, si la société appelante considère qu'une partie de cette réserve était déjà levée le 4 janvier 2016, qu'elle a été entièrement levée lors de l'arrêt technique des 27 et 28 juin 2016 et que la prestation relative aux portes voilées dans la zone casier 225 a été ajoutée après la réception, d'autres prestations mentionnées dans le procès-verbal de levée des réserves du 28 janvier 2016 restaient à effectuer. Cette réserve n'était donc pas levée à la date du 1er avril 2016.
12. La réserve n° 64 portait sur le manque de signalétique de la profondeur, certaines virgules de cette signalétique n'ayant pas tenu. Si la société appelante soutient que la totalité de la réserve a été ajoutée après réception, le procès-verbal du 8 juin 2015 mentionnait un " manque signalétique profondeur " et la société admet que les virgules manquantes ont été recollées pendant l'arrêt technique du 27 juin 2016. Cette réserve n'était donc pas levée à la date du 1er avril 2016.
13. En ce qui concerne la réserve n° 67, si la société appelante admet que les travaux destinés à " permettre de garder les portes ouvertes vers l'extérieur " ont été réalisés seulement le 22 juillet 2016 par la pose d'une butée, elle soutient que le cahier des charges techniques ne prévoyait pas cette prestation ou que le groom était impossible à réaliser. Or il résulte de l'instruction que le cahier des charges prévoyait le blocage automatique des portes à 90° pour le ferme-porte à frein hydraulique. Cette prestation était ainsi bien prévue par le marché. Elle ne peut donc pas être regardée comme ayant été levée à la date du 1er avril 2016.
14. En ce qui concerne enfin les réserves n° 76 et n° 77, si la société appelante admet que les tampons qui manquaient dès l'origine et ceux qui s'étaient décollés ont été posés lors de l'arrêt technique du 1er juillet 2016, elle soutient qu'une partie des réserves a été ajoutée après la réception car les tampons posés s'étaient décollés. Toutefois, le procès-verbal de levée des réserves du 24 janvier 2016 a indiqué que la prestation relative au " manque de tampons sur casier " restait à effectuer. Ces deux réserves ne peuvent donc pas être regardées comme ayant été levées à la date du 1er avril 2016.
15. Enfin, il résulte de l'instruction que les travaux relevant des réserves n° 7, n° 33, n° 38, n° 40, n° 62, n° 69, n° 87, n° 92 et n° 102 ont été réalisés durant la période de l'arrêt technique du 27 juin au 1er juillet 2016, soit postérieurement au 1er avril 2016.
16. Si la société appelante soutient que ces opérations ne pouvaient pas être exécutées pendant la période d'exploitation du centre aquatique et qu'il ne peut donc pas lui être reproché de les avoir réalisées après le 1er avril 2016, il résulte de l'instruction que le centre aquatique a connu une période d'arrêt de son exploitation du 13 au 18 décembre 2015 et que la société appelante en a été prévenue à temps pour qu'elle puisse s'organiser afin de résorber les malfaçons et imperfections ayant fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage, même si le maître d'ouvrage avait précisé que priorité serait donnée aux besoins du délégataire pour qu'il puisse rouvrir l'équipement au public pendant les vacances de Noël.
17. En outre, la société constructrice pouvait intervenir en période d'exploitation lors des périodes d'ouverture au public dès lors que certaines interventions n'étaient pas sources de gêne pour le public, ou avant l'ouverture et après la fermeture de l'équipement au public.
18. En revanche, la communauté de communes admet que les travaux relevant des réserves n° 3, n° 6, n° 36, n° 105 et n° 116 ont été réalisés avant le 1er avril 2016.
19. La mention " peindre tuyau WC " parmi les travaux de la réserve n° 80 et la mention " manque un entonnoir pour éviter un déversement du condensat sur la dalle en béton " parmi les travaux de la réserve n° 101 n'étaient pas au nombre des travaux mentionnés dans le procès-verbal du 8 juin 2015. Ces deux réserves doivent, par suite, être regardées comme ayant été entièrement levées à la date du 1er avril 2016.
20. La réserve n° 115 portait sur le manque de signalisation de l'emplacement pour les " deux roues motorisées ". La société appelante soutient qu'il ne pouvait pas s'agir d'une réserve à la réception des travaux dans la mesure où la prestation à réaliser n'a été fixée avec précision que postérieurement à la réception. En se bornant à mentionner des " panonceaux pour signaler les places PMR " et des " panneaux de signalisation : sens interdit, stop ... " sans autre précision, le cahier des clauses techniques particulières du marché n'a effectivement pas prévu la pose d'un panneau spécifique pour signaler l'emplacement de stationnement des engins motorisés à deux roues. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la pose de ce panneau a été demandée par le maître d'ouvrage avant la réception des travaux, cette prestation ne relève pas d'une réserve qui devait être levée avant le 1er avril 2016.
21. La réserve n° 117 portait sur le défaut d'installation de la signalisation horizontale et verticale pour les accès pompiers et les cars scolaires. Il résulte du procès-verbal de constat établi par un huissier de justice le 13 mai 2016 que seule la signalisation verticale n'avait pas été réalisée à cette date. La société appelante soutient qu'il ne peut s'agir d'une réserve à la réception dès lors que la prestation à réaliser n'a été déterminée qu'après la réception. Il résulte effectivement de l'instruction que le panneau de signalisation verticale n'avait pas été prévu par le cahier des clauses techniques particulières et que le maître d'ouvrage n'avait pas donné toutes les indications nécessaires à la réalisation de cette signalisation avant le 1er avril 2016. Dès lors, l'absence de réalisation de cette prestation ne peut pas donner lieu à l'application de pénalités.
22. La réserve n° 119 portait sur le défaut d'installation d'un pare-vent. S'il résulte du cahier des clauses techniques particulières que la localisation des brise-vent ou pare-vent devait être fixée par les " plans, coupes et détails architecte " pour les éléments implantés en façade ouest du bâtiment sur l'emprise du solarium, il ne résulte pas de l'instruction que les plans fournis par l'architecte suffisaient à déterminer cette implantation. Si l'implantation d'un pare-vent situé à proximité du bassin extérieur et non en façade ouest du bâtiment sur l'emprise du solarium a été prévue dans un plan validé par un courriel de la communauté de communes du 25 mars 2016, cette validation est intervenue à une date très proche de l'échéance du 1er avril 2016 et l'origine du retard ne peut donc pas être regardée comme entièrement imputable au seul titulaire du marché. Dès lors, aucune pénalité de retard ne pouvait être appliquée à la réalisation de ces travaux qui a été diligentée les 4 et 5 juillet 2016.
23. La réserve n° 131 portait sur le défaut de réalisation de la rénovation totale de l'étanchéité abîmée par des ardoises. Il résulte de l'instruction que, lors d'un sinistre survenu en décembre 2014, les ardoises d'une villa voisine qui s'étaient envolées ont provoqué des dommages sur la toiture du centre aquatique et que les travaux de réparation des dommages ont été pris en charge par l'assureur de l'auteur du sinistre. De tels travaux ne pouvaient pas être regardés comme résultant d'une malfaçon ou d'une imperfection imputable au titulaire du marché. Dès lors, le retard dans leur réalisation ne pouvait pas donner lieu à application de pénalités.
24. La réserve n° 138 mentionnait qu'il restait à réaliser les travaux relatifs au " bardage côté clôture / voie ferrée " sur le Pentagliss. Il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations, finalement réalisées par la communauté de communes, aient été expressément prévues par le cahier des clauses techniques particulières. Dès lors, le retard dans leur réalisation ne pouvait être imputé au titulaire du marché et aucune pénalité de retard ne pouvait être appliquée.
25. La réserve n° 143 correspond aux réserves n° 115 et n° 117 et la réserve n° 145 correspond à la réserve n° 117. Pour les motifs exposés précédemment elles ne pouvaient donner lieu à pénalité.
26. Il résulte de ce qui précède que les réserves n° 7, n° 32, n° 33, n° 38, n° 40, n° 62, n° 64, n° 67, n° 69, n° 76, n° 77, n° 87, n° 92 et n° 102 n'étaient pas levées à la date du 1er avril 2016.
27. Le retard pris dans l'exécution des travaux nécessaires à la résorption de ces réserves pouvait donc donner lieu à des pénalités, alors même que leur montant serait supérieur au préjudice subi par le maître d'ouvrage. L'application du cahier des clauses administratives aboutit, pour un retard de 77 jours ouvrables allant du 1er avril au 1er juillet 2016, à un montant total des pénalités s'élevant à la somme de 309 472,31 euros.
En ce qui concerne le caractère excessif des pénalités :
28. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.
29. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir au juge tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
30. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la clause d'application des pénalités de retard mise en oeuvre dans le présent litige, prévoyant un montant des pénalités appliquées pour les réserves non levées après réception d'un montant identique à celui prévu en cas de retard de la livraison de l'ouvrage principal, n'est pas habituelle dans les marchés de travaux comparables.
31. En deuxième lieu, le caractère excessif du montant des pénalités de retard assignées en l'espèce au titre de la non levée de réserves faites à la réception de l'ouvrage doit être apprécié non pas au regard du montant total des travaux de réalisation d'un ouvrage par ailleurs en état de fonctionnement remis au maître de l'ouvrage par l'effet de la réception, mais en tenant compte d'abord du montant des seules prestations réservées lors de cette réception, ensuite de l'ampleur du retard constaté dans les travaux destinés à résorber les imperfections et malfaçons alors constatées.
32. D'une part, les travaux nécessaires à la résorption des malfaçons et imperfections mentionnés ci-dessus, donnant lieu à l'application de pénalités, ont porté sur la fermeture de casiers, le réglage de leurs portes, des reprises de peinture de cabines, de casiers, de tuyaux, de tubes de plomberie ou de radiateurs, la réfection de malfaçons dans certaines parties des murs, la pose de butées de diverses portes, la pose des virgules manquantes dans la signalétique de la profondeur des bassins, l'ajout de tampons sur des casiers des vestiaires hommes et femmes ainsi que la pose d'un doigt de gant sur un départ de radiateur. Il résulte de l'instruction, et notamment des effectifs des salariés des entreprises présents sur le site, que ces travaux ont nécessité 39 journées de travail.
33. D'autre part, il résulte de l'instruction que le retard constaté dans les travaux destinés à lever les réserves s'est limité à 77 jours.
34. En troisième lieu, ces travaux relevaient par ailleurs, conformément aux articles 17.2.2.4 et 17.6.1 du cahier des clauses administratives particulières, de l'obligation de parfait achèvement.
35. Dans ces conditions, le montant des pénalités de retard assigné en l'espèce doit être regardé comme présentant un caractère manifestement excessif.
36. Dans les circonstances susrappelées, il y a lieu de fixer ces pénalités à la somme globale de 12 000 euros et, par voie de conséquence, d'une part d'annuler le titre exécutoire émis le 10 août 2016 et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent cette somme, d'autre part, de décharger la société appelante de la différence entre le montant émis par ce titre et celui résultant du présent arrêt.
Sur le titre exécutoire émis le 10 octobre 2016 :
37. Constatant, par un procès-verbal de levée des réserves en date du 6 juillet 2016, qu'il restait à réaliser au 1er juillet 2016 les travaux correspondant aux réserves n° 67, n° 115, n° 117 et n° 131 et que, par un procès-verbal du 2 septembre 2016, toutes les réserves dont était assortie la décision de réception des ouvrages du 8 juin 2015 avaient été levées à la date du 28 juillet 2016, la communauté de communes a émis un titre exécutoire à raison des pénalités de retard dans l'exécution de ces travaux couvrant la période du 1er au 28 juillet 2016.
38. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus pour les travaux résultant des réserves n° 115, n° 117 et n° 131, seuls les travaux relevant de la rubrique n° 67, à savoir la pose de butées de portes à placer à l'extérieur qui avaient le caractère de travaux ayant fait l'objet de réserves, ont été réalisés avec retard durant cette période. Les pénalités sont donc dues à ce seul titre.
39. Les pénalités de retard ont été fixées, pour 21 jours ouvrables de retard, à la somme globale de 84 420,54 euros. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus et au regard tant de la nature et du montant des travaux nécessaires que de la durée du retard constaté, un tel montant présentait un caractère manifestement excessif.
40. Dans les circonstances susrappelées, il y a lieu de fixer ces pénalités à la somme globale de 3 000 euros et, par voie de conséquence, d'une part, d'annuler le titre de recettes émis le 10 octobre 2016 et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent cette somme, d'autre part, de décharger la société appelante de la différence entre le montant émis par ce titre et celui résultant du présent arrêt.
41. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 août 2016 à l'encontre de la société BC Nord et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent la somme de 12 000 euros et de décharger cette société de la somme de 297 472,31 euros, d'autre part, d'annuler le titre exécutoire émis le 10 octobre 2016 à l'encontre de la même société et les lettres de relance correspondantes en tant qu'ils excèdent la somme de 3 000 euros et de décharger ladite société de la somme de 81 401,54 euros, enfin, de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Rouen.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
42. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société BC Nord, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement d'une somme à la communauté de communes des Villes Soeurs au titre des frais du procès.
43. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes des Villes Soeurs la somme que la société BC Nord demande à ce même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre exécutoire émis le 10 août 2016 pour un montant de 309 472,31 euros et celui émis le 10 octobre 2016 pour un montant de 84 401,54 euros, ainsi que les lettres de relance des 12 septembre 2016, 14 novembre 2016 et 17 janvier 2019, sont annulés en tant qu'ils excèdent respectivement les sommes de 12 000 euros et de 3 000 euros ; la société BC Nord est déchargée, dans cette mesure, de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces titres.
Article 2 : Le jugement du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article précédent.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BC Nord est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la communauté de communes des Villes Soeurs présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour la société BC Nord, à la communauté de communes des Villes Soeurs et au directeur régional des finances publiques de Normandie.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA00453 2