Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 11/12/2020, 440307

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008. Par un jugement n° 1506596 du 30 janvier 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18LY01137 du 12 mars 2020, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a, sur l'appel de Mme A... B..., annulé ce jugement et accordé la décharge des impositions contestées.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 avril et 19 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2, 3 et 4 de cet arrêt.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention entre la République française et la République fédérative du Brésil tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu du 10 septembre 1971 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de Mme A... B... ;




Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts dispose : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". En vertu de l'article 1er de la convention conclue le 10 septembre 1971 entre la France et le Brésil tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu : " La présente Convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats ". En vertu du 1 de son article 4 : " Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat contractant, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ".

2. En vertu de l'article 13 de la même convention : " 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers (...) ou de l'aliénation de parts ou de droits analogues dans une société dont l'actif est composé principalement de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens immobiliers sont situés. / 2. Les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers faisant partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant (...) sont imposables dans cet autre Etat. Toutefois, les gains provenant de l'aliénation de navires ou d'aéronefs exploités en trafic international et de biens mobiliers affectés à l'exploitation desdits navires ou aéronefs ne sont imposables que dans l'Etat contractant où le siège de la direction effective de l'entreprise est situé. / 3. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens ou droits autres que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 sont imposables dans les deux Etats contractants ".

3. Enfin, en vertu de l'article 22 de cette convention, intitulé " Règles générales d'imposition " : " La double imposition est évitée de la façon suivante : / (...) 2. Dans le cas de la France : / (...) c) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 qui ont supporté l'impôt brésilien conformément aux dispositions desdits articles, la France accorde aux résidents de France percevant de tels revenus de source brésilienne un crédit d'impôt correspondant à l'impôt perçu au Brésil et dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus. "

4. Il résulte de la définition du résident d'un Etat contractant donnée par les stipulations précitées de son article 4, du fait que son article 13 distingue une hypothèse d'imposition dans un Etat contractant de l'hypothèse où des gains ne sont imposables " que " dans un Etat contractant et, enfin, des conditions dans lesquelles son article 22, qui renvoie notamment à l'article 13, prévoit qu'est évitée la double imposition, qu'en prévoyant que les gains provenant de l'aliénation de parts ou de droits analogues dans une société dont l'actif est composé principalement de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat où ces biens sont situés, les stipulations précitées du 1 de l'article 13 n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exclure toute possibilité, pour l'Etat dont le contribuable est résident, d'imposer également ces gains.

5. Pour prononcer la décharge des impositions auxquelles Mme A... B..., résidente de France, a été assujettie à raison d'une plus-value de cession de parts dans une société dont l'actif est composé principalement de biens immobiliers situés au Brésil, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur ce que les stipulations du 1 de l'article 13, citées ci-dessus, de la convention franco-brésilienne du 10 septembre 1971, excluaient l'imposition d'un tel gain en France. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus qu'en statuant ainsi la cour a fait une inexacte application de ces stipulations.

6. Le ministre de l'action et des comptes publics est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 2, 3 et 4 de l'arrêt qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par Mme A... B....




D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt du 12 mars 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à Mme C... A... B....


ECLI:FR:CECHR:2020:440307.20201211
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