CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 08/12/2020, 20MA01270, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes la décharge de l'obligation de payer l'intégralité de la participation mise à sa charge par la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, en vue du financement de l'assainissement collectif, à la suite du rejet implicite de son recours gracieux et de la réception d'un titre exécutoire émis pour avoir paiement du deuxième tiers correspondant à cette participation.

Par un jugement n° 1802851 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé M. A... de l'obligation de payer la participation au financement de l'assainissement collectif mise à sa charge par la commune de Saint-Sauveur-Camprieu.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2020, la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la requête de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

A titre principal, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

- la demande de première instance est irrecevable en raison de sa tardiveté dès lors que le courrier en date du 12 octobre 2017, adressé par M. A... et d'autres contribuables de la commune, qui ne constitue pas un recours gracieux, n'a pas eu pour effet de proroger le délai de recours à l'encontre du titre exécutoire du 25 août 2017 dûment notifié ;
- en toute hypothèse, la requête n'a pas été présentée dans un délai raisonnable au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 " Czabaj " ;
- dans l'hypothèse où le courrier du 12 octobre 2017 devrait s'analyser comme un recours gracieux, la saisine du tribunal administratif serait en tout état de cause tardive dès lors que le rejet implicite de ce recours constitue une décision confirmative du titre exécutoire du 25 août 2017, qui ayant été notifié le 25 août 2017, est définitif ;
- la demande est également irrecevable dès lors que le requérant n'a pas produit la copie du titre exécutoire ;

A titre subsidiaire, en ce qui concerne l'obligation de payer :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le dispositif de collecte en réseau d'assainissement faisait l'objet d'un entretien par la commune, financé par les usagers au moyen d'une redevance annuelle et que des frais de branchement étaient facturés aux propriétaires ;
- le réseau antérieur, qui n'était qu'un réseau de collecte des eaux usées ne présente pas le caractère d'un réseau d'assainissement collectif au sens des dispositions des articles L. 2224-8 et L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales de sorte que M. A... n'était raccordé à aucun réseau d'assainissement collectif avant le 1er juillet 2012 ;
- les travaux entrepris en 2013 ont eu pour objet de créer un nouveau réseau d'assainissement, auquel les constructions du centre du village et du quartier des Poujadettes ont été raccordées ;
- la participation au financement de l'assainissement collectif est exigible lors du raccordement au nouveau réseau, ce qui est le cas en l'espèce ;
- l'article 30 de la loi du 14 mars 2012 prévoit que la participation au financement de l'assainissement collectif n'est pas exigible pour les propriétaires qui ont été astreints à verser la participation au raccordement à l'égout avant le 1er juillet 2012, ce qui n'est pas le cas de M. A... ;
- le titre exécutoire comporte les bases et les éléments de calcul du montant de la participation au financement de l'assainissement collectif.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 7 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été prononcée à la date de son émission.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. A..., rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la commune de Saint-Sauveur-Camprieu.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Saint-Sauveur-Camprieu a été enregistrée le 27 novembre 2020.


Considérant ce qui suit :

1. M. A... est propriétaire d'un bien à Saint-Sauveur Camprieu. Par une délibération du 16 juillet 2015, le conseil municipal a instauré la participation pour le financement de l'assainissement collectif sur l'ensemble du territoire de la commune, en vue de financer les travaux entrepris en 2013 concernant notamment le traitement des eaux usées. Sur le fondement de cette délibération, un titre exécutoire correspondant au premier tiers de cette participation a été émis. M. A..., ainsi que d'autres habitants de la commune, ont contesté l'obligation de payer cette participation par un courrier du 12 octobre 2017 adressé au maire de la commune, et resté sans réponse. A la suite du rejet implicite de cette contestation, M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de le décharger de l'obligation de payer l'intégralité de la participation mise à sa charge. Par un jugement du 30 décembre 2019 dont la commune relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé M. A... de cette obligation.

Sur la demande de décharge :

2. Aux termes de l'article L. 1331-2 du code de la santé publique : " Lors de la construction d'un nouveau réseau public de collecte ou de l'incorporation d'un réseau public de collecte pluvial à un réseau disposé pour recevoir les eaux usées d'origine domestique, la commune peut exécuter d'office les parties des branchements situées sous la voie publique, jusque et y compris le regard le plus proche des limites du domaine public (...) ". La même disposition prévoit que la commune est autorisée à se faire rembourser par les propriétaires intéressés tout ou partie des dépenses entraînées par les travaux de branchement au nouveau réseau. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1331-7 du même code : " Les propriétaires des immeubles soumis à l'obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l'article L. 1331-1 peuvent être astreints par la commune, (...) pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d'une telle installation, à verser une participation pour le financement de l'assainissement collectif. (...) Cette participation s'élève au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose de l'installation mentionnée au premier alinéa du présent article, diminué, le cas échéant, du montant du remboursement dû par le même propriétaire en application de l'article L. 1331-2. La participation prévue au présent article est exigible à compter de la date du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées de l'immeuble, de l'extension de l'immeuble ou de la partie réaménagée de l'immeuble, dès lors que ce raccordement génère des eaux usées supplémentaires (...). "
3. Aux termes du II de l'article 30 de la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour l'année 2012 : " Le I est applicable aux immeubles qui ont été raccordés au réseau public de collecte des eaux usées à compter du 1er juillet 2012. (...)".


4. Il résulte de ces dispositions que la participation pour le financement de l'assainissement collectif prévue à l'article L. 1331-7 du code de la santé publique qui s'est substituée, à compter du 1er juillet 2012, à la participation au financement du réseau public de collecte des eaux usées, a pour objet d'assurer le financement de la réalisation d'un réseau collectif d'assainissement et peut être imposée par la collectivité aux propriétaires des immeubles soumis à l'obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique, afin de tenir compte de l'économie qu'ils réalisent en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d'une telle installation. Pour les collectivités qui ont décidé d'instituer la participation pour le financement de l'assainissement collectif, cette participation est applicable aux immeubles raccordés au réseau public de collecte des eaux usées à compter du 1er juillet 2012.
5. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Sauveur a établi, en 2011, un schéma directeur de l'assainissement prévoyant la création d'un réseau séparatif en lieu et place du réseau unitaire qui collectait à la fois les eaux usées et les eaux pluviales. Dans ce cadre, elle a prévu la création d'un réseau de collecte des eaux usées entièrement nouveau, comportant la mise en place de deux collecteurs concernant le centre du village et le quartier des Poujadettes et le raccordement des habitations situées à proximité, ainsi qu'un dispositif de traitement des eaux collectées. Ces travaux ont été exécutés en 2013. Ce nouveau réseau comporte non seulement de nouvelles canalisations, mais aussi un tracé différent de celui de l'ancien réseau ainsi que cela ressort de l'attestation de l'ingénieur chef de projet au sein de la société qui a exécuté les travaux. Si l'immeuble de M. A... était raccordé au réseau unitaire collectant notamment les eaux usées avant le 1er juillet 2012, il n'est pas contesté qu'il a été raccordé au nouveau réseau collectant spécifiquement les eaux usées, postérieurement au 1er juillet 2012. Dès lors, il était assujetti au paiement de la participation au financement de l'assainissement collectif. La circonstance, à la supposer établie, que le raccordement à l'ancien réseau ait donné lieu à des frais de branchement et ait fait l'objet d'un entretien en partie mis à la charge de ses usagers, n'est pas de nature à dispenser M. A... de l'obligation de payer la participation au financement au nouveau réseau.


6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur le fait que le raccordement de M. A... à l'ancien réseau de collecte des eaux usées ne permettait pas de lui réclamer la participation au financement de l'assainissement collectif, en dépit de son raccordement au nouveau réseau. M. A... n'ayant soulevé aucun autre moyen devant le tribunal administratif de Nîmes, la commune de Saint-Sauveur-Camprieu est fondée à soutenir que c'est à tort, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que, par le jugement attaqué, le tribunal a déchargé M. A... de l'obligation de payer la participation mise à sa charge à la suite de son recours gracieux dirigé contre le titre exécutoire lui réclamant ladite participation.




Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... la somme de 200 euros, au titre des frais exposés par la commune de Saint-Sauveur-Camprieu compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu tendant à la condamnation M. A... aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : M. A... versera la somme de 200 euros à la commune de Saint-Sauveur-Camprieu en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Sauveur-Camprieu et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, où siégeaient :

- M. C..., président,
- Mme B..., présidente assesseure,
- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2020.
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N° 20MA01270



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