CAA de PARIS, 3ème chambre, 01/12/2020, 19PA03992, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 par lequel le préfet de l'Essonne lui a interdit d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport dans l'activité tir sportif.

Par un jugement n° 1813107/6-3 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 par lequel le préfet de l'Essonne lui a interdit d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport dans l'activité tir sportif.

Il soutient que :

- l'arrêté du 20 avril 2018 n'est pas suffisamment motivé ;
- les faits qui lui sont reprochés ne pouvaient justifier la décision attaquée ; il avait souscrit les assurances obligatoires, et il a pris des mesures en vue de remédier aux griefs relatifs à l'évacuation des fumées ; aucun texte n'imposait la mise en place d'un sas d'entrée, la rédaction d'un protocole à des fins sécuritaires sur un pas de tir et le retrait des chargeurs des armes en vente, lesquelles étaient stockées dans une chambre forte ; il était suffisamment qualifié pour exercer une activité d'initiation et n'enseignait pas le tir ; il ne présente pas de danger dès lors qu'il n'a pas été interdit définitivement d'exercice des fonctions listées à l'article L. 212-1 du code du sport ;
- la sanction infligée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2020, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 14 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du sport ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. A..., éducateur sportif dans la discipline du tir sportif, encadrait des séances d'initiation au tir sportif au sein du centre de tir de Wissous, dans l'Essonne. Le 7 avril 2018, ce centre a fait l'objet d'une inspection par un agent de la jeunesse et des sports, accompagné par des agents de la police nationale. Par un arrêté du 10 avril 2018, le préfet de l'Essonne a ordonné la fermeture du centre de tir jusqu'à la mise en oeuvre de mesures d'hygiène, de santé et de sécurité. Puis, par un arrêté du 20 avril 2018, le préfet de l'Essonne, suivant une procédure d'urgence prévue à l'article L. 212-13 du code du sport en raison de risques immédiats pour la santé et la sécurité des pratiquants, a interdit à M. A... d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, pour une durée de six mois à compter de la notification de l'arrêté. Par un jugement du 10 octobre 2019 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 avril 2018.


Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

2. L'arrêté attaqué, qui constitue une mesure de police administrative, mentionne les dispositions sur lesquelles il est fondé, notamment les articles L. 212-1 et L. 212-13 du code du sport. Il indique avec précision l'ensemble des griefs articulés à l'égard de M. A.... Il est par suite suffisamment motivé en droit comme en fait.


Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I.- Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; / 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues au II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-2 du même code : " Lorsque l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 212-1 s'exerce dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, seule la détention d'un diplôme permet son exercice. Ce diplôme, inscrit sur la liste mentionnée au III de l'article L. 212-1, est délivré par l'autorité administrative dans le cadre d'une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-13 dudit code : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1. (...) / Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois. (...) ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports du 9 avril 2018 de l'inspecteur de la jeunesse et des sports et du 10 avril 2018 du commandant de police chef de la circonscription de sécurité publique de Massy, produits par le préfet de l'Essonne, que la ventilation de l'un des pas de tir gérés par le requérant était défaillante et ne permettait pas l'évacuation de fumées toxiques comportant des gaz chauds, des particules métalliques et des poussières de plomb. Il ressort également des constatations effectuées lors du contrôle du
7 avril 2018 que M. A..., gérant du centre de tir, n'assurait pas une régulation suffisante des entrées au sein de l'établissement, qui aurait pu être permise, par exemple, par l'installation d'un sas d'entrée. Le pas de tir numéro trois présentait en outre une situation de confinement propice aux accidents. Enfin, M. A... ne conteste pas qu'il ne disposait pas de la qualification professionnelle lui permettant d'enseigner le tir sportif au sens de l'article L. 212-1 précité du code du sport ; il ne saurait soutenir à cet égard qu'il se bornait à initier les pratiquants à cette discipline, l'initiation devant être regardée comme relevant de l'enseignement, de l'animation et de l'encadrement d'une discipline sportive pour l'application des mêmes dispositions. De même, le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions du décret du 29 juin 2018 relatif au régime de la fabrication, du commerce, de l'acquisition et de la détention des armes, qui selon lui modifieraient les conditions d'organisation et d'encadrement des séances d'initiation au tir, dès lors notamment qu'elles sont postérieures à l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne a pu légalement, pour l'ensemble de ces motifs, estimer que le maintien en activité de M. A... constituait un danger pour la santé et la sécurité physique des pratiquants et prononcer à son encontre, sur le fondement de l'article L. 212-13 du code du sport, une interdiction temporaire d'exercice de six mois. La circonstance que le requérant a mis en oeuvre, après l'édiction de l'arrêté litigieux, des mesures d'amélioration portant sur les griefs qui lui étaient adressés est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

5. D'autre part, M. A... ne peut utilement soutenir que la mesure provisoire d'interdiction prise à son encontre est disproportionnée au regard des manquements relevés, dès lors que, contrairement à ce qu'il soutient, l'arrêté attaqué n'édicte pas une sanction mais une mesure de police administrative spéciale fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 212-13 du code du sport.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





DECIDE :





Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.


Le rapporteur,
G. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03992



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