Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 27/11/2020, 432713

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du président directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) rejetant sa demande de transformation de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée présentée le 29 janvier 2015.

Il a également saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 31 juillet 2015 de la même autorité confirmant le rejet de sa demande.

Par un jugement n° 1504147, 1508149 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 17NT03439 du 27 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M. A..., en premier lieu, annulé le jugement n°s1504147, 1508149 du tribunal administratif de Nantes du 19 septembre 2017, ainsi que la décision du 31 juillet 2015 par laquelle le président directeur général de l'Inserm a refusé de transformer le contrat de travail de M. A... en contrat à durée indéterminée et, en second lieu, a enjoint à l'Inserm d'établir au profit de M. A... un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet à compter du 3 septembre 2012, dans un délai de deux mois suivant la notification de son arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 juillet et 17 octobre 2019 et 16 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale a demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt et de mettre à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)et à la SCP Melka - Prigent, avocat de M. A... ;




Considérant ce qui suit :

1 Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., chercheur, a été embauché sous contrat à durée déterminée par la délégation régionale Grand Ouest de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) du 1er septembre 2006 au 31 août 2007. Il a ensuite poursuivi son activité de recherche sous contrat à durée déterminée avec l'Institut du thorax du 1er septembre 2007 au 31 août 2008, puis avec l'association Institut du thorax du 1er septembre 2008 au 28 février 2009, puis à nouveau avec l'Inserm du 1er mars 2009 au 25 novembre 2011, puis avec l'association de recherche en physiologie et pharmacologie de l'hôpital Laennec du 28 novembre 2011 au 31 décembre 2011, puis avec la société Capacités SAS, filiale de valorisation de l'Université de Nantes du 2 janvier 2012 au 31 décembre 2012, puis avec la fondation Centaure, et enfin avec le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes du 1er août 2013 jusqu'au 31 janvier 2015. M. A... a saisi l'Inserm, le 27 janvier 2015, d'une demande tendant à la transformation de son contrat se terminant le 31 janvier 2015 avec le CHU de Nantes en contrat à durée indéterminée avec l'Inserm, en se prévalant, sur le fondement de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, d'avoir accompli auprès de ces dernières six années de services effectifs. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation du refus implicite opposé à cette demande, le 29 mars 2015, par l'Inserm. Par une ordonnance du 1er juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu cette décision et a enjoint à l'Inserm de procéder au réexamen de la situation de M. A.... Par une décision du 31 juillet 2015, l'Inserm a opposé un nouveau refus à la demande de M. A..., dont ce dernier a également demandé l'annulation. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 29 mars 2015 et du 31 juillet 2015 par jugement du 19 septembre 2017. Sur appel de M. A..., la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt du 27 mai 2019, d'une part annulé ce jugement ainsi que la décision du 31 juillet 2015 par laquelle le président directeur général de l'Inserm a refusé de transformer le contrat de travail de M. A... en contrat à durée indéterminée, d'autre part enjoint à l'Inserm d'établir au profit de M. A..., dans un délai de deux mois suivant la notification de son arrêt, un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet à compter du 3 septembre 2012. L'Inserm se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 12 mars 2012, applicable en l'espèce : " Lorsque les contrats pris en application des articles 4 et 6 sont conclus pour une durée déterminée, cette durée est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article (...) doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps incomplet ou partiel sont assimilés à du temps complet (...). / Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions entre deux contrats n'excède pas quatre mois. / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième et quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que lorsqu'un agent demande la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de plusieurs employeurs apparents, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné. Il en résulte, d'autre part, que l'agent concerné, s'il estime remplir, avant l'échéance de son contrat en cours, les conditions de transformation de ce dernier en contrat à durée indéterminée, peut, à défaut de proposition d'avenant en ce sens adressée par l'autorité d'emploi, demander à cette dernière le bénéfice de cette transformation, et ce jusqu'à, au plus tard, deux mois après l'expiration de ce contrat.

3. Pour faire droit à la demande de M. A..., la cour administrative d'appel s'est bornée à juger que l'Inserm devait être regardé comme ayant été l'employeur réel de ce dernier entre le 1er septembre 2006 et le 3 septembre 2012, alors qu'il résulte de ce qui précède qu'il lui appartenait d'examiner si, le 29 janvier 2015, date à laquelle M. A... a demandé à l'Inserm la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée conclu avec le centre hospitalier universitaire de Nantes, d'une part M. A... pouvait encore être regardé comme employé par l'Inserm par un contrat en cours ou ayant expiré depuis moins de deux mois, et d'autre part l'Inserm pouvait être regardé, au titre de ce contrat et de ceux l'ayant précédé, comme ayant été l'employeur réel de M. A..., sans interruption de plus de quatre mois, pendant au moins six ans. L'Inserm est donc fondé à soutenir que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit et à demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation de l'arrêt attaqué.

4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Inserm tendant à ce qu'une somme d'argent soit mise à la charge de M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A..., partie perdante dans la présente instance, tendant à ce qu'une somme d'argent soit mise à la charge de l'Inserm.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 27 mai 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par l'Inserm et par M. A... sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et à Monsieur B... A....

ECLI:FR:CECHR:2020:432713.20201127
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