Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 19/11/2020, 417362

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 417362, par une requête, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés le 16 janvier et le 16 avril 2018, le 14 juin 2019 et le 26 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Val-de-Reuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 14 novembre 2017 déclarant d'utilité publique les travaux de construction du contournement Est de Rouen - Liaison A 28-A 13, comprenant les liaisons autoroutières entre l'autoroute A 28 (commune de Quincampoix), l'autoroute A 13 (commune d'Incarville) et la route départementale RD 18E (commune de Saint-Etienne-du-Rouvray), conférant le statut autoroutier à ces liaisons et portant mise en compatibilité des schémas de cohérence territoriale de la Métropole Rouen Normandie, du Pays entre Seine et Bray et de Seine Eure Forêt de Bord ainsi que des documents d'urbanisme des communes d'Alizay, Igoville, Incarville, Le Manoir, Léry, Les Damps, Val-de-Reuil et Le Vaudreuil, dans le département de l'Eure, et des communes de Bois-l'Evêque, Boos, Fontaine-sous-Préaux, Gouy, Isneauville, La Neuville-Chant-d'Oisel, Les Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, Montmain, Oissel, Préaux, Quévreville-la-Poterie, Quincampoix, Roncherolles-sur-le-Vivier, Saint-Aubin-Celloville, Saint-Aubin-Epinay, Saint-Etienne-du-Rouvray, Saint-Jacques-sur-Darnétal, Tourville-la-Rivière et Ymare, dans le département de la Seine-Maritime ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 417385, par une requête, un autre mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 janvier et 29 mai 2018 et le 24 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Klémurs et Buffalo Grill S.A. demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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3° Sous le n° 419246, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 26 mars et le 26 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Les Deux Avenues demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gadiou Chevallier, avocat de l'association Les Deux Avenues, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


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4° Sous le n° 420311, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai 2018 et 10 avril et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Alizay demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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5° Sous le n° 420313, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai 2018 et 10 avril et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune des Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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6° Sous le n° 420316, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai 2018 et 10 avril et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Gouy demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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7° Sous le n° 420317, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai 2018 et 10 avril et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Manoir-sur-Seine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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8° Sous le n° 420318, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai 2018 et 10 avril et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Ymare demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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9° Sous le n° 420319, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai 2018 et 5 avril et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des Communes pour un contournement Est soutenable (ACCES) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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10° Sous le n° 420392, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 4 mai 2018 et 10 avril et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Léry demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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11° Sous le n° 420482, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 9 mai 2018 et 3 avril et 25 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les communes d'Oissel-sur-Seine et de Saint-Etienne-du-Rouvray demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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12° Sous le n° 420503, par une requête, deux autres mémoires et deux mémoires en réplique, enregistrés les 9 mai 2018 et 16 janvier et 10 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations France Nature Environnement Normandie, Effet de Serre Toi-Même, Sauvegarde du cadre de vie de Belbeuf Saint-Adrien et du Plateau Est, Non à l'autoroute A28-A13 et, en tant qu'intervenant volontaire, l'association Alternatiba Rouen demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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13° Sous le n° 420557, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 mai 2018 et le 31 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 ;
- l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 ;
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2011 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code du patrimoine ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code des transports ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;
- le décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 ;
- le décret n° 2016-1190 du 31 août 2016 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme C... E..., maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. D... Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Colin-Stoclet, avocat de la commune de Val-de-Reuil, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'association Les Deux Avenues , à Me Haas, avocat de l'association des Communes pour un contournement Est soutenable et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray et autre ;




Considérant ce qui suit :

1. Par un décret du 14 novembre 2017, le Premier ministre a déclaré d'utilité publique les travaux de construction du contournement Est de Rouen - Liaison A 28-A 13, comprenant les liaisons autoroutières entre l'autoroute A 28 (commune de Quincampoix), l'autoroute A 13 (commune d'Incarville) et la route départementale RD 18E (commune de Saint-Etienne-du-Rouvray), conféré le statut autoroutier à ces liaisons et décrété la mise en compatibilité des schémas de cohérence territoriale de la Métropole Rouen Normandie, du Pays entre Seine et Bray et de Seine Eure Forêt de Bord ainsi que des documents d'urbanisme des communes d'Alizay, Igoville, Incarville, Le Manoir, Léry, Les Damps, Val-de-Reuil et Le Vaudreuil, dans le département de l'Eure, et des communes de Bois-l'Evêque, Boos, Fontaine-sous-Préaux, Gouy, Isneauville, La Neuville-Chant-d'Oisel, Les Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, Montmain, Oissel, Préaux, Quévreville-la-Poterie, Quincampoix, Roncherolles-sur-le-Vivier, Saint-Aubin-Celloville, Saint-Aubin-Epinay, Saint-Etienne-du-Rouvray, Saint-Jacques-sur-Darnétal, Tourville-la-Rivière et Ymare, dans le département de la Seine-Maritime.

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre ce décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.


Sur la recevabilité de l'intervention de l'association " Alternatiba Rouen " :

3. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative, " l'intervention est formée par mémoire distinct ". Contrairement à ces prescriptions, l'intervention de l'association " Alternatiba Rouen " n'a pas été formée par mémoire distinct. Par suite, elle n'est pas recevable.


Sur la légalité externe du décret attaqué :

En ce qui concerne la concertation préalable :

4. Aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". L'article L. 121-1 du code de l'environnement confie à la Commission nationale du débat public la charge de veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration, notamment, des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national les plus importants de l'Etat, dès lors qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. L'article L. 121-8 du même code prévoit à ce titre qu'elle doit être saisie de tous les projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. Aux termes de l'article L. 121-9 du même code : " Lorsque la Commission nationale du débat public est saisie en application des dispositions de l'article L. 121-8, elle détermine les modalités de participation du public au processus de décision dans les conditions suivantes : / I.- La commission apprécie, pour chaque projet, si le débat public doit être organisé en fonction de l'intérêt national du projet, de son incidence territoriale, des enjeux socio-économiques qui s'y attachent et de ses impacts sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. / Si la commission estime qu'un débat public est nécessaire, elle peut soit l'organiser elle-même et, dans ce cas, elle en confie l'animation à une commission particulière qu'elle constitue, soit en confier l'organisation au maître d'ouvrage ou à la personne publique responsable du projet. Dans ce cas, elle définit les modalités d'organisation du débat et veille à son bon déroulement. / Si la commission estime qu'un débat public n'est pas nécessaire, elle peut recommander au maître d'ouvrage ou à la personne publique responsable du projet l'organisation d'une concertation selon des modalités qu'elle propose. A son initiative ou à la demande du maître d'ouvrage ou de la personne publique responsable du projet, la Commission nationale du débat public peut désigner un garant chargé de veiller à ce que la concertation permette au public de présenter ses observations et contre-propositions (...) ". Aux termes de l'article L. 121-12 du même code : " en ce qui concerne les projets relevant de l'article L. 121-8, l'ouverture de l'enquête publique prévue à l'article L. 123-1 ne peut être décidée qu'à compter soit de la date à partir de laquelle un débat public ne peut plus être organisé, soit de la date de publication du bilan ou à l'expiration du délai imparti au président de la Commission nationale du débat public pour procéder à cette publication et au plus tard dans le délai de cinq ans qui suivent ces dates. Au-delà de ce délai, la commission ne peut décider de relancer la concertation avec le public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont subi des modifications substantielles ". Enfin, l'article L. 121-13-1 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, confère à la Commission nationale du débat public la faculté d'émettre des avis et des recommandations sur les modalités d'information et de participation du public pendant la phase postérieure au débat public jusqu'à l'enquête publique et sur leur mise en oeuvre.

5. Il ressort des pièces des dossiers que, saisie le 3 novembre 2004 par le ministre chargé de l'équipement du projet de contournement Est de Rouen, la Commission nationale du débat public a décidé d'organiser un débat public sur ce projet, lequel s'est tenu du 9 juin au 9 novembre 2005 sous l'égide d'une commission particulière. Par une décision du 2 mars 2006, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a retenu le principe de la réalisation d'un contournement routier à l'Est de Rouen et a prescrit la réalisation d'études complémentaires. Après qu'une variante préférentielle a été validée par le comité de pilotage du projet en octobre 2012, la Commission nationale du débat public, saisie à nouveau par le ministre chargé des transports, a estimé le 6 novembre 2013 qu'il n'y avait pas lieu d'organiser un nouveau débat public sur le projet mais a recommandé au maître d'ouvrage de mener une concertation avec le public sur la base du tracé préférentiel retenu par le comité de pilotage, selon des modalités qu'elle a définies. A la suite de cette recommandation, la concertation s'est déroulée entre le 2 juin et le 12 juillet 2014 sous l'égide d'un garant qui en a établi un bilan.

6. En premier lieu, si, par sa décision précitée du 6 novembre 2013, la Commission nationale du débat public a recommandé au maître d'ouvrage d'organiser une concertation avec le public compte tenu des modifications apportées au projet depuis la tenue du débat public de 2005, cette décision ne saurait être interprétée comme signifiant que la concertation ne revêtait qu'un caractère facultatif, mais qu'une concertation avec le public devait être organisée compte tenu de la nature de ces modifications et de l'expiration d'un délai de cinq ans après la publication du bilan du débat public organisé en 2005, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 121-12 du code de l'environnement.

7. En deuxième lieu, l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige, et dont les dispositions figurent désormais aux articles L. 103-2 et suivants du même code, soumet à une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées, notamment, " 3° les projets et opérations d'aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie, notamment ceux susceptibles d'affecter l'environnement, au sens de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, ou l'activité économique, dont la liste est arrêtée par décret en Conseil d'Etat ". Il prévoit en outre que " les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : / 1° L'autorité administrative compétente de l'Etat lorsque la révision du document d'urbanisme ou l'opération sont à l'initiative de l'Etat ; (...) ". L'article R. 300-1 du même code prévoit que la réalisation d'un investissement routier dans une partie urbanisée d'une commune d'un montant supérieur à 1 900 000 euros, et conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants, est soumise aux obligations prévues au 3° du I de l'article L. 300-2 précité. Contrairement à ce qui est soutenu par le ministre, ces dispositions étaient bien applicables au projet. Elles n'ont cependant ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que les objectifs et les modalités de la concertation soient définis par la Commission nationale du débat public lorsque celle-ci, saisie en application des articles L. 121-1 et suivants du code de l'environnement précités, préconise de lancer une concertation avec le public conformément à ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que cette commission n'était pas compétente pour définir les objectifs et les modalités de la concertation préalable à l'édiction du décret attaqué doit être écarté.

8. En troisième lieu, il ressort en tout état de cause des pièces des dossiers que les objectifs et les modalités de cette concertation ont été suffisamment définis par la décision du 6 novembre 2013 de la Commission nationale du débat public, fixant les modalités d'une concertation avec le public sur la base du tracé préférentiel retenu par le comité de pilotage en octobre 2012, laquelle a informé le public de l'avancement du projet depuis le débat public organisé en 2005, et lui a permis d'en appréhender les enjeux.

9. En quatrième lieu, s'il est soutenu que la concertation avec le public organisée en 2014 a revêtu un caractère tardif et insuffisant, au regard notamment des articles L.121-1 et L.121-9 du code de l'environnement, et des objectifs fixés par la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, concernant l'évaluation de certains projets publics et privés sur l'environnement, il ressort des éléments rappelés ci-dessus que celle-ci n'avait pour but que de compléter l'information du public, qui avait été associé dès 2005 à la définition des grandes orientations du projet dans le cadre d'un débat public, sur l'état d'avancement de celui-ci. En outre, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les informations portées à la connaissance du public dans le cadre de cette concertation, qui comportaient notamment la synthèse d'une étude de trafic récente, une étude hydrologique complémentaire, un document de synthèse, des panneaux d'exposition ainsi qu'un site Internet permettant au public de faire part de ses interrogations et de déposer des avis sur le projet, auraient été insuffisantes.

10. En cinquième lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose au maître d'ouvrage d'organiser une concertation distincte, spécifiquement consacrée à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme, lorsque celle-ci est décidée en conséquence de la déclaration d'utilité publique d'un projet d'aménagement ou d'équipement requérant une procédure de participation du public. Au surplus, il ressort des pièces des dossiers que la concertation avec le public qui s'est tenue en 2014 a évoqué la question de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme consécutive à la procédure de déclaration publique du projet de contournement autoroutier de Rouen.

11. Enfin, les requérants ne sont fondés à invoquer, au soutien des moyens dirigés contre les modalités d'organisation de la concertation, ni les stipulations du § 4 de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998, lesquelles créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne, ni la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, dont certains requérants invoquent les dispositions, qui n'est pas applicable à la décision attaquée.

12. Il ressort de tout ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité ou de l'insuffisance de la concertation préalable doivent être écartés.


En ce qui concerne l'étude d'impact :

13 D'une part, l'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine.

14. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

15. En premier lieu, aux termes du 2° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige, l'étude d'impact présente " une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ". Il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact consacre des développements précis à l'étude des milieux naturels. La circonstance qu'elle n'identifie pas le muscardin parmi les espèces présentes dans la bande déclarée d'utilité publique, par ailleurs répertoriées de façon complète, et alors que la présence de cette espèce dans la zone étudiée n'était pas établie avec certitude par le maître d'ouvrage, n'est pas, à elle seule, de nature à entacher l'étude d'impact d'insuffisance. Il ne ressort pas non plus des pièces des dossiers que l'étude des incidences dans la partie nord du tracé de l'autoroute serait insuffisante et méconnaîtrait de ce fait les dispositions du 2° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement précité. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le maître d'ouvrage aurait négligé de prendre en compte l'impact du projet sur le patrimoine archéologique, le coût des fouilles archéologiques nécessaires à la réalisation de l'opération ayant notamment été pris en compte dans le poste intitulé " foncier " de l'appréciation sommaire des dépenses.

16. En deuxième lieu, le 3° du II de ce même article, dans sa version alors applicable, impose à l'étude d'impact de présenter " une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ".

17. Il ressort des pièces des dossiers que, si le projet se situe dans une zone particulièrement sensible s'agissant de la ressource en eau, notamment caractérisée par la présence sur les terrains d'emprise ou dans leur voisinage proche d'un nombre important de captages d'alimentation en eau potable, l'étude d'impact a analysé son incidence sur les aquifères et prévoit, au titre des mesures d'évitement, de réduction et de compensation, la mise en place d'un réseau d'assainissement étanche, et la création d'ouvrages de rétention et de traitement, destinés à prévenir les risques de pollutions saisonnières et chroniques, l'installation, dans les zones de sensibilité très forte, de dispositifs anti-renversement des véhicules sur une longueur d'une trentaine de mètres de part et d'autre des ouvrages hydrauliques, ainsi que la mise en place d'une procédure d'alerte et d'intervention en cas d'accident sur le tracé et de déversement de produit sur la chaussée. Elle précise également que, en tant que de besoin, des captages secondaires affectés par le projet pourront faire l'objet de mesures compensatoires. Par suite, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact n'aurait pas suffisamment examiné les impacts du projet sur la ressource en eau doit être écarté.

18. S'agissant des impacts sur la qualité de l'air et sur l'exposition au bruit des populations exposées directement ou indirectement au projet, il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact comporte des analyses, appelées à être complétées par les études du futur titulaire de la concession, concluant à un impact acoustique défavorable le long du tracé et concernant plus particulièrement une vingtaine d'habitations, et prévoit que celui-ci pourra être réduit par l'implantation de merlons, d'écrans acoustiques et de tranchées couvertes. S'agissant des émissions de polluants, il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact conclut à leur accroissement, sur l'ensemble du périmètre de l'étude, de l'ordre de 4 % à 14 % selon le polluant considéré, mais à un impact net neutre voire positif en termes d'exposition des populations, compte tenu des bénéfices attendus de l'éloignement du trafic routier, notamment des poids lourds, des zones densément peuplées. Il ressort par ailleurs des pièces des dossiers, et notamment de l'étude d'impact, que le maître d'ouvrage a prévu plusieurs mesures destinées à éviter, réduire et compenser l'impact du projet sur la qualité de l'air, et notamment une adaptation des conditions de circulation, la pose de remblais et une végétalisation des talus, lesquelles doivent permettre de limiter la dispersion des polluants. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les informations portées à la connaissance du public en 2015, relatives à la minoration par certains constructeurs des émissions polluantes de certains véhicules automobiles aient été de nature à fausser l'étude d'impact, laquelle conclut à une augmentation des émissions de CO2 d'environ 50 000 tonnes par an par rapport à l'état initial. Par suite, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact n'aurait pas suffisamment analysé les impacts du projet sur la qualité de l'air et sur l'exposition des populations au bruit doit être écarté.

19. S'agissant des impacts du projet sur l'ensemble du réseau de canalisations de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques, il ressort des pièces des dossiers, d'une part, que l'existence et la localisation de ces différentes canalisations sont bien identifiées par l'étude d'impact, tant dans l'analyse de l'état initial que dans celle des impacts du projet, et, d'autre part, que le maître d'ouvrage s'est engagé à ce que le projet respecte l'ensemble des servitudes établies avant l'acte déclaratif d'utilité publique, sous réserve de la nécessité de procéder ponctuellement au déplacement ou à la déviation de certains câbles ou conduites enterrés ou aériens, les coûts afférents étant alors mis à sa charge. Par suite, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact n'aurait pas suffisamment analysé l'impact du projet sur les canalisations de transport de matières dangereuses doit être écarté.

20. En troisième lieu, le 4° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, impose à l'étude d'impact de comporter, notamment, " une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : / - ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; / - ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. / Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté au titre des articles R. 214-6 à R. 214-31 mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage ". Contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact comporte une analyse des effets cumulés du projet de contournement autoroutier avec le projet de développement dit Seine-Sud. Si elle ne fait, en revanche, qu'une allusion brève aux interactions possibles du projet avec le projet de ligne à grande vitesse Paris-Normandie, lequel doit comprendre l'ouverture d'une nouvelle gare d'agglomération à Saint-Sever, ainsi qu'avec le projet d'aménagement des accès définitifs du pont Flaubert en rive gauche de la Seine, il ne ressort pas des pièces des dossiers que ces deux projets auraient fait l'objet, à la date de dépôt de l'étude d'impact, d'un document d'incidences, d'une enquête publique ou d'une étude d'impact imposant une analyse des effets cumulés au titre des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des exigences posées par le 4° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement précité doit être écarté.

21. En quatrième lieu, le 5° du II de ce même article, dans sa version alors applicable, impose à l'étude d'impact de comporter " une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ". Il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact analyse en détail les raisons qui ont conduit le maître d'ouvrage, parmi 34 variantes de passage identifiées, réparties en trois grandes familles de tracés possibles, à se déterminer sur la variante préférentielle n° 17, après une élimination progressive des autres variantes au regard de leur intérêt pour la réalisation des objectifs poursuivis, des contraintes techniques qu'elles imposent et de leurs différents impacts, notamment environnementaux. S'agissant en particulier des variantes de la famille A..., incluant un raccordement à Sotteville-sous-le-Val, l'étude d'impact détaille les raisons pour lesquelles ces variantes présentent à la fois des fonctionnalités limitées, de lourdes contraintes techniques et des impacts environnementaux forts, notamment sur un site et des habitats classés en zone Natura 2000. De même, s'agissant du rejet de la variante incluant un passage à l'est du bois d'Ennebourg, l'étude d'impact précise qu'un tel tracé aurait présenté de forts risques pour les eaux souterraines, un impact sur des terres agricoles de bonne qualité et de forts inconvénients en matière d'aménagement du territoire, conduisant notamment à la coupure en deux de deux communes. Enfin, la circonstance que la variante préférentielle n° 17 ait été arrêtée par le comité de pilotage du projet en octobre 2012, soit près de quatre ans avant la tenue de l'enquête publique, n'est pas de nature à entacher l'étude d'impact d'irrégularité, dès lors que celle-ci explique, conformément aux dispositions précitées, les raisons qui ont conduit le maître d'ouvrage à se déterminer sur la solution soumise à l'enquête publique, notamment au regard de ses effets sur l'environnement et la santé humaine. Par suite, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact ne serait pas conforme aux dispositions du 5° du II de l'article R. 122-5 précité doit être écarté.

22. En cinquième lieu, le 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, impose à l'étude d'impact de présenter " les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité ". Si ces dispositions imposent que l'étude d'impact n'omette aucun des effets négatifs notables du projet sur l'environnement et la santé humaine, ni des mesures qu'ils appellent, elles ne font pas obstacle à ce que ces mesures soient, si nécessaire, précisées ou complétées ultérieurement, notamment à l'occasion de la délivrance des autorisations requises au titre des polices d'environnement, dès lors que l'étude d'impact les identifie avec une précision suffisante.

23. S'il est reproché à l'étude d'impact de ne pas suffisamment présenter les mesures destinées à compenser les atteintes portées par l'opération aux massifs boisés et forestiers, plusieurs mesures de compensation, telles que la création, l'acquisition, la mise en conventionnement et la restauration de milieux boisés et de lisières sont prévues, l'étude d'impact précisant que ces boisements seront en continuité avec les forêts affectées par le projet, que la valeur écologique des parcelles à reboiser sera prise en compte et qu'un plan de gestion des sites de compensation sera élaboré. Si ces mesures comportent une part d'imprécision, il ressort des pièces des dossiers qu'elles devront être précisées et complétées de concert avec le titulaire de la concession une fois le tracé définitif de l'opération défini. L'étude d'impact ne peut donc être regardée comme insuffisante sur ce point.

24. En sixième lieu, les moyens tirés du caractère insuffisant de l'analyse de l'ensemble des effets du projet, notamment de ses impacts sur les voies de circulation, ne sont pas assortis des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé.

25. En septième lieu, le III de l'article R. 122-5 du code de l'environnement impose à l'étude d'impact concernant une grande infrastructure de transport de comporter, notamment, " une analyse des conséquences prévisibles du projet sur le développement éventuel de l'urbanisation ". Il ressort des pièces des dossiers soumis à enquête publique, et notamment du mémoire du maître d'ouvrage en réponse à l'Autorité environnementale, que les schémas de cohérence territoriale de la métropole de Rouen et de la communauté d'agglomération Seine-Eure ont intégré le projet de contournement autoroutier dans une logique de promotion d'une urbanisation raisonnée et de préservation des espaces naturels, tandis qu'une " charte pour la valorisation réciproque de l'infrastructure et du territoire ", destinée à accompagner les collectivités territoriales concernées, a été élaborée. Si l'ensemble des impacts indirects de l'infrastructure sur le phénomène de périurbanisation ne peuvent être raisonnablement évalués et discutés, compte tenu de la complexité des déterminants de ce phénomène, que moyennant certaines hypothèses qui sont d'ailleurs présentées par l'étude d'impact, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces des dossiers que le maître d'ouvrage a analysé les conséquences prévisibles du projet sur le phénomène de périurbanisation et d'étalement urbain, comme l'exigent les dispositions précitées.

26. En huitième lieu, le III de l'article R. 122-5 du code de l'environnement impose à l'étude d'impact concernant une même infrastructure de comporter, notamment, " une description des hypothèses de trafic, des conditions de circulation et des méthodes de calcul utilisées pour les évaluer et en étudier les conséquences ". Contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact, à laquelle il ne peut être reproché de ne pas avoir tenu compte de données postérieures à l'enquête publique, comporte une analyse des hypothèses de trafic, et de leurs déterminants, établie à partir d'une étude réalisée en 2015 par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) de Haute-Normandie sur la base de données de trafic recensées en 2010, et concluant à un trafic attendu d'environ 20 000 véhicules par jour sur l'axe nord-sud et de 30 000 véhicules par jour sur la bretelle de raccordement à Rouen, ainsi qu'à une augmentation globale de l'accessibilité des zones desservies par le projet malgré des effets plus contrastés dans certaines zones particulières. Son analyse méthodologique, si elle ne fait pas ressortir tous les paramètres du modèle, éclaire cependant la méthode d'analyse retenue par le maître d'ouvrage d'une façon qui a permis sa discussion par les parties prenantes. Enfin, le maître d'ouvrage a pu légalement ne pas tenir compte de données plus récentes dès lors que celles-ci, recueillies dans le contexte de la fermeture du pont Mathilde à la circulation, ne permettaient pas d'évaluer avec pertinence le trafic et les conditions de circulation induits par l'infrastructure projetée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact méconnaîtrait les dispositions du III de l'article R. 122-5 du code de l'environnement précitées doit être écarté.

27. En neuvième lieu, l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique impose au dossier soumis à enquête publique, lorsque le projet concerne la réalisation de travaux ou d'ouvrages, de comporter une appréciation sommaire des dépenses. Cette obligation a pour objet de permettre à tous les intéressés d'évaluer les charges pouvant en résulter pour la collectivité ou les usagers et de s'assurer que les travaux ou ouvrages envisagés ont, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à la date de l'enquête, un caractère d'utilité publique. Si le ministre fait valoir que ces dispositions ne sont pas applicables au projet contesté, l'article R. 123-8 du code de l'environnement, qui est applicable aux enquêtes publiques relatives aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement, prévoit que le dossier soumis à enquête publique comporte les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact comporte une appréciation sommaire des dépenses, conformément aux exigences précitées, mais également, dans sa partie consacrée à l'étude de la variante retenue, une décomposition plus précise du coût des mesures environnementales, et notamment des mesures relatives aux paysages et à la protection acoustique. Si le coût total de l'opération est affecté d'une incertitude de 10 à 15%, que les offres concessives et certaines études complémentaires devront permettre de lever le moment venu, l'ampleur, les déterminants et les enjeux de cette incertitude sont correctement éclairés par le dossier. Par suite, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact méconnaîtrait les exigences posées par l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précité, faute notamment de comporter des précisions sur les coûts induits par le projet, doit être écarté.

28. En dixième lieu, si M. B... soutient, s'agissant de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme consécutive à la déclaration d'utilité publique de l'opération, que l'étude d'impact méconnait les dispositions de l'article L. 122-6 du code de l'environnement, qui impose au rapport qui identifie, décrit et évalue les effets notables que peut avoir la mise en oeuvre d'un plan ou d'un document de planification sur l'environnement de mentionner " les solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du plan ou du document ", ces dispositions, qui sont relatives à l'évaluation environnementale préalable aux plans, schémas, programmes et autres documents de planification susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation de travaux ou prescrire des projets d'aménagement, sont applicables à la réalisation de tels travaux ou projets, ne sont pas applicables à la présente opération, qui est soumise à la réalisation d'une étude d'impact en application des articles L. 122-1 et suivants du code de l'environnement. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

29. Il résulte de tout ce qui précède que l'étude d'impact, nonobstant certaines imprécisions imputables aux incertitudes subsistant à la date à laquelle elle a été réalisée et au choix retenu par le maître d'ouvrage de confier la réalisation de l'opération à un concessionnaire, identifie suffisamment les principaux impacts environnementaux du projet conformément aux exigences législatives et réglementaires. Les moyens tirés de ce que cette étude serait entachée d'inexactitudes, d'omissions ou d'insuffisances ayant eu pour effet de nuire à l'information complète du public ou de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative doivent être écartés.


En ce qui concerne l'évaluation socio-économique :

30. D'une part, aux termes des articles L. 1511-1 et suivants du code des transports, " les choix relatifs aux infrastructures, aux équipements et aux matériels de transport dont la réalisation repose, en totalité ou en partie, sur un financement public sont fondés sur l'efficacité économique et sociale de l'opération. / Ils tiennent compte des besoins des usagers, des impératifs de sécurité et de protection de l'environnement, des objectifs de la politique d'aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l'évolution prévisible des flux de transport nationaux et internationaux, du coût financier et, plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux, notamment de ceux résultant des atteintes à l'environnement ". A ce titre, ils font l'objet d'une évaluation économique et sociale qui est obligatoirement jointe au dossier de l'enquête publique à laquelle est soumise le projet. Aux termes de l'article R. 1511-4 du code des transports, " l'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte : / 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; / 3° Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ; / 4° Une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation ". Aux termes de l'article R. 1511-5 du même code, " l'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers. / Ce bilan comprend l'estimation d'un taux de rentabilité pour la collectivité calculée selon les usages des travaux de planification. Il tient compte des prévisions à court et à long terme qui sont faites, au niveau national ou international, dans les domaines qui touchent au transport, ainsi que des éléments qui ne sont pas inclus dans le coût du transport, tels que la sécurité des personnes, l'utilisation rationnelle de l'énergie, le développement économique et l'aménagement des espaces urbain et rural (...) ". En outre, en application de l'article 17 de la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et de son décret d'application du 23 décembre 2013, l'évaluation socio-économique préalable des projets d'investissements civils dont le financement par l'Etat, ses établissements publics, les établissements publics de santé ou les structures de coopération sanitaire atteint au moins 100 000 000 euros hors taxe et représente au moins 5 % du montant total hors taxe du projet d'investissement est soumise à la réalisation d'une contre-expertise indépendante obligatoire.

31. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances de l'évaluation économique et sociale ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette évaluation que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

32. En premier lieu, si plusieurs requérants critiquent le niveau des tarifs de péage pris en compte par le maître d'ouvrage pour évaluer les reports de trafic induits par la réalisation de l'infrastructure, alors même que ces coûts ne seront pas fixés avant la conclusion du contrat de concession, il ressort des pièces des dossiers, d'une part, que les hypothèses prises en compte par le maître d'ouvrage sont comparables aux tarifs moyens en vigueur sur des autoroutes interurbaines, et, d'autre part, que si ces hypothèses sont inférieures de 10 à 30 % aux coûts observés sur certaines autoroutes périurbaines, les tests de sensibilité réalisés font apparaître qu'une augmentation de 30 % de ces hypothèses, si elle réduit sensiblement la valeur actualisée nette socio-économique du projet, la maintient néanmoins à un niveau positif, au terme d'une analyse qui a été qualifiée de solide par le rapport de contre-expertise.

33. En deuxième lieu, l'évaluation économique et sociale fait état des incertitudes qui demeurent, au stade de l'enquête publique, d'une part, sur le montant total des coûts d'investissement du projet, d'autre part, sur celui de la subvention d'investissement qui sera prise en charge par les collectivités publiques et, enfin, sur la répartition du financement de cette subvention d'équilibre entre l'Etat et les collectivités territoriales associées au projet. Cette circonstance n'est pas, en l'espèce, de nature à entacher d'insuffisance l'évaluation économique et sociale, dès lors que cette dernière, qui se fonde sur le scénario principal d'un coût d'investissement de 886 millions d'euros, et d'une subvention d'équilibre d'un montant de 55 % représentant 489 millions d'euros, a procédé à différents calculs de sensibilité en cas de dépassement de ces coûts, faisant ressortir, d'une part, les effets de différentes hypothèses concernant le trafic ou le montant des péages sur l'équilibre du financement du projet et, d'autre part, les effets sur cet équilibre des surcoûts d'investissement possibles par rapport au scénario principal. Cette étude a ainsi permis au public, malgré les risques inhérents au coût élevé du projet rapporté à celui d'autres autoroutes, les incertitudes affectant les hypothèses de report de trafic, s'agissant notamment du trafic local, et celles qui résultent nécessairement de l'impossibilité de connaître, au stade de l'enquête publique, les propositions des candidats à la concession, de prendre connaissance des relations existant entre ces différents paramètres et d'évaluer le coût du projet au regard des bénéfices qui en sont attendus, ainsi que son impact possible sur les finances publiques.

34. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers, et particulièrement du rapport de contre-expertise diligenté par le Commissariat général à l'investissement, que les hypothèses prises en compte pour l'étude prévisionnelle de trafic, s'agissant notamment de la valorisation des gains de temps de trajet attendus de la nouvelle autoroute et des reports de trafic estimés, n'ont pas méconnu les pratiques méthodologiques généralement acceptées en matière de modélisation du trafic, compte-tenu notamment des désaccords d'experts qui affectent, plus généralement, ces méthodes et certains de leurs paramètres. De même, ni les choix opérés en matière de taux d'actualisation, ni le recours aux données disponibles, parfois anciennes et le cas échéant complétées par des données plus récentes, n'ont été de nature à fausser les conclusions de l'évaluation économique et sociale. La circonstance que la durée exacte du contrat de concession ne soit pas précisée n'est pas de nature à entacher cette évaluation d'insuffisance. De façon générale, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'évaluation économique et sociale serait fondée sur des hypothèses erronées.

35. En quatrième lieu, les dispositions du 4° de l'article R. 1511-4 précité du code des transports, aux termes desquelles l'évaluation économique et sociale doit comporter une analyse des incidences sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation, n'imposent pas au maître d'ouvrage de procéder à une analyse de l'impact du projet sur l'équilibre des contrats des autres titulaires de concessions autoroutières.

36. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, l'évaluation économique et sociale comporte une évaluation du taux de rentabilité interne du projet pour la collectivité, conformément aux dispositions de l'article R. 1511-5 précité du code des transports.

37. Enfin, l'article R. 1511-6 du code des transports dispose : " Les diverses variantes envisagées par le maître d'ouvrage d'un projet font l'objet d'évaluations particulières selon les mêmes critères. L'évaluation indique les motifs pour lesquels le projet présenté est retenu ". Les 34 tracés possibles analysés par le maître d'ouvrage dans l'étude d'impact environnementale et écartés pour les raisons qu'il y expose ne constituent pas des " variantes " au sens de ces dispositions.

38. Il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que l'évaluation économique et sociale serait entachée d'inexactitudes, omissions ou insuffisances ayant eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative doivent être écartés.


En ce qui concerne le dossier soumis à l'enquête publique :

39. En premier lieu, le contenu du dossier soumis à l'enquête publique est fixé par l'article R. 123-8 du code de l'environnement. En l'espèce, la circonstance que le dossier soumis à l'enquête publique ne comporte pas de vues ou d'animations du projet construites à partir d'un outil 3D n'est pas de nature à entacher le dossier d'insuffisance au regard des exigences posées par ces dispositions. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, le dossier soumis à l'enquête publique comporte des éléments d'explication quant à la sensibilité socio-économique du projet à l'hypothèse d'une croissance nulle, ainsi qu'une présentation des mesures envisagées par le maître d'ouvrage pour éviter, réduire et compenser les atteintes portées par le projet à l'environnement.

40. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le dossier soumis à l'enquête publique aurait été altéré à l'issue de cette dernière ni, en particulier, que la mesure d'interdiction de transit de poids lourds sur la RD 321, envisagée afin de soulager la commune d'Andelle, en ait été retirée afin d'induire le public en erreur.

41. En troisième lieu, le moyen tiré du défaut d'avis du ministre chargé de la culture sur l'impact du projet sur le puits classé du parc du Manoir de la Chapelle, à Oissel, manque en fait, un courrier du ministre de la culture daté du 11 janvier 2016 à ce sujet figurant dans le dossier soumis à l'enquête publique.

42. En quatrième lieu et contrairement à ce qui est soutenu, le dossier soumis à enquête publique présente " les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ", conformément à l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la circonstance que la commission d'enquête ait recommandé de veiller à l'intégration paysagère des viaducs prévus par le projet étant, en tout état de cause, sans rapport avec le respect de ces dispositions.

43. Il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés du caractère incomplet ou altéré du dossier soumis à l'enquête publique doivent être écartés.


En ce qui concerne le rapport de la commission d'enquête :

44. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, " le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

45. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces des dossiers que le rapport de la commission d'enquête a fait état des réserves émises par l'Autorité environnementale, le Commissariat général à l'investissement et le rapport de contre-expertise sur certains points du projet. Si ce rapport souligne la technicité et le caractère parfois difficilement accessible pour le grand public de l'évaluation économique et sociale, il ne s'en déduit pas que la commission d'enquête n'ait pas été en mesure d'appréhender les enjeux du projet et d'émettre un avis personnel sur sa réalisation.

46. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la commission d'enquête, qui n'était pas tenue de recourir à l'assistance d'un expert pour l'éclairer dans ses travaux, n'ait pas livré sa propre analyse sur les motifs qui ont conduit le maître d'ouvrage à écarter les autres variantes de passage examinées, notamment celles de la " famille A... " comportant un raccordement à Sotteville-sous-le-Val. Son rapport précise en particulier qu'elle a été mise en mesure de se forger sa propre opinion sur ce point au terme, notamment, de deux visites sur le terrain complétées de vérifications de détails.

47. En troisième lieu, si le rapport de la commission d'enquête présente à tort une étude conduite par l'association Air Normand, relative à l'évolution des émissions du transport routier entre 2010 et 2025 dans le cadre de la révision du plan de déplacement urbain, comme ayant émis un avis favorable au projet, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'il ait dénaturé les principaux enseignements de cette étude. Ce même rapport n'a pas, non plus, minimisé les mises en garde émises par l'Agence de l'Eau Seine Normandie sur la vulnérabilité de la ressource en eau de l'agglomération aux risques engendrés par le projet, qui font l'objet de développements précis, et ont correctement été pris en considération dans les mesures compensatrices évoquées.

48. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le rapport de la commission d'enquête analyse les raisons qui ont conduit le maître d'ouvrage à écarter la solution consistant à faire passer l'infrastructure en souterrain, plutôt qu'en viaduc, sur le territoire de la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray. Il ressort également des pièces des dossiers que la commission d'enquête a accepté les justifications du maître d'ouvrage au regard, d'une part, des contraintes techniques et du surcoût budgétaire important que cette solution alternative entraînerait et, d'autre part, des engagements pris par ce dernier pour limiter les nuisances générées par la construction d'un viaduc.

49. En dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le rapport de la commission d'enquête comporte une synthèse des observations du public et répond aux exigences de forme posées par l'article R. 123-19 du code de l'environnement précité.

50. Il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que le rapport de la commission d'enquête méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement précité en raison d'un manque de rigueur, de cohérence ou d'impartialité doivent être écartés.


En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :

51. En premier lieu, l'article R. 122-1 du code de la voirie routière dispose que : " Le classement dans la catégorie des autoroutes : / D'une route nouvelle ou d'une route projetée ; / D'une route nationale existante, / est prononcé par décret en Conseil d'Etat, pris après enquête publique. Ce décret peut en même temps prononcer la déclaration d'utilité publique de la route ainsi classée ou d'une de ses sections. / Le classement dans la catégorie des autoroutes des ouvrages annexes et des raccordements à d'autres voies publiques est prononcé par arrêté du préfet, pris après enquête publique, lorsque ces ouvrages sont créés sur une autoroute en service. L'ouverture de l'enquête publique est autorisée par le ministre chargé de la voirie routière nationale ". Ces dispositions, qui prévoient que l'ouverture de l'enquête publique est autorisée par le ministre chargé de la voirie routière nationale lorsqu'elle concerne la création d'ouvrages annexes et de raccordements à d'autres voies publiques sur une autoroute en service, ne sont pas applicables à l'opération déclarée d'utilité publique par le décret attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'enquête publique, ouverte en l'espèce par un arrêté conjoint des préfets de la Seine-Maritime et de l'Eure en date du 12 avril 2016, l'aurait été par une autorité incompétente doit être écarté.

52. En deuxième lieu, s'il est soutenu que les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'auraient pas été consultées par le maître d'ouvrage, en méconnaissance de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, il ressort des pièces des dossiers que le projet a fait l'objet d'une présentation devant ces commissions en septembre 2015 et qu'elles ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations. Par suite, le moyen doit être écarté.

53. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime et de son décret d'application du 31 août 2016 que l'exigence d'établir une étude d'impact agricole dans le cas de projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur l'économie agricole n'est applicable qu'aux projets pour lesquels l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été transmise à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement définie à l'article R. 122-6 du code de l'environnement à compter du premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de ce décret au Journal officiel de la République française. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers que le dossier complet de l'étude d'impact a été transmis à l'Autorité environnementale le 4 novembre 2015, soit à une date antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime précité. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.


Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le SDAGE et le SAGE :

54. Aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, " les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux " (SDAGE). Par ailleurs, aux termes de l'article L. 212-5-2 du même code, applicable aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), " lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise ".

55. Si la déclaration d'utilité publique de travaux relatifs à un ouvrage routier ne constitue pas, du seul fait de son objet principal, une décision " dans le domaine de l'eau " au sens des dispositions précitées, il ressort des pièces des dossiers que le projet litigieux implique la construction, l'aménagement et l'exploitation de plusieurs ouvrages spécifiquement destinés à permettre la rétention, l'écoulement ou le traitement des eaux, afin de prévenir les risques d'inondation ou de pollution des aquifères sensibles situés sur l'emprise ou au voisinage du projet. Par suite et eu égard à ces caractéristiques particulières, le décret attaqué doit être regardé comme une " décision administrative dans le domaine de l'eau " au sens des dispositions précitées.

56. Si le SDAGE Seine-Normandie 2016-2021 et le SAGE " Cailly-Aubette-Robec " approuvé le 28 février 2014 comportent plusieurs dispositions destinées, d'une part, à prévenir les risques de crues et d'inondations, en imposant notamment aux projets ayant un impact sur les zones naturelles d'expansion de crues la mise en place de mesures visant à en prévenir ou à en pallier les effets, et, d'autre part, à prévenir tout risque pour l'alimentation en eau potable, il ressort des pièces des dossiers que le maître d'ouvrage a analysé la compatibilité du projet avec ces deux schémas et prévu des mesures destinées à éviter, réduire et compenser ses incidences en matière d'imperméabilisation des surfaces et de ruissellement ainsi que de protection des captages d'eau, lesquelles devront, le moment venu, comme le prévoit l'article 5 du décret attaqué, être adaptées par des prescriptions fixées dans le cadre d'arrêtés ultérieurs, pris en application des dispositions du code de l'environnement en matière de police de l'eau. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du décret attaqué avec les dispositions du SDAGE Seine-Normandie 2016-2021 et du SAGE " Cailly-Aubette-Robec " doit être écarté.


Sur la contradiction alléguée entre le projet et les engagements de la France en matière de réduction des gaz à effet de serre :

57. Si l'étude d'impact environnementale conclut à une augmentation des émissions de CO2, induites par la mise en service de l'infrastructure, estimées à 50 000 tonnes par an par rapport à l'état initial, ni les dispositions de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte relatives notamment à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, ni les dispositions du code de l'environnement relatives aux plans climat-air-énergie territoriaux, ni les stipulations du paragraphe 1 de l'article 4 de l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New York le 22 avril 2016, aux termes duquel les Etats parties " cherchent à parvenir ", en vue d'atteindre l'objectif de température à long terme contenant l'élévation de la température moyenne de la planète, " au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais (...) et à opérer des réductions rapidement par la suite (...) ", n'ont, en tout état de cause, pour objet de faire obstacle par principe à tout nouveau projet de construction d'autoroute, dont l'incidence nette prévisible, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, doit être prise en considération au titre du bilan qui détermine son caractère d'utilité publique.


Sur les moyens tirés du recours à une concession pour la construction et l'exploitation de l'autoroute :

58. Si l'article L. 122-4 du code de la voirie routière énonce que " l'usage des autoroutes est en principe gratuit ", il prévoit la possibilité d'instaurer un péage " en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure ", ainsi que " l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire " dans l'hypothèse d'une concession. Par suite, le moyen tiré de ce que le recours à une concession pour la réalisation de l'infrastructure litigieuse, qui doit permettre d'en partager le coût entre les collectivités publiques, dont est attendue une subvention représentant au moins 55 % du montant total du projet, et les futurs usagers, méconnaîtrait le principe de gratuité énoncé par ces dispositions ne peut qu'être écarté.


En ce qui concerne l'utilité publique du projet :

59. D'une part, une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. D'autre part, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, d'apprécier l'opportunité du tracé retenu, ni au regard des tracés alternatifs écartés par le maître d'ouvrage, ni au regard de projets fondés sur l'utilisation d'autres modes de transports.

60. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers que le projet de contournement autoroutier de Rouen par l'est a pour but de détourner une partie significative du trafic de transit qui traverse actuellement le centre de l'agglomération rouennaise afin de contribuer à l'amélioration de la sécurité, de la santé et du cadre de vie des habitants et de favoriser le développement des transports collectifs, tout en améliorant la desserte du territoire et en favorisant le développement de l'économie locale. L'opération répond donc à une finalité d'intérêt général.

61. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers, et notamment de l'évaluation économique et sociale établie par le maître d'ouvrage, dont les principales conclusions sont confirmées par le rapport de contre-expertise diligenté par le Commissariat général à l'investissement, que malgré le coût très élevé du projet, évalué entre 20 et 23 millions d'euros par kilomètre, du fait notamment des ouvrages de franchissement de la Seine que sa construction impliquera, et surtout des nombreux investissements et mesures complémentaires que nécessitera la réduction de son incidence environnementale et des autres nuisances qu'il risquerait d'engendrer, sa valeur actualisée nette socio-économique demeure positive dans presque tous les scénarios, sauf en cas de croissance nulle. Si des débats sérieux existent, dont les requêtes se font l'écho, concernant, d'une part, certaines hypothèses tenant notamment à l'ampleur et à la réalité des reports de trafic local vers l'autoroute projetée et, d'autre part, sur la méthode de valorisation de certains paramètres de ce calcul, s'agissant en particulier de la valorisation des gains de temps sur les trajets, les méthodes et hypothèses retenues au soutien de cette évaluation ne font pas apparaître de biais tels qu'ils remettraient en cause le réalisme ou la sincérité de l'ensemble de ces conclusions.

62. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que le projet de contournement autoroutier, qui s'inscrit dans un environnement vulnérable, notamment au regard de la ressource en eau, est susceptible d'entraîner des risques de pollution accidentelle des aquifères ou d'accroître certains risques d'inondation, qu'il engendrera une augmentation nette de l'émission de divers polluants, une augmentation des émissions de CO2 de l'ordre de 50 000 tonnes par an, la destruction de 146 hectares d'espaces boisés et de plusieurs centaines d'hectares de sols naturels ou agricoles, et qu'il est de nature à exercer une incidence négative sur plusieurs espèces animales ou végétales protégées au voisinage de son emprise. Le maître d'ouvrage a prévu d'importantes mesures destinées, d'une part, à éviter, réduire et compenser les impacts du projet sur l'environnement et les milieux naturels, notamment, ainsi qu'il a été dit, par la construction d'ouvrages spécifiques visant à prévenir l'aggravation des risques d'inondation et à protéger les aquifères contre les pollutions structurelles ou accidentelles, par la reconstitution en lisière des forêts existantes d'espaces boisés et, d'autre part, à limiter les nuisances, notamment visuelles et acoustiques, causées aux riverains de l'infrastructure ainsi qu'à certaines espèces animales ou végétales. Ces mesures devront, ainsi que le font ressortir diverses pièces des dossiers, être précisées ou complétées à l'occasion de la délivrance des autorisations requises au titre des polices d'environnement et notamment des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement relatives aux dérogations susceptibles d'être accordées aux interdictions d'atteinte à des espèces animales ou végétales protégées. En outre, il ressort des pièces des dossiers que le projet risque de favoriser une urbanisation diffuse en périphérie de Rouen, liée à la desserte autoroutière, ce qui apparaît pour partie comme une conséquence du développement attendu de nouvelles activités. Enfin, les atteintes portées à la propriété privée demeurent relativement limitées par le tracé retenu, au regard de l'importance du projet et des caractéristiques particulières de cette infrastructure.

63. Il résulte de ce qui précède que compte tenu de l'importance du projet, et eu égard aux mesures de prévention, de compensation ou d'atténuation prévues par le maître d'ouvrage, les inconvénients qu'il présente, pour importants qu'ils soient, notamment en termes de coût, de conséquences ou de risques pour l'environnement et de nuisances pour ses riverains immédiats, ne présentent pas un caractère excessif de nature à le priver de son caractère d'utilité publique.

64. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent. Leurs requêtes doivent, par suite, être rejetées.


Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

65. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'association " Alternatiba Rouen " n'est pas admise.
Article 2 : Les requêtes de la commune de Val-de-Reuil, de la société Klémurs et autre, de l'association Les Deux Avenues, de la commune d'Alizay, de la commune des Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, de la commune de Gouy, de la commune de Manoir-sur-Seine, de la commune d'Ymare, de l'Association des communes pour un contournement Est soutenable, de la commune de Léry, des communes de Saint-Etienne-du-Rouvray et autre, des associations France Nature Environnement Normandie et autres et de M. B... sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Val-de-Reuil, à la société Klémurs, première dénommée pour l'ensemble des requérants sous le n°417385, à l'association Les Deux Avenues, à la commune d'Alizay, à la commune des Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, à la commune de Gouy, à la commune de Manoir-sur-Seine, à la commune d'Ymare, à l'Association des communes pour un contournement Est soutenable, à la commune de Léry, à la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray, première dénommée pour l'ensemble des communes requérantes sous le n°420482, à l'association France Nature Environnement Normandie, première dénommée pour l'ensemble des associations requérantes sous le n°420503, à M. D... B..., au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.

ECLI:FR:CECHR:2020:417362.20201119
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