CAA de NANCY, 2ème chambre, 12/11/2020, 19NC01780, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 2ème chambre, 12/11/2020, 19NC01780, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 2ème chambre
- N° 19NC01780
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
12 novembre 2020
- Président
- M. MARTINEZ
- Rapporteur
- M. Marc AGNEL
- Avocat(s)
- SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE TROYES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Financière d'Epinant a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne un supplément de restitution de crédit d'impôt recherche au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1702115 et n° 1800110 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la restitution partielle d'un complément de crédit d'impôt recherche au titre des années 2014 à 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 28 février 2019 ;
2°) de rétablir à la charge de la SAS Financière d'Epinant les impositions dont le tribunal administratif a prononcé la décharge.
Il soutient que :
- le personnel de recherche mis à disposition par la société Financière d'Epinant au profit de sa filiale l'ayant été sur la base d'une convention de prêt de main-d'oeuvre à titre lucratif prohibée par les articles L. 8241-1 et 8241-2 du code du travail, compte tenu de la marge de 10 % pratiquée, les dépenses correspondantes ne peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt recherche au titre du personnel de recherche mis à disposition par des tiers ;
- la société Financière d'Epinant ne réalisant pas elle-même d'opérations de recherche au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, elle ne peut prétendre au crédit d'impôt recherche au titre des dépenses de personnel mis à disposition de sa filiale qui n'est pas sa sous-traitante pour des opérations de recherche.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2019 ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 1er octobre 2020, la SAS Financière d'Epinant, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant la SAS Financière d'Epinant.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Financière d'Epinant détient 100 % du capital de la société SAS Chesneau Christian et Fils spécialisée dans le polissage et l'ajustage de précision de pièces à destination, notamment, de l'aéronautique, de l'énergie et du médical. La SAS Financière d'Epinant rend au profit de sa filiale diverses prestations de services d'assistance en matière comptable, financière, commerciale, de ressources humaines et technique, moyennant un prix calculé sur la base du coût de revient réel augmenté d'une marge de 10 % en vertu de l'article 4 d'une convention d'assistance conclue entre les deux sociétés le 2 janvier 2012. A compter du 1er janvier 2014, la SAS Chesneau Christian et Fils est devenue membre du groupe fiscal intégré dont la SAS Financière d'Epinant est devenue la mère et à ce titre seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû par toutes les sociétés du groupe, en vertu des articles 223 A et 223 O du code général des impôts. Par deux décisions du 30 août 2017 et du 22 novembre 2017, l'administration n'a admis que partiellement les demandes de crédit d'impôt recherche présentées par la SAS Financière d'Epinant au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, après avoir estimé que les dépenses relatives à la mise à disposition de personnel de recherche au profit de la société Chesneau Christian et Fils n'étaient pas éligibles au dispositif de faveur. Par le jugement attaqué du 28 février 2019 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a admis partiellement la demande de la SAS Financière d'Epinant tendant à la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre des années 2014, 2015 et 2016 et a rejeté le surplus des conclusions concernant l'année 2013. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. D'une part aux termes de l'article 223 A du code général des impôts : "I. - Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires (...)/II. - Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. " et aux termes de l'article 223 O du même code : " 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice :/ (...) b. Des crédits d'impôt pour dépenses de recherche dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 244 quater B " .
3. D'autre part, aux termes de l'article 244 quater B du même code : "I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant (...)/ II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont :/ (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations ". Ces dispositions ne limitent pas les dépenses de personnel susceptibles d'ouvrir droit au crédit d'impôt aux seules rémunérations et charges sociales versées pour des personnes employées par l'entreprise et affectées à des opérations de recherche susceptibles d'ouvrir droit à ce crédit, mais s'étendent aux rémunérations et aux charges sociales prises en charge par l'entreprise au titre de la mise à sa disposition par un tiers de personnes afin d'y effectuer dans ses locaux et avec ses moyens des opérations de recherche.
En ce qui concerne les années 2014 et 2015 :
4. Afin de refuser le bénéfice du régime de faveur aux dépenses de mise à disposition des personnels de recherche par la société requérante au profit de sa filiale, l'administration s'est fondée sur la circonstance que cette mise à disposition s'était faite, non pas à prix coûtant, mais sur la base d'une convention de prêt de main d'oeuvre à but lucratif, prohibée par les dispositions de l'article L. 8241-1 du code du travail, compte tenu des stipulations ci-dessus analysées au point 1 de la convention du 2 janvier 2012. Il résulte cependant des propres écritures du ministre que, conformément aux dispositions du II de l'article 223 A ci-dessus reproduites, la SAS Chesneau Christian et Fils a déposé sa propre déclaration de crédit d'impôt recherche faisant état des sommes qu'elle avait payées à sa société mère, la SAS Financière d'Epinant au titre des années 2014 et 2015 à raison du personnel de recherche que cette dernière avait mis à sa disposition et qu'elle lui a facturé conformément aux stipulations ci-dessus analysées de la convention d'assistance du 2 janvier 2012. En vertu des principes ci-dessus rappelées au point 3, desquels il ne résulte pas que la mise à disposition du personnel de recherche devrait nécessairement être facturée à prix coûtant par l'entreprise prestataire à l'exclusion de toute marge, et dès lors qu'il n'est pas contesté que ce personnel de recherche a effectué dans les locaux de la société Chesneau Christian et Fils des opérations de recherche, les dépenses payées au titre de cette mise à disposition à la SAS Financière d'Epinant étaient intégralement éligibles au bénéfice du crédit d'impôt en vertu de l'article 223 O du code général des impôts. Dès lors, la société Christian Chesneau et Fils était fondée à les porter sur ses déclarations de crédit d'impôt recherche et la SAS Financière d'Epinant était bien fondée à en demander l'imputation ou la restitution. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par son jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement admis ces sommes, sous déduction de la marge facturée de 10 %, au bénéfice du crédit d'impôt recherche des années 2014 et 2015.
En ce qui concerne l'année 2016 :
5. Il résulte de l'instruction que la SAS Financière d'Epinant a déposé en son nom une déclarations 2069-A-SD de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016 faisant apparaître dans les dépenses éligibles les sommes qu'elle a facturées à sa filiale la SAS Chesneau Christian et Fils au titre de la mise à disposition à son profit de personnel de recherche.
6. Il résulte des règles rappelées ci-dessus au point 3, que seule l'entreprise dans les locaux de laquelle le personnel de recherche mis à disposition par un tiers a réalisé des opérations de recherche peut porter les dépenses correspondantes dans son crédit d'impôt recherche. Dès lors qu'il n'est pas contesté que le personnel de recherche mis à disposition de la SAS Chesneau Christian et Fils a réalisé des opérations de recherche dans ses locaux et pour son compte, la SAS Financière d'Epinant n'était pas fondée à porter les sommes correspondant à cette mise à disposition sur ses propres déclarations de crédit d'impôt recherche. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir, comme l'administration l'avait fait devant les premiers juges et l'avait opposé dans ses décision d'admissions partielles, que la SAS Financière d'Epinant n'a pas réalisé elle-même d'opérations de recherche au sens des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 244 quater B du code général des impôts à raison du personnel de recherche ainsi mis à disposition de sa filiale.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 février 2019 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à la SAS Financière d'Epinant un complément de restitution de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardée comme la partie perdante à titre principal, le versement à la SAS Financière d'Epinant de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1702115 et 1800110 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 février 2019 est annulé en tant qu'il a accordé à la SAS Financière d'Epinant un complément de restitution de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016.
Article 2 : Les impositions dont la restitution a été prononcée par le jugement du tribunal administratif de Châlons en Champagne du 28 février 2019 au titre de l'année 2016 sont rétablies à la charge de la SAS Financière d'Epinant.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à la SAS Financière d'Epinant la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière d'Epinant et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 19NC01780 2
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Financière d'Epinant a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne un supplément de restitution de crédit d'impôt recherche au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1702115 et n° 1800110 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la restitution partielle d'un complément de crédit d'impôt recherche au titre des années 2014 à 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 28 février 2019 ;
2°) de rétablir à la charge de la SAS Financière d'Epinant les impositions dont le tribunal administratif a prononcé la décharge.
Il soutient que :
- le personnel de recherche mis à disposition par la société Financière d'Epinant au profit de sa filiale l'ayant été sur la base d'une convention de prêt de main-d'oeuvre à titre lucratif prohibée par les articles L. 8241-1 et 8241-2 du code du travail, compte tenu de la marge de 10 % pratiquée, les dépenses correspondantes ne peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt recherche au titre du personnel de recherche mis à disposition par des tiers ;
- la société Financière d'Epinant ne réalisant pas elle-même d'opérations de recherche au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, elle ne peut prétendre au crédit d'impôt recherche au titre des dépenses de personnel mis à disposition de sa filiale qui n'est pas sa sous-traitante pour des opérations de recherche.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2019 ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 1er octobre 2020, la SAS Financière d'Epinant, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant la SAS Financière d'Epinant.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Financière d'Epinant détient 100 % du capital de la société SAS Chesneau Christian et Fils spécialisée dans le polissage et l'ajustage de précision de pièces à destination, notamment, de l'aéronautique, de l'énergie et du médical. La SAS Financière d'Epinant rend au profit de sa filiale diverses prestations de services d'assistance en matière comptable, financière, commerciale, de ressources humaines et technique, moyennant un prix calculé sur la base du coût de revient réel augmenté d'une marge de 10 % en vertu de l'article 4 d'une convention d'assistance conclue entre les deux sociétés le 2 janvier 2012. A compter du 1er janvier 2014, la SAS Chesneau Christian et Fils est devenue membre du groupe fiscal intégré dont la SAS Financière d'Epinant est devenue la mère et à ce titre seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû par toutes les sociétés du groupe, en vertu des articles 223 A et 223 O du code général des impôts. Par deux décisions du 30 août 2017 et du 22 novembre 2017, l'administration n'a admis que partiellement les demandes de crédit d'impôt recherche présentées par la SAS Financière d'Epinant au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, après avoir estimé que les dépenses relatives à la mise à disposition de personnel de recherche au profit de la société Chesneau Christian et Fils n'étaient pas éligibles au dispositif de faveur. Par le jugement attaqué du 28 février 2019 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a admis partiellement la demande de la SAS Financière d'Epinant tendant à la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre des années 2014, 2015 et 2016 et a rejeté le surplus des conclusions concernant l'année 2013. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. D'une part aux termes de l'article 223 A du code général des impôts : "I. - Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires (...)/II. - Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. " et aux termes de l'article 223 O du même code : " 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice :/ (...) b. Des crédits d'impôt pour dépenses de recherche dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 244 quater B " .
3. D'autre part, aux termes de l'article 244 quater B du même code : "I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant (...)/ II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont :/ (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations ". Ces dispositions ne limitent pas les dépenses de personnel susceptibles d'ouvrir droit au crédit d'impôt aux seules rémunérations et charges sociales versées pour des personnes employées par l'entreprise et affectées à des opérations de recherche susceptibles d'ouvrir droit à ce crédit, mais s'étendent aux rémunérations et aux charges sociales prises en charge par l'entreprise au titre de la mise à sa disposition par un tiers de personnes afin d'y effectuer dans ses locaux et avec ses moyens des opérations de recherche.
En ce qui concerne les années 2014 et 2015 :
4. Afin de refuser le bénéfice du régime de faveur aux dépenses de mise à disposition des personnels de recherche par la société requérante au profit de sa filiale, l'administration s'est fondée sur la circonstance que cette mise à disposition s'était faite, non pas à prix coûtant, mais sur la base d'une convention de prêt de main d'oeuvre à but lucratif, prohibée par les dispositions de l'article L. 8241-1 du code du travail, compte tenu des stipulations ci-dessus analysées au point 1 de la convention du 2 janvier 2012. Il résulte cependant des propres écritures du ministre que, conformément aux dispositions du II de l'article 223 A ci-dessus reproduites, la SAS Chesneau Christian et Fils a déposé sa propre déclaration de crédit d'impôt recherche faisant état des sommes qu'elle avait payées à sa société mère, la SAS Financière d'Epinant au titre des années 2014 et 2015 à raison du personnel de recherche que cette dernière avait mis à sa disposition et qu'elle lui a facturé conformément aux stipulations ci-dessus analysées de la convention d'assistance du 2 janvier 2012. En vertu des principes ci-dessus rappelées au point 3, desquels il ne résulte pas que la mise à disposition du personnel de recherche devrait nécessairement être facturée à prix coûtant par l'entreprise prestataire à l'exclusion de toute marge, et dès lors qu'il n'est pas contesté que ce personnel de recherche a effectué dans les locaux de la société Chesneau Christian et Fils des opérations de recherche, les dépenses payées au titre de cette mise à disposition à la SAS Financière d'Epinant étaient intégralement éligibles au bénéfice du crédit d'impôt en vertu de l'article 223 O du code général des impôts. Dès lors, la société Christian Chesneau et Fils était fondée à les porter sur ses déclarations de crédit d'impôt recherche et la SAS Financière d'Epinant était bien fondée à en demander l'imputation ou la restitution. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par son jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement admis ces sommes, sous déduction de la marge facturée de 10 %, au bénéfice du crédit d'impôt recherche des années 2014 et 2015.
En ce qui concerne l'année 2016 :
5. Il résulte de l'instruction que la SAS Financière d'Epinant a déposé en son nom une déclarations 2069-A-SD de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016 faisant apparaître dans les dépenses éligibles les sommes qu'elle a facturées à sa filiale la SAS Chesneau Christian et Fils au titre de la mise à disposition à son profit de personnel de recherche.
6. Il résulte des règles rappelées ci-dessus au point 3, que seule l'entreprise dans les locaux de laquelle le personnel de recherche mis à disposition par un tiers a réalisé des opérations de recherche peut porter les dépenses correspondantes dans son crédit d'impôt recherche. Dès lors qu'il n'est pas contesté que le personnel de recherche mis à disposition de la SAS Chesneau Christian et Fils a réalisé des opérations de recherche dans ses locaux et pour son compte, la SAS Financière d'Epinant n'était pas fondée à porter les sommes correspondant à cette mise à disposition sur ses propres déclarations de crédit d'impôt recherche. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir, comme l'administration l'avait fait devant les premiers juges et l'avait opposé dans ses décision d'admissions partielles, que la SAS Financière d'Epinant n'a pas réalisé elle-même d'opérations de recherche au sens des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 244 quater B du code général des impôts à raison du personnel de recherche ainsi mis à disposition de sa filiale.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 février 2019 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à la SAS Financière d'Epinant un complément de restitution de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardée comme la partie perdante à titre principal, le versement à la SAS Financière d'Epinant de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1702115 et 1800110 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 février 2019 est annulé en tant qu'il a accordé à la SAS Financière d'Epinant un complément de restitution de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016.
Article 2 : Les impositions dont la restitution a été prononcée par le jugement du tribunal administratif de Châlons en Champagne du 28 février 2019 au titre de l'année 2016 sont rétablies à la charge de la SAS Financière d'Epinant.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à la SAS Financière d'Epinant la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière d'Epinant et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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