CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 27/10/2020, 19MA00574, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 27/10/2020, 19MA00574, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 4ème chambre
- N° 19MA00574
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
27 octobre 2020
- Président
- M. ANTONETTI
- Rapporteur
- M. Alain BARTHEZ
- Avocat(s)
- SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français, ne lui a pas accordé de délai de départ pour exécuter volontairement cette obligation et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par ordonnance du 17 mai 2018, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête de Mme A... au tribunal administratif de Marseille.
Par un jugement n° 1803907 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français, ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire pour exécuter cette obligation et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt de la Cour ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à un nouvel examen de sa situation et, pendant la durée de cet examen, de lui délivrer une autorisation de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt de la Cour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, le tribunal administratif ayant dénaturé les pièces du dossier dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ;
- il est irrégulier, le tribunal administratif ayant omis de répondre ou ayant répondu de manière insuffisante au moyen tiré de l'insuffisante motivation qui était soulevé séparément pour l'obligation de quitter le territoire français, l'absence de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut de réponse à un moyen, le tribunal ayant omis de répondre ou ayant répondu de manière insuffisante au moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet du Puy-de-Dôme qui a estimé qu'elle n'avait ni document d'identité ni document de voyage en cours de validité ni résidence effective et permanente ;
- les décisions méconnaissent le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale, le préfet du Puy-de-Dôme ayant visé à tort le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du d) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet du Puy-de-Dôme ayant visé, ainsi que le tribunal administratif, les dispositions du d) et du f) dans leur version antérieure à celle de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Une ordonnance du 2 octobre 2019 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la substitution de base légale, les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifiées par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France pouvant être substituées aux dispositions du même 3° antérieures à cette loi et utilisées à tort par le préfet du Puy-de-Dôme.
Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me D..., a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013 dans l'affaire C-383/13 PPU ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me D..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 2 août 1968, fait appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2018 du préfet du Puy-de-Dôme lui faisant obligation de quitter le territoire français, ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement cette obligation et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, en estimant que le tribunal administratif de Marseille aurait dénaturé les pièces du dossier en écartant le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, principe fondamental du droit de l'Union européenne, Mme A... conteste ainsi le bien-fondé du jugement et non pas sa régularité. Le moyen tiré de ce que, pour ce motif, le jugement serait irrégulier doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif a écarté, au point 5 du jugement attaqué, les moyens soulevés par Mme A... et tirés de l'insuffisante motivation des différentes décisions du préfet du Puy-de-Dôme. Eu égard à la brièveté de l'argumentation développée en première instance à l'appui de ces moyens en tant qu'ils concernent les décisions n'accordant pas de délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français, le tribunal administratif a pu, sans entacher son jugement d'une insuffisance de motivation, les écarter dans le même paragraphe que celui où il écartait, de manière suffisamment motivée, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré d'une telle irrégularité du jugement doit donc être écarté.
4. En troisième lieu, toutefois, Mme A... soutenait que les motifs de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire étaient entachés d'erreurs de fait dès lors qu'elle n'est dépourvue ni de document d'identité ni de document de circulation transfrontière et qu'elle justifie d'un domicile effectif. Les premiers juges ont estimé, au point 11 du jugement attaqué, que le moyen tiré de l'existence d'erreurs de fait devait être écarté en se bornant à indiquer que Mme A... s'était soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Ainsi, ce jugement est entaché d'un défaut de motivation.
5. Mme A... est, dès lors, fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français, est entaché d'une irrégularité et doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé.
6. Il y a lieu de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par Mme A....
Sur la légalité de l'arrêté du 11 mai 2018 :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions prises par le préfet du Puy-de-Dôme :
7. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction d'y retourner, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur les mesures envisagées avant qu'elles n'interviennent. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne relative à la violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, rappelée notamment au point 38 de la décision C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.
9. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait été informée de l'intention du préfet du Puy-de-Dôme de prendre une mesure d'éloignement, sans délai pour l'exécuter volontairement, ainsi qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les arguments qu'aurait invoqués Mme A..., notamment celui relatif à l'existence d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 octobre 2017 rejetant sa requête tendant à l'annulation d'un précédent arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 mai 2016 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, constitueraient des éléments pertinents pouvant influer sur le contenu des décisions prises le 11 mai 2018, en particulier de celle portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la procédure de divorce demandée par le conjoint français de Mme A..., s'est tenue une réunion de conciliation le 14 mai 2018 et que son conseil a pu faire valoir cette circonstance, par un message électronique adressé aux autorités de police lors de l'interpellation, avant la notification de l'arrêté du 11 mai 2018. Mme A... ne peut donc soutenir qu'elle aurait été privée de la possibilité de faire valoir l'existence d'une telle réunion qui constituerait un élément susceptible d'influer sur le contenu de la décision prise ce même jour n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
10. Les moyens tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu, principe fondamental du droit de l'Union européenne, doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour qui a été rejetée par une décision du 22 mai 2016. Les requêtes de Mme A... tendant notamment à l'annulation de cette décision ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 avril 2017 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 octobre 2017. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme pouvait, sur le fondement des dispositions précédemment citées, prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme A.... Celle-ci n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur de droit, en raison de l'absence de base légale.
12. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.
13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les troubles de santé dont souffre Mme A... ne présentent pas un caractère exceptionnellement grave et qu'ils peuvent être soignés dans le pays d'origine. Par suite, et pour les motifs mentionnés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme A... doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision n'accordant pas de délai pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français :
14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré de lieu de résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 651-2 (...) ".
15. En premier lieu, le préfet du Puy-de-Dôme a notamment visé le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a également indiqué que Mme A... était dépourvue de tout document d'identité ou de circulation transfrontière, s'était soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et ne disposait pas effectivement d'un domicile personnel et stable. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.
16. En deuxième lieu, il ressort de cette motivation, notamment des éléments précis mentionnés s'agissant de la précédente mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A... et des recours contentieux qui ont été introduits, que le préfet du Puy-de-Dôme a procédé à un examen particulier de la situation afin de prendre la décision n'accordant pas de délai pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français.
17. En troisième lieu, nonobstant le pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 octobre 2017 rejetant la requête d'appel de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2016 portant notamment obligation de quitter le territoire français, cette décision demeurait exécutoire. Par suite, en continuant à séjourner habituellement en France, Mme A... doit être regardée comme s'étant soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement.
18. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle possédait un document d'identité en cours de validité à la date des décisions contestées.
19. Il ressort toutefois de ces mêmes pièces qu'elle disposait, à la date des décisions contestées, d'un passeport en cours de validité et qu'elle demeurait de manière effective et permanente dans une résidence d'accueil. Les motifs de la décision du préfet du Puy-de-Dôme relatifs à l'absence de tout document de circulation transfrontière et à l'absence de résidence effective ou permanente sont donc entachés d'une erreur de fait. Il résulte toutefois de l'instruction que le préfet du Puy-de-Dôme aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les motifs exacts de sa décision mentionnés aux points 17 et 18 du présent arrêt. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit donc être écarté.
20. En cinquième lieu, le préfet du Puy-de-Dôme a cité les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile antérieures à celles modifiées par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Toutefois, les dispositions applicables issues de cette loi, comme celles qui les précédaient, prévoient que le préfet a la possibilité de ne pas accorder de délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre d'un étranger notamment s'il y a un risque qu'il se soustraie à l'exécution de cette mesure d'éloignement. Par suite, l'erreur commise par le préfet du Puy-de-Dôme doit être regardée comme une erreur purement matérielle qui n'entraîne pas l'annulation de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.
21. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante-six ans et ne fait état d'aucune vie privée et familiale en France. Par suite, nonobstant l'existence d'une procédure de divorce avec notamment une réunion de conciliation en date du 14 mai 2018, la décision du 11 mai 2018 n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
22. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) ".
23. En premier lieu, pour les motifs précédemment mentionnés, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, le moyen tiré de son illégalité invoquée par la voie de l'exception à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
24. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 12 du présent arrêt.
25. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté par les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 13 du présent arrêt.
26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
27. Le présent arrêt rejette la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille ainsi que les conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille autres que celles tendant à l'annulation du jugement du 2 octobre 2018 en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français. Il n'implique donc aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de Mme A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2018 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme ne lui a pas accordé de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : La demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2018 ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.
7
N° 19MA00574
nc
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français, ne lui a pas accordé de délai de départ pour exécuter volontairement cette obligation et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par ordonnance du 17 mai 2018, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête de Mme A... au tribunal administratif de Marseille.
Par un jugement n° 1803907 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français, ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire pour exécuter cette obligation et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt de la Cour ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à un nouvel examen de sa situation et, pendant la durée de cet examen, de lui délivrer une autorisation de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt de la Cour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, le tribunal administratif ayant dénaturé les pièces du dossier dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ;
- il est irrégulier, le tribunal administratif ayant omis de répondre ou ayant répondu de manière insuffisante au moyen tiré de l'insuffisante motivation qui était soulevé séparément pour l'obligation de quitter le territoire français, l'absence de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut de réponse à un moyen, le tribunal ayant omis de répondre ou ayant répondu de manière insuffisante au moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet du Puy-de-Dôme qui a estimé qu'elle n'avait ni document d'identité ni document de voyage en cours de validité ni résidence effective et permanente ;
- les décisions méconnaissent le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale, le préfet du Puy-de-Dôme ayant visé à tort le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du d) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet du Puy-de-Dôme ayant visé, ainsi que le tribunal administratif, les dispositions du d) et du f) dans leur version antérieure à celle de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Une ordonnance du 2 octobre 2019 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la substitution de base légale, les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifiées par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France pouvant être substituées aux dispositions du même 3° antérieures à cette loi et utilisées à tort par le préfet du Puy-de-Dôme.
Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me D..., a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013 dans l'affaire C-383/13 PPU ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me D..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 2 août 1968, fait appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2018 du préfet du Puy-de-Dôme lui faisant obligation de quitter le territoire français, ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement cette obligation et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, en estimant que le tribunal administratif de Marseille aurait dénaturé les pièces du dossier en écartant le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, principe fondamental du droit de l'Union européenne, Mme A... conteste ainsi le bien-fondé du jugement et non pas sa régularité. Le moyen tiré de ce que, pour ce motif, le jugement serait irrégulier doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif a écarté, au point 5 du jugement attaqué, les moyens soulevés par Mme A... et tirés de l'insuffisante motivation des différentes décisions du préfet du Puy-de-Dôme. Eu égard à la brièveté de l'argumentation développée en première instance à l'appui de ces moyens en tant qu'ils concernent les décisions n'accordant pas de délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français, le tribunal administratif a pu, sans entacher son jugement d'une insuffisance de motivation, les écarter dans le même paragraphe que celui où il écartait, de manière suffisamment motivée, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré d'une telle irrégularité du jugement doit donc être écarté.
4. En troisième lieu, toutefois, Mme A... soutenait que les motifs de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire étaient entachés d'erreurs de fait dès lors qu'elle n'est dépourvue ni de document d'identité ni de document de circulation transfrontière et qu'elle justifie d'un domicile effectif. Les premiers juges ont estimé, au point 11 du jugement attaqué, que le moyen tiré de l'existence d'erreurs de fait devait être écarté en se bornant à indiquer que Mme A... s'était soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Ainsi, ce jugement est entaché d'un défaut de motivation.
5. Mme A... est, dès lors, fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français, est entaché d'une irrégularité et doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé.
6. Il y a lieu de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par Mme A....
Sur la légalité de l'arrêté du 11 mai 2018 :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions prises par le préfet du Puy-de-Dôme :
7. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction d'y retourner, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur les mesures envisagées avant qu'elles n'interviennent. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne relative à la violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, rappelée notamment au point 38 de la décision C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.
9. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait été informée de l'intention du préfet du Puy-de-Dôme de prendre une mesure d'éloignement, sans délai pour l'exécuter volontairement, ainsi qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les arguments qu'aurait invoqués Mme A..., notamment celui relatif à l'existence d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 octobre 2017 rejetant sa requête tendant à l'annulation d'un précédent arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 mai 2016 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, constitueraient des éléments pertinents pouvant influer sur le contenu des décisions prises le 11 mai 2018, en particulier de celle portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la procédure de divorce demandée par le conjoint français de Mme A..., s'est tenue une réunion de conciliation le 14 mai 2018 et que son conseil a pu faire valoir cette circonstance, par un message électronique adressé aux autorités de police lors de l'interpellation, avant la notification de l'arrêté du 11 mai 2018. Mme A... ne peut donc soutenir qu'elle aurait été privée de la possibilité de faire valoir l'existence d'une telle réunion qui constituerait un élément susceptible d'influer sur le contenu de la décision prise ce même jour n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
10. Les moyens tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu, principe fondamental du droit de l'Union européenne, doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour qui a été rejetée par une décision du 22 mai 2016. Les requêtes de Mme A... tendant notamment à l'annulation de cette décision ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 avril 2017 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 octobre 2017. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme pouvait, sur le fondement des dispositions précédemment citées, prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme A.... Celle-ci n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur de droit, en raison de l'absence de base légale.
12. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.
13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les troubles de santé dont souffre Mme A... ne présentent pas un caractère exceptionnellement grave et qu'ils peuvent être soignés dans le pays d'origine. Par suite, et pour les motifs mentionnés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme A... doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision n'accordant pas de délai pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français :
14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré de lieu de résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 651-2 (...) ".
15. En premier lieu, le préfet du Puy-de-Dôme a notamment visé le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a également indiqué que Mme A... était dépourvue de tout document d'identité ou de circulation transfrontière, s'était soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et ne disposait pas effectivement d'un domicile personnel et stable. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.
16. En deuxième lieu, il ressort de cette motivation, notamment des éléments précis mentionnés s'agissant de la précédente mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A... et des recours contentieux qui ont été introduits, que le préfet du Puy-de-Dôme a procédé à un examen particulier de la situation afin de prendre la décision n'accordant pas de délai pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français.
17. En troisième lieu, nonobstant le pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 octobre 2017 rejetant la requête d'appel de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2016 portant notamment obligation de quitter le territoire français, cette décision demeurait exécutoire. Par suite, en continuant à séjourner habituellement en France, Mme A... doit être regardée comme s'étant soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement.
18. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle possédait un document d'identité en cours de validité à la date des décisions contestées.
19. Il ressort toutefois de ces mêmes pièces qu'elle disposait, à la date des décisions contestées, d'un passeport en cours de validité et qu'elle demeurait de manière effective et permanente dans une résidence d'accueil. Les motifs de la décision du préfet du Puy-de-Dôme relatifs à l'absence de tout document de circulation transfrontière et à l'absence de résidence effective ou permanente sont donc entachés d'une erreur de fait. Il résulte toutefois de l'instruction que le préfet du Puy-de-Dôme aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les motifs exacts de sa décision mentionnés aux points 17 et 18 du présent arrêt. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit donc être écarté.
20. En cinquième lieu, le préfet du Puy-de-Dôme a cité les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile antérieures à celles modifiées par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Toutefois, les dispositions applicables issues de cette loi, comme celles qui les précédaient, prévoient que le préfet a la possibilité de ne pas accorder de délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre d'un étranger notamment s'il y a un risque qu'il se soustraie à l'exécution de cette mesure d'éloignement. Par suite, l'erreur commise par le préfet du Puy-de-Dôme doit être regardée comme une erreur purement matérielle qui n'entraîne pas l'annulation de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.
21. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante-six ans et ne fait état d'aucune vie privée et familiale en France. Par suite, nonobstant l'existence d'une procédure de divorce avec notamment une réunion de conciliation en date du 14 mai 2018, la décision du 11 mai 2018 n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
22. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) ".
23. En premier lieu, pour les motifs précédemment mentionnés, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, le moyen tiré de son illégalité invoquée par la voie de l'exception à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
24. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 12 du présent arrêt.
25. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté par les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 13 du présent arrêt.
26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
27. Le présent arrêt rejette la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille ainsi que les conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille autres que celles tendant à l'annulation du jugement du 2 octobre 2018 en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français. Il n'implique donc aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de Mme A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2018 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme ne lui a pas accordé de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : La demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2018 ne lui accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.
7
N° 19MA00574
nc