CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 24/09/2020, 19VE01774, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 24/09/2020, 19VE01774, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 7ème chambre
- N° 19VE01774
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
24 septembre 2020
- Président
- M. EVEN
- Rapporteur
- M. Bernard EVEN
- Avocat(s)
- TAMUR
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Madame A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1810316 du 12 avril 2019 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2019, Madame A... épouse B..., représentée par Me Tamur, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale ", dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L.313-10 et R.313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisque son activité est économiquement viable et lui procure des ressources suffisantes ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant refus de séjour qui est elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Madame A... épouse B..., née le 12 décembre 1978, de nationalité turque, déclare être entrée en France le 6 octobre 2009. Après y avoir effectué des études, elle a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'entrepreneur, valable du 19 novembre 2015 au 16 novembre 2016, sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 septembre 2018 le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Madame A... épouse B... fait appel du jugement du 12 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte temporaire de séjour, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : " 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " ". Selon l'article L.313-16 du même code " Les dispositions du 3° de l'article L.313-10 sont applicables à l'étranger dont l'activité non salariée nécessite une immatriculation soit au Répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, soit à l'URSSAF ". Pour l'application de ces dispositions, l'article R.313-16-1 du même code dispose que le demandeur " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. En cas de participation à une activité ou une entreprise existante, il doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein ". Enfin l'article R.313-36 du même code dispose que : " sauf dispositions règlementaires contraires, l'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente (...) les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ".
3. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui vient exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Lorsque l'étranger est lui-même le créateur de l'activité qu'il vient exercer, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée. Lorsque l'étranger n'est pas le créateur de l'activité qu'il entend exercer, il lui appartient de présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette entreprise à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein.
4. Il ressort des pièces complémentaires produites par Mme A... en appel, lesquelles comportent notamment un bilan et compte de résultat au titre de l'année de création de l'activité de l'intéressée en 2018, qui est celle au cours de laquelle l'arrêté en litige a été pris, que l'activité de l'entreprise a dégagé un résultat net positif de 34 673 euros. Les factures produites révèlent en outre que la société a principalement deux clients qui la font travailler toute l'année et qui assurent des rentrées d'argent selon un rythme régulier. Le moyen tiré de ce que cette activité est économique viable et que le motif de la décision contestée portant refus de renouvellement du titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L.313-10 et R.313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être accueilli.
5. Mme A... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Mme A... remplissant les conditions pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale ", il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à Madame A... épouse B... en application des dispositions énoncées par l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1810316 du 12 avril 2019 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 septembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " à Mme A..., dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Madame A... épouse B... la somme de 1 500 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
N° 19VE01774 2
Procédure contentieuse antérieure :
Madame A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1810316 du 12 avril 2019 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2019, Madame A... épouse B..., représentée par Me Tamur, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale ", dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L.313-10 et R.313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisque son activité est économiquement viable et lui procure des ressources suffisantes ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant refus de séjour qui est elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Madame A... épouse B..., née le 12 décembre 1978, de nationalité turque, déclare être entrée en France le 6 octobre 2009. Après y avoir effectué des études, elle a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'entrepreneur, valable du 19 novembre 2015 au 16 novembre 2016, sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 septembre 2018 le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Madame A... épouse B... fait appel du jugement du 12 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte temporaire de séjour, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : " 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " ". Selon l'article L.313-16 du même code " Les dispositions du 3° de l'article L.313-10 sont applicables à l'étranger dont l'activité non salariée nécessite une immatriculation soit au Répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, soit à l'URSSAF ". Pour l'application de ces dispositions, l'article R.313-16-1 du même code dispose que le demandeur " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. En cas de participation à une activité ou une entreprise existante, il doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein ". Enfin l'article R.313-36 du même code dispose que : " sauf dispositions règlementaires contraires, l'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente (...) les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ".
3. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui vient exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Lorsque l'étranger est lui-même le créateur de l'activité qu'il vient exercer, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée. Lorsque l'étranger n'est pas le créateur de l'activité qu'il entend exercer, il lui appartient de présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette entreprise à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein.
4. Il ressort des pièces complémentaires produites par Mme A... en appel, lesquelles comportent notamment un bilan et compte de résultat au titre de l'année de création de l'activité de l'intéressée en 2018, qui est celle au cours de laquelle l'arrêté en litige a été pris, que l'activité de l'entreprise a dégagé un résultat net positif de 34 673 euros. Les factures produites révèlent en outre que la société a principalement deux clients qui la font travailler toute l'année et qui assurent des rentrées d'argent selon un rythme régulier. Le moyen tiré de ce que cette activité est économique viable et que le motif de la décision contestée portant refus de renouvellement du titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L.313-10 et R.313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être accueilli.
5. Mme A... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Mme A... remplissant les conditions pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale ", il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à Madame A... épouse B... en application des dispositions énoncées par l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1810316 du 12 avril 2019 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 septembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " à Mme A..., dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Madame A... épouse B... la somme de 1 500 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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