CAA de LYON, 3ème chambre, 08/10/2020, 19LY02990, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, d'annuler les décisions du 12 décembre 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1805218-1900456 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. F....

Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 4 décembre 2019, M. F..., représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2019 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros qui sera versée à son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2019.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et la République de Tunisie du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- et les observations de Me C..., représentant M. F... ;






Considérant ce qui suit :

1. M. F..., relève appel du jugement rendu le 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2018 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. M. F..., ressortissant tunisien né en 1976, s'est marié en 2004 à Lyon avec Mme E..., sa compatriote, qui dispose d'un titre de séjour en France valable dix ans jusqu'en 2020. Ils sont parents de quatre enfants nés France en 2007, 2008, 2010 et 2013 et d'une enfant née en 2014 au cours d'un séjour de sa mère en Tunisie. Il n'est pas contesté que l'épouse de M. F... vit régulièrement en France depuis 1999, soit près de vingt ans à la date de la décision attaquée et que sa famille proche, ses parents et ses frères et soeurs, y vit également régulièrement. Il n'est pas non plus contesté que les cinq enfants de M. F... ont toujours vécu en France, où ils sont scolarisés. Eu égard aux liens familiaux en France de Mme F... née E..., à la durée de son séjour, ainsi qu'à celle de ses enfants et de leur scolarité effectuée uniquement en France, notamment pour l'aîné d'entre eux, il y a lieu de considérer que ceux-ci ont vocation à vivre en France. Il ressort également des pièces du dossier que les parents de M. F... et l'une de ses soeurs vivent régulièrement en France au bénéfice de titre de séjour valables dix ans. Y vivent également un frère et une soeur de nationalité française. Dans ces circonstances particulières, et en dépit de ce que M. F... entre dans la catégorie des étrangers pour lesquels il est possible de demander le regroupement familial, il est fondé à soutenir que l'arrêté du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, qui a pour effet de le contraindre à vivre séparé de son épouse et de ses enfants pour une durée indéterminée, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
3. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens de la requête, M. F... est fondé à soutenir que l'arrêté du préfet du Rhône du 12 décembre 2018 est illégal et, par suite que c'est à tort que, par son jugement attaqué du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
5. Il résulte de ce qui précède que les motifs d'annulation de la décision litigieuse impliquent nécessairement que le préfet du Rhône délivre à M. F... un titre de séjour. Il y a lieu de prescrire l'exécution de cette mesure dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. M. F... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dès lors, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me H... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me H... de la somme de 1 200 euros.
DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1805218-1900456 du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2019 et l'arrêté du 12 décembre 2018 du préfet du Rhône rejetant la demande de titre de séjour de M. F... et l'obligeant à quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône délivrer à M. F... un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans les deux mois qui suivront la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me H..., avocat de M. F..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet du Rhône.


Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... A..., présidente de chambre,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Mme D... I..., première conseillère.





















No 19LY029902







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