Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 08/10/2020, 431100
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 08/10/2020, 431100
Conseil d'État - 5ème - 6ème chambres réunies
- N° 431100
- ECLI:FR:CECHR:2020:431100.20201008
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
jeudi
08 octobre 2020
- Rapporteur
- M. Olivier Rousselle
- Avocat(s)
- SCP ROUSSEAU, TAPIE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la commission de médiation de Paris a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement social et la décision du 26 septembre 2018 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1823232 du 27 mars 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 19 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est (...) logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap ". Aux termes de l'article R. 441-14-1 du même code : " (...) Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d'accès au logement social qui se trouvent dans l'une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : / - être logées dans des locaux impropres à l'habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. (...) ; / - être handicapées, ou avoir à leur charge une personne en situation de handicap, ou avoir à leur charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement soit présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 ou auquel font défaut au moins deux des éléments d'équipement et de confort mentionnés à l'article 3 du même décret, soit d'une surface habitable inférieure aux surfaces mentionnées au 2° de l'article D. 542-14 du code de la sécurité sociale (...) ".
2. Il résulte de ces dispositions que, pour être désigné comme prioritaire et devant se voir attribuer d'urgence un logement social, le demandeur doit être de bonne foi, satisfaire aux conditions réglementaires d'accès au logement social et justifier qu'il se trouve dans une des situations prévues au II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation et satisfait à un des critères définis à l'article R. 441-14-1 de ce code. Dès lors que l'intéressé remplit ces conditions, la commission de médiation doit, en principe, reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande. Toutefois, dans le cas d'une personne se prévalant de ce qu'elle a présenté une demande de logement social et n'a pas reçu de proposition adaptée dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4, la commission peut refuser de reconnaître que la demande présente, à ce titre, un caractère prioritaire et urgent, en se fondant sur la circonstance que cette personne dispose déjà d'un logement. Elle ne peut toutefois légalement opposer ce motif que si le logement occupé est adapté à ses besoins. Pour apprécier si le logement occupé est adapté aux besoins du demandeur, il y a lieu de prendre en compte, d'une part, ses caractéristiques, le montant de son loyer et sa localisation, d'autre part, tous éléments relatifs aux occupants du logement, comme une éventuelle situation de handicap, qui sont susceptibles de le rendre inadapté aux besoins du demandeur,
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande présentée par Mme B... devant la commission de médiation se fondait, d'une part, sur le dépassement du délai applicable à sa demande de logement social, l'intéressée soutenant que le logement qu'elle occupait avec son fils n'était pas adapté à leurs besoins et, d'autre part, sur le caractère insalubre et dangereux de son logement, ainsi que sur le fait qu'il ne présentait pas un caractère décent.
4. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que, pour écarter le caractère prioritaire et urgent de la demande de Mme B..., le tribunal a jugé que la circonstance, non contestée, qu'elle-même et son fils se trouvaient en situation de handicap, ne pouvait être utilement invoquée dès lors que le logement qu'ils occupaient ne présentait ni suroccupation manifeste, ni caractère indécent. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'en statuant ainsi, alors que la situation de handicap invoquée par la requérante était de nature à justifier le caractère prioritaire et urgent de sa demande, non seulement, en application des dispositions précitées de l'article R. 441-14-1 du code de la construction et de l'habitation, si son logement était manifestement suroccupé ou ne présentait pas le caractère d'un logement décent, mais aussi si, comme elle le soutenait aussi sur le fondement de l'article L. 441-2-3 du même code, elle n'avait reçu aucune proposition de logement dans le délai fixé en application de son article L. 441-1-4 et que cette situation de handicap rendait son logement inadapté à ses besoins, le tribunal a commis une erreur de droit.
5. Mme B... est ainsi fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 mars 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la ministre de la transition écologique.
ECLI:FR:CECHR:2020:431100.20201008
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la commission de médiation de Paris a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement social et la décision du 26 septembre 2018 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1823232 du 27 mars 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 19 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est (...) logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap ". Aux termes de l'article R. 441-14-1 du même code : " (...) Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d'accès au logement social qui se trouvent dans l'une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : / - être logées dans des locaux impropres à l'habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. (...) ; / - être handicapées, ou avoir à leur charge une personne en situation de handicap, ou avoir à leur charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement soit présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 ou auquel font défaut au moins deux des éléments d'équipement et de confort mentionnés à l'article 3 du même décret, soit d'une surface habitable inférieure aux surfaces mentionnées au 2° de l'article D. 542-14 du code de la sécurité sociale (...) ".
2. Il résulte de ces dispositions que, pour être désigné comme prioritaire et devant se voir attribuer d'urgence un logement social, le demandeur doit être de bonne foi, satisfaire aux conditions réglementaires d'accès au logement social et justifier qu'il se trouve dans une des situations prévues au II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation et satisfait à un des critères définis à l'article R. 441-14-1 de ce code. Dès lors que l'intéressé remplit ces conditions, la commission de médiation doit, en principe, reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande. Toutefois, dans le cas d'une personne se prévalant de ce qu'elle a présenté une demande de logement social et n'a pas reçu de proposition adaptée dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4, la commission peut refuser de reconnaître que la demande présente, à ce titre, un caractère prioritaire et urgent, en se fondant sur la circonstance que cette personne dispose déjà d'un logement. Elle ne peut toutefois légalement opposer ce motif que si le logement occupé est adapté à ses besoins. Pour apprécier si le logement occupé est adapté aux besoins du demandeur, il y a lieu de prendre en compte, d'une part, ses caractéristiques, le montant de son loyer et sa localisation, d'autre part, tous éléments relatifs aux occupants du logement, comme une éventuelle situation de handicap, qui sont susceptibles de le rendre inadapté aux besoins du demandeur,
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande présentée par Mme B... devant la commission de médiation se fondait, d'une part, sur le dépassement du délai applicable à sa demande de logement social, l'intéressée soutenant que le logement qu'elle occupait avec son fils n'était pas adapté à leurs besoins et, d'autre part, sur le caractère insalubre et dangereux de son logement, ainsi que sur le fait qu'il ne présentait pas un caractère décent.
4. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que, pour écarter le caractère prioritaire et urgent de la demande de Mme B..., le tribunal a jugé que la circonstance, non contestée, qu'elle-même et son fils se trouvaient en situation de handicap, ne pouvait être utilement invoquée dès lors que le logement qu'ils occupaient ne présentait ni suroccupation manifeste, ni caractère indécent. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'en statuant ainsi, alors que la situation de handicap invoquée par la requérante était de nature à justifier le caractère prioritaire et urgent de sa demande, non seulement, en application des dispositions précitées de l'article R. 441-14-1 du code de la construction et de l'habitation, si son logement était manifestement suroccupé ou ne présentait pas le caractère d'un logement décent, mais aussi si, comme elle le soutenait aussi sur le fondement de l'article L. 441-2-3 du même code, elle n'avait reçu aucune proposition de logement dans le délai fixé en application de son article L. 441-1-4 et que cette situation de handicap rendait son logement inadapté à ses besoins, le tribunal a commis une erreur de droit.
5. Mme B... est ainsi fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 mars 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la ministre de la transition écologique.