CAA de NANTES, 4ème chambre, 02/10/2020, 19NT02601, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 4ème chambre, 02/10/2020, 19NT02601, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 4ème chambre
- N° 19NT02601
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
02 octobre 2020
- Président
- M. LAINE
- Rapporteur
- M. Christian RIVAS
- Avocat(s)
- AARPI THEMIS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des fouilles corporelles intégrales systématiques auxquelles il a été soumis à l'issue de parloirs, de fouilles de cellule ou de passages en commission de discipline lors de sa détention au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe.
Par un jugement n° 1702143 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2019, M. D... A..., représenté par l'AARPI Thémis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2019 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de fouilles corporelles intégrales systématiques lors de sa détention au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée du fait de la pratique abusive, injustifiée et systématique de fouilles à nu, au centre pénitentiaire d'Alençon alors que son comportement n'appelait pas particulièrement l'attention et que ses fréquentations sont connues ; une telle pratique est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 ;
- son préjudice est, dans ces circonstances, de 15 000 euros.
Une mise en demeure a été adressée le 11 décembre 2019 au ministre de la justice en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., alors écroué au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, a fait l'objet de diverses fouilles intégrales à l'issue de parloirs, de fouilles de cellule ou de passages en commission de discipline. Par courrier du 10 juillet 2017, transmis par télécopie du même jour, il a formé auprès du directeur de cet établissement pénitentiaire une demande indemnitaire préalable de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de 97 fouilles à nu qu'il considère comme illégalement pratiquées entre les mois d'août 2015 et mai 2017. Par un jugement du 8 février 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté son recours formé contre le refus implicite opposé par le ministre de la justice à sa réclamation indemnitaire d'un montant de 15 000 euros.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la faute :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". D'autre part, l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / (...) les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire ". Et aux termes de l'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en oeuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement. (...)".
3. Il résulte de ces dispositions que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des tiers. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller, d'une part, à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et, d'autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne.
4. Il résulte de l'instruction, au vu du tableau, établi par l'administration, des fouilles individuelles subies par M. A... lors de sa détention au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, que celui-ci a subi 91 fouilles individuelles pour la période comprise entre août 2015 et mai 2017, dont 12 par palpation et 79 fouilles intégrales. Certains mois ces fouilles intégrales ont été au nombre de 10, comme en mai 2016 et avril 2017. Elles sont intervenues à l'occasion de "parloir famille", de passages dans une unité de vie familiale, de fouilles de cellule ou de passages en commission de discipline.
5. Par les documents produits l'administration n'établit pas que ces fouilles intégrales auraient présenté, à chaque fois, un caractère proportionné et nécessaire, dès lors que, nonobstant la gravité des motifs de la détention de M. A..., sur la période de 19 mois mentionnée, aucun incident en lien avec ces fouilles n'est mentionné et elles n'ont révélé aucun manquement de l'intéressé aux règles carcérales. Seule est établie, pour la période en discussion, l'existence d'une altercation de ce dernier avec un autre détenu, le 9 juin 2016, ayant justifié une sanction de 10 jours de cellule disciplinaire dont 9 jours avec sursis. S'il est également fait état d'une suspicion de détention d'une substance prohibée en cellule en octobre 2015, celle-ci n'a pas été autrement démontrée et les nombreuses autres fouilles de sa cellule n'ont pas corroboré cette suspicion. Si une "fiche dangerosité" présente M. A... comme souffrant d'addictions, ce document n'est toutefois pas signé et ne procède pas à une "classification de la personne détenue". Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que des considérations tenant à l'ordre public et aux contraintes du service public pénitentiaire justifiaient un tel recours aux fouilles intégrales au cas d'espèce.
6. Il résulte de ce qui précède que les fouilles intégrales subies par M. A... sur la période considérée, en l'absence de justification suffisante de leur nécessité au regard de fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique, et alors même qu'il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de leurs réalisations auraient été par elles-mêmes attentatoires à la dignité de l'intéressé, sont de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat compte-tenu de leur caractère disproportionné au regard des nécessités de sécurité et de bon ordre au sein de l'établissement pénitentiaire considéré.
En ce qui concerne l'indemnisation :
7. Eu égard à la nature du manquement commis par l'administration pénitentiaire, M. A... doit être regardé comme ayant subi un préjudice moral. Il en sera fait une juste évaluation en fixant son indemnisation à la somme de 500 euros tous intérêts compris.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais d'instance :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C..., avocat de M. A..., d'une somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 500 euros, tous intérêts compris.
Article 2 : L'Etat versera à Me C..., conseil de M. A..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
N° 19NT02601
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des fouilles corporelles intégrales systématiques auxquelles il a été soumis à l'issue de parloirs, de fouilles de cellule ou de passages en commission de discipline lors de sa détention au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe.
Par un jugement n° 1702143 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2019, M. D... A..., représenté par l'AARPI Thémis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2019 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de fouilles corporelles intégrales systématiques lors de sa détention au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée du fait de la pratique abusive, injustifiée et systématique de fouilles à nu, au centre pénitentiaire d'Alençon alors que son comportement n'appelait pas particulièrement l'attention et que ses fréquentations sont connues ; une telle pratique est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 ;
- son préjudice est, dans ces circonstances, de 15 000 euros.
Une mise en demeure a été adressée le 11 décembre 2019 au ministre de la justice en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., alors écroué au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, a fait l'objet de diverses fouilles intégrales à l'issue de parloirs, de fouilles de cellule ou de passages en commission de discipline. Par courrier du 10 juillet 2017, transmis par télécopie du même jour, il a formé auprès du directeur de cet établissement pénitentiaire une demande indemnitaire préalable de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de 97 fouilles à nu qu'il considère comme illégalement pratiquées entre les mois d'août 2015 et mai 2017. Par un jugement du 8 février 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté son recours formé contre le refus implicite opposé par le ministre de la justice à sa réclamation indemnitaire d'un montant de 15 000 euros.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la faute :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". D'autre part, l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / (...) les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire ". Et aux termes de l'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en oeuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement. (...)".
3. Il résulte de ces dispositions que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des tiers. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller, d'une part, à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et, d'autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne.
4. Il résulte de l'instruction, au vu du tableau, établi par l'administration, des fouilles individuelles subies par M. A... lors de sa détention au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, que celui-ci a subi 91 fouilles individuelles pour la période comprise entre août 2015 et mai 2017, dont 12 par palpation et 79 fouilles intégrales. Certains mois ces fouilles intégrales ont été au nombre de 10, comme en mai 2016 et avril 2017. Elles sont intervenues à l'occasion de "parloir famille", de passages dans une unité de vie familiale, de fouilles de cellule ou de passages en commission de discipline.
5. Par les documents produits l'administration n'établit pas que ces fouilles intégrales auraient présenté, à chaque fois, un caractère proportionné et nécessaire, dès lors que, nonobstant la gravité des motifs de la détention de M. A..., sur la période de 19 mois mentionnée, aucun incident en lien avec ces fouilles n'est mentionné et elles n'ont révélé aucun manquement de l'intéressé aux règles carcérales. Seule est établie, pour la période en discussion, l'existence d'une altercation de ce dernier avec un autre détenu, le 9 juin 2016, ayant justifié une sanction de 10 jours de cellule disciplinaire dont 9 jours avec sursis. S'il est également fait état d'une suspicion de détention d'une substance prohibée en cellule en octobre 2015, celle-ci n'a pas été autrement démontrée et les nombreuses autres fouilles de sa cellule n'ont pas corroboré cette suspicion. Si une "fiche dangerosité" présente M. A... comme souffrant d'addictions, ce document n'est toutefois pas signé et ne procède pas à une "classification de la personne détenue". Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que des considérations tenant à l'ordre public et aux contraintes du service public pénitentiaire justifiaient un tel recours aux fouilles intégrales au cas d'espèce.
6. Il résulte de ce qui précède que les fouilles intégrales subies par M. A... sur la période considérée, en l'absence de justification suffisante de leur nécessité au regard de fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique, et alors même qu'il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de leurs réalisations auraient été par elles-mêmes attentatoires à la dignité de l'intéressé, sont de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat compte-tenu de leur caractère disproportionné au regard des nécessités de sécurité et de bon ordre au sein de l'établissement pénitentiaire considéré.
En ce qui concerne l'indemnisation :
7. Eu égard à la nature du manquement commis par l'administration pénitentiaire, M. A... doit être regardé comme ayant subi un préjudice moral. Il en sera fait une juste évaluation en fixant son indemnisation à la somme de 500 euros tous intérêts compris.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais d'instance :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C..., avocat de M. A..., d'une somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 500 euros, tous intérêts compris.
Article 2 : L'Etat versera à Me C..., conseil de M. A..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
N° 19NT02601