Conseil d'État, 5ème chambre, 28/09/2020, 424960, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Mme D... B... et M. F... A... C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de leur absence de relogement. Par un jugement n° 1713837/6-1 du 25 mai 2018, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser la somme de 3 000 euros à Mme B... et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 octobre 2018 et les 18 janvier et 10 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et M. A... C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de leur demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Levis, leur avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de Mme B... et de M. A... C....




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 12 juin 2015, la commission de médiation de Paris a reconnu Mme B... comme prioritaire et devant être relogée en urgence. Mme B... et M. A... C..., son conjoint, se pourvoient en cassation contre le jugement du 25 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à réparer les préjudices qu'ils ont subis en raison de leur absence de relogement, en tant que ce jugement limite à 3 000 euros le montant de leur indemnisation.

2. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter ces décisions dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à l'expiration du délai de trois ou six mois à compter de la décision de la commission de médiation que l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation impartit au préfet pour provoquer une offre de logement.

3. Il résulte des dispositions du septième alinéa du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation et des articles R. 441-16-1 et R. 441-16-3 du même code que, lorsqu'un demandeur a été reconnu comme prioritaire et devant être relogé en urgence par une commission de médiation, il incombe au représentant de l'Etat dans le département de définir le périmètre au sein duquel le logement à attribuer doit être situé, sans être tenu par les souhaits de localisation formulés par l'intéressé dans sa demande de logement social. Par suite, en jugeant que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée au-delà de la date à laquelle Mme B... avait présenté une demande de logement social limitant ses voeux au centre de l'agglomération parisienne, alors que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, devait proposer à l'intéressée un logement social dans le périmètre qu'il lui revenait de déterminer et qui pouvait inclure d'autres départements de la région Ile-de-France, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. A... C... sont fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent en tant qu'il rejette le surplus de leurs conclusions indemnitaires.

5. Mme B... et M. A... C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Levis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser, à ce titre, à la SCP Levis.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 25 mai 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il rejette le surplus des conclusions indemnitaires de Mme B....

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Levis une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B..., première requérante dénommée, et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

ECLI:FR:CECHS:2020:424960.20200928
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