Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 25/09/2020, 431200
Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 25/09/2020, 431200
Conseil d'État - 2ème - 7ème chambres réunies
- N° 431200
- ECLI:FR:CECHR:2020:431200.20200925
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
25 septembre 2020
- Rapporteur
- M. Yves Doutriaux
- Avocat(s)
- SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 septembre 2015 par laquelle la société Orange a rejeté sa demande de promotion à titre syndical sur un emploi supérieur de premier niveau (IV-3) afin d'accéder au premier échelon fonctionnel du grade de cadre supérieur de second niveau (IV-2).
Par un jugement n° 1508608 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17VE00020 du 28 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel de M. B..., a annulé ce jugement et la décision du 14 septembre 2015.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mai et 29 août 2019 et le 9 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 93-706 du 26 mars 1993 ;
- le décret n° 2004-767 du 29 juillet 2004 ;
- le décret n° 2015-422 du 14 avril 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Orange, et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., fonctionnaire de l'Etat, titulaire du grade de cadre supérieur de second niveau au sein de la société Orange, bénéficie depuis 2006 d'une décharge d'activité de service pour exercer le mandat de délégué syndical. Il a sollicité, le 29 juin 2015, une promotion " à titre syndical " sur un emploi supérieur de premier niveau et l'accès à ce titre au premier échelon fonctionnel de son grade. Par une décision du 14 septembre 2015, la directrice des affaires sociales de la société Orange a rejeté sa demande. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pourvoi de cette décision. Par un arrêt du 28 mars 2019, contre lequel la société Orange se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de M. B... contre ce jugement, a annulé la décision du 14 septembre 2015 et enjoint à la société Orange de procéder au réexamen de la demande de l'intéressé tendant à accéder aux échelons fonctionnels de son grade.
2. Il résulte de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom que les personnels de droit public de la société Orange SA sont régis par des statuts particuliers, pris en application des lois du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Aux termes de l'article 56 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'avancement des fonctionnaires comprend l'avancement d'échelon et l'avancement de grade ". Aux termes de l'article 59 alors en vigueur de la même loi : " L'avancement des fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux a lieu sur la base de l'avancement moyen des fonctionnaires du corps auquel ils appartiennent. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article ".
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 14 avril 2015 relatif à l'avancement et à la promotion des fonctionnaires exerçant un mandat syndical à Orange SA, pris pour l'application de ces dispositions, les fonctionnaires des corps de France Télécom en décharge d'activité pour l'exercice de mandats syndicaux, pour une durée égale ou supérieure à 50 % de leur temps de travail, bénéficient de l'avancement d'échelon dans les conditions fixées par les décrets portant statut particulier du corps auquel ils appartiennent. Selon l'article 2 du décret du 29 juillet 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres supérieurs de France Télécom, le corps des cadres supérieurs de France Télécom comprend notamment le grade de cadre supérieur de second niveau, qui est doté de quinze échelons et de deux échelons fonctionnels. Aux termes de l'article 9 du même décret, " Peuvent accéder à l'un ou l'autre des échelons fonctionnels de leur grade les cadres supérieurs de second niveau détachés sur des emplois supérieurs de France Télécom régis par le décret du 26 mars 1993 susvisé, suivant l'une ou l'autre des conditions suivantes : / 1° Avoir atteint le 15ème échelon de leur grade ; (...) / Sont classés au 1er échelon fonctionnel les cadres supérieurs détachés sur un emploi supérieur de deuxième niveau et, au 2e échelon fonctionnel, les cadres supérieurs détachés sur un emploi supérieur de troisième ou quatrième niveau ".
4. Il résulte de ces dispositions que, pour prétendre à l'accès aux échelons fonctionnels de leur grade, les fonctionnaires, cadres supérieurs de second niveau, qui, comme M. B..., ont atteint le 15ème échelon de leur grade, doivent être détachés sur un emploi supérieur de France Télécom. En vertu du décret du 26 mars 1993 relatif aux dispositions applicables à ces emplois supérieurs, la nomination sur un tel emploi, qui procède d'une décision du président du conseil d'administration et qui peut être retirée dans l'intérêt du service, comporte, selon l'article 1er de ce décret, " l'exercice de fonctions de niveau élevé en matière de responsabilité territoriale ou spécialisée, de direction d'établissement, d'expertise ou de conseil, de responsabilité de conception et de proposition de choix des politiques de l'entreprise ".
5. Pour juger que l'absence de détachement de M. B... sur un emploi supérieur ne saurait faire obstacle à l'examen de sa demande d'avancement à l'un des échelons fonctionnels de son grade, la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur les dispositions de l'article 59 de la loi du 11 janvier 1984 pour en déduire qu'il incombait à la société Orange, pour assurer à l'intéressé un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires relevant du même statut particulier en termes d'avancement, d'examiner la demande de M. B... au regard de l'avancement moyen constaté pour l'ensemble de ses collègues au même échelon.
6. Toutefois, si les dispositions de l'article 59 de la loi du 11 janvier 1984 visent à garantir aux fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires relevant du même statut particulier et à les prémunir contre des appréciations défavorables qui pourraient être liées à l'exercice de leur mandat syndical, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de soustraire les fonctionnaires concernés aux procédures d'avancement qui s'appliquent à tous les fonctionnaires, ni de leur reconnaître un droit automatique à l'avancement. Elles ne sauraient davantage leur ouvrir un droit à nomination sur un emploi fonctionnel, catégorie dont relèvent les emplois supérieurs régis par le décret du 26 mars 1993, ni un droit d'accès " sur la base de l'avancement moyen " aux échelons fonctionnels qui y sont directement rattachés. Par suite, en statuant comme elle l'a fait, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Orange est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette société, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande à ce titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 28 mars 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et à M. A... B....
ECLI:FR:CECHR:2020:431200.20200925
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 septembre 2015 par laquelle la société Orange a rejeté sa demande de promotion à titre syndical sur un emploi supérieur de premier niveau (IV-3) afin d'accéder au premier échelon fonctionnel du grade de cadre supérieur de second niveau (IV-2).
Par un jugement n° 1508608 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17VE00020 du 28 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel de M. B..., a annulé ce jugement et la décision du 14 septembre 2015.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mai et 29 août 2019 et le 9 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 93-706 du 26 mars 1993 ;
- le décret n° 2004-767 du 29 juillet 2004 ;
- le décret n° 2015-422 du 14 avril 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Orange, et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., fonctionnaire de l'Etat, titulaire du grade de cadre supérieur de second niveau au sein de la société Orange, bénéficie depuis 2006 d'une décharge d'activité de service pour exercer le mandat de délégué syndical. Il a sollicité, le 29 juin 2015, une promotion " à titre syndical " sur un emploi supérieur de premier niveau et l'accès à ce titre au premier échelon fonctionnel de son grade. Par une décision du 14 septembre 2015, la directrice des affaires sociales de la société Orange a rejeté sa demande. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pourvoi de cette décision. Par un arrêt du 28 mars 2019, contre lequel la société Orange se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de M. B... contre ce jugement, a annulé la décision du 14 septembre 2015 et enjoint à la société Orange de procéder au réexamen de la demande de l'intéressé tendant à accéder aux échelons fonctionnels de son grade.
2. Il résulte de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom que les personnels de droit public de la société Orange SA sont régis par des statuts particuliers, pris en application des lois du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Aux termes de l'article 56 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'avancement des fonctionnaires comprend l'avancement d'échelon et l'avancement de grade ". Aux termes de l'article 59 alors en vigueur de la même loi : " L'avancement des fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux a lieu sur la base de l'avancement moyen des fonctionnaires du corps auquel ils appartiennent. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article ".
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 14 avril 2015 relatif à l'avancement et à la promotion des fonctionnaires exerçant un mandat syndical à Orange SA, pris pour l'application de ces dispositions, les fonctionnaires des corps de France Télécom en décharge d'activité pour l'exercice de mandats syndicaux, pour une durée égale ou supérieure à 50 % de leur temps de travail, bénéficient de l'avancement d'échelon dans les conditions fixées par les décrets portant statut particulier du corps auquel ils appartiennent. Selon l'article 2 du décret du 29 juillet 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres supérieurs de France Télécom, le corps des cadres supérieurs de France Télécom comprend notamment le grade de cadre supérieur de second niveau, qui est doté de quinze échelons et de deux échelons fonctionnels. Aux termes de l'article 9 du même décret, " Peuvent accéder à l'un ou l'autre des échelons fonctionnels de leur grade les cadres supérieurs de second niveau détachés sur des emplois supérieurs de France Télécom régis par le décret du 26 mars 1993 susvisé, suivant l'une ou l'autre des conditions suivantes : / 1° Avoir atteint le 15ème échelon de leur grade ; (...) / Sont classés au 1er échelon fonctionnel les cadres supérieurs détachés sur un emploi supérieur de deuxième niveau et, au 2e échelon fonctionnel, les cadres supérieurs détachés sur un emploi supérieur de troisième ou quatrième niveau ".
4. Il résulte de ces dispositions que, pour prétendre à l'accès aux échelons fonctionnels de leur grade, les fonctionnaires, cadres supérieurs de second niveau, qui, comme M. B..., ont atteint le 15ème échelon de leur grade, doivent être détachés sur un emploi supérieur de France Télécom. En vertu du décret du 26 mars 1993 relatif aux dispositions applicables à ces emplois supérieurs, la nomination sur un tel emploi, qui procède d'une décision du président du conseil d'administration et qui peut être retirée dans l'intérêt du service, comporte, selon l'article 1er de ce décret, " l'exercice de fonctions de niveau élevé en matière de responsabilité territoriale ou spécialisée, de direction d'établissement, d'expertise ou de conseil, de responsabilité de conception et de proposition de choix des politiques de l'entreprise ".
5. Pour juger que l'absence de détachement de M. B... sur un emploi supérieur ne saurait faire obstacle à l'examen de sa demande d'avancement à l'un des échelons fonctionnels de son grade, la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur les dispositions de l'article 59 de la loi du 11 janvier 1984 pour en déduire qu'il incombait à la société Orange, pour assurer à l'intéressé un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires relevant du même statut particulier en termes d'avancement, d'examiner la demande de M. B... au regard de l'avancement moyen constaté pour l'ensemble de ses collègues au même échelon.
6. Toutefois, si les dispositions de l'article 59 de la loi du 11 janvier 1984 visent à garantir aux fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires relevant du même statut particulier et à les prémunir contre des appréciations défavorables qui pourraient être liées à l'exercice de leur mandat syndical, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de soustraire les fonctionnaires concernés aux procédures d'avancement qui s'appliquent à tous les fonctionnaires, ni de leur reconnaître un droit automatique à l'avancement. Elles ne sauraient davantage leur ouvrir un droit à nomination sur un emploi fonctionnel, catégorie dont relèvent les emplois supérieurs régis par le décret du 26 mars 1993, ni un droit d'accès " sur la base de l'avancement moyen " aux échelons fonctionnels qui y sont directement rattachés. Par suite, en statuant comme elle l'a fait, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Orange est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette société, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande à ce titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 28 mars 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et à M. A... B....