Conseil d'État, 1ère chambre, 29/07/2020, 439801, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1802832 du 26 mars 2020, enregistré le lendemain au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Montpellier, avant de statuer sur la demande du groupement foncier agricole Jourdain C... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 avril 2018 par laquelle le maire de Sauvian (Hérault) a préempté les parcelles cadastrées section AO nos 2, 3, 4 et section AP nos 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 35, a décidé, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles prévu aux articles L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme peut-il être exercé à l'intérieur des zones de préemption créées dans les périmètres sensibles en application de l'article L. 142-1 de ce code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement, alors même que l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme, qui prévoyait cette possibilité, a été abrogé '

La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a présenté des observations, enregistrées le 27 avril 2020.

La commune de Sauvian a présenté des observations, enregistrées le 24 juin 2020.

Le département de l'Hérault a présenté des observations, enregistrées le 1er juillet 2020.

Le GFA Jourdain C..., Mme B... C... et M. D... C... ont présenté des observations, enregistrées le 3 juillet 2020.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... E..., maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. D... Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Sauvian, et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault ;


REND L'AVIS SUIVANT :

1. En application des articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme, dans leur rédaction antérieure à la loi du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement, des périmètres sensibles pouvaient être délimités par le préfet dans les départements inscrits sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat. Il appartenait au préfet d'arrêter les mesures nécessaires à la protection des sites et des paysages compris dans ces périmètres sensibles et d'y créer des zones de préemption au profit du département.

2. La loi du 18 juillet 1985 a modifié les articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme en supprimant le régime de protection des périmètres sensibles et en confiant au département la compétence pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles. L'article L. 142-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de cette loi, prévoyait que, pour la mise en oeuvre de cette politique, le conseil général pouvait créer des zones de préemption. Un nouvel article L. 142-12 disposait que : " (...) Le droit de préemption prévu à l'article L. 142-3 dans sa rédaction issue de la loi (...) s'applique dès l'entrée en vigueur du présent chapitre à l'intérieur des zones de préemption délimitées en application de l'article L. 142-1 dans sa rédaction antérieure (...) ".

3. L'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme, ratifiée par l'article 156 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a recodifié les dispositions relatives aux espaces naturels sensibles, d'une part, aux articles L. 113-8 et suivants pour les dispositions relatives à la politique départementale de protection des espaces naturels sensibles, et, d'autre part, aux articles L. 215-1 et suivants pour celles relatives au droit de préemption dans ces espaces. Cette ordonnance a abrogé, à compter du 1er janvier 2016, la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure, sans reprendre les dispositions de l'article L. 142-12. Il en résulte que, depuis cette date, le droit de préemption prévu aux articles L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme n'est plus applicable dans les zones de préemption créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985, sauf à ce que le département les ait incluses dans les zones de préemption qu'il a lui-même créées au titre des espaces naturels sensibles.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Montpellier, au groupement foncier agricole Jourdain C..., à la commune de Sauvian et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.




ECLI:FR:CECHS:2020:439801.20200729
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