CAA de DOUAI, 1re chambre - formation à 3 (ter), 30/06/2020, 18DA02536, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI, 1re chambre - formation à 3 (ter), 30/06/2020, 18DA02536, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI - 1re chambre - formation à 3 (ter)
- N° 18DA02536
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
30 juin 2020
- Président
- M. Boulanger
- Rapporteur
- Mme Claire Rollet-Perraud
- Avocat(s)
- BARDET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Resina a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois à lui verser la somme de 20 088,53 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du marché de travaux d'étanchéité intérieure des cuves, de ravalement extérieur, de couverture, de serrurerie et de sécurité du réservoir d'eau potable de Fontaine-Notre-Dame. La communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Resina à lui verser la somme de 24 523,52 euros correspondant aux pénalités de retard dues en exécution du marché.
Par un jugement n° 1603421 du 12 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la société Resina et condamné cette dernière à verser à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois une somme de 1 427,04 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2018 et des mémoires enregistrés les 22 et 29 novembre 2019, la société Resina, représentée par Me B... A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) à titre principal de rejeter les conclusions de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, relatives aux pénalités de retard, à titre subsidiaire de limiter le montant des pénalités de retard à 383,77 euros, à titre plus subsidiaire à 3 453,30 euros et à titre infiniment subsidiaire d'augmenter la somme de 23 096,48 euros, retenue à son bénéfice par le tribunal pour la détermination du solde du marché, des intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 27 janvier 2013 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a été enregistrée le 22 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 15 décembre 2010, la communauté d'agglomération de Saint-Quentin, aux droits de laquelle vient la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a confié à la société Resina le marché de travaux d'étanchéité intérieure des cuves, de ravalement extérieur, de couverture, de serrurerie et de sécurité du réservoir d'eau potable de Fontaine-Notre-Dame, pour un prix global et forfaitaire de 115 133,90 euros hors taxes, soit 137 700,15 euros toutes taxes comprises. La société Resina a établi un projet de décompte le 27 décembre 2013, puis, le 19 juillet 2016, a mis en demeure la communauté d'agglomération de Saint-Quentin de lui verser la somme de 20 088,53 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché. Par la suite, la société Resina a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois à lui verser la somme de 20 088,53 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du marché, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2016. A titre reconventionnel, la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois a demandé au tribunal la condamnation de la société Resina à lui verser la somme de 24 523,52 euros correspondant aux pénalités de retard dues en exécution du marché et la compensation de cette somme avec celle due au titulaire du marché. Par un jugement du 12 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société Resina à verser à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois une somme de 1 427,04 euros. La société Résina fait appel de ce jugement sans toutefois remettre en cause la somme en principal de 23 096,48 euros, retenue à son bénéfice par le tribunal pour la détermination du solde du marché, en demandant qu'y soient ajoutés les intérêts
Sur les conclusions de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois relatives aux pénalités de retard dues en exécution du marché :
En qui concerne la recevabilité en première instance de ces conclusions :
2. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves.
3. Il résulte de l'instruction que la société Resina a transmis son projet de décompte final mais n'a pas reçu notification, en retour, du décompte général du marché. Il lui appartenait, dès lors, de mettre en demeure le maître de l'ouvrage d'établir ce décompte et, à défaut, de saisir le tribunal administratif, en application des dispositions de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 qui prévoient que le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général dans un délai de : " quarante jours après la date de remise au maître d'oeuvre du projet de décompte final par le titulaire " et, qu'à défaut : " celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord ". Par suite, la communauté d'agglomération était recevable en première instance à présenter des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société requérante au versement de pénalités de retard dues en exécution du marché, sans que la circonstance que le maître de l'ouvrage n'a pas donné suite à la remise du projet de décompte final n'ait d'incidence sur ce point.
En ce qui concerne le bien-fondé de ces conclusions :
4. Aux termes de l'article 6.3 du cahier des clauses particulières du marché : " Pénalités pour retard-Primes d'avance : Concernant les pénalités journalières de retard, seules les stipulations de l'article 20.1 du CCAG Travaux s'appliquent ". Cet article 20.1 du cahier des clauses administratives générales visé au point précédent et applicable au présent marché prévoit que : " En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA définis à l'article 13.1.1. ".
5. Aux termes de l'article 13.1 du cahier des clauses particulières : " Dispositions applicables à la réception : " Concernant la réception, les stipulations du CCAG travaux s'appliquent ". L'article 41 du cahier des clauses administratives générales énonce que : " Réception : 41.1. Le titulaire avise, à la fois, le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. Le maître d'oeuvre procède, le titulaire ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui est de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l'achèvement des travaux, si cette dernière date est postérieure. 41.1.1. Le représentant du pouvoir adjudicateur, avisé par le maître d'oeuvre de la date de ces opérations, peut y assister ou s'y faire représenter. Le procès-verbal prévu à l'article 41.2 mentionne soit la présence du représentant du pouvoir adjudicateur, soit, en son absence, le fait que le maître d'oeuvre l'avait avisé. (...) 41.2 (...) Dans le délai de cinq jours suivant la date du procès-verbal [des opérations préalables de réception], le maître d'oeuvre fait connaître au titulaire s'il a ou non proposé au représentant du pouvoir adjudicateur de prononcer la réception des ouvrages et, dans l'affirmative, la date d'achèvement des travaux qu'il a proposé de retenir, ainsi que les réserves dont il a éventuellement proposé d'assortir la réception. (...) 41.3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire. (...) 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. ".
6. D'une part, il résulte de l'instruction que par un ordre de service du 23 mars 2011 accepté par le titulaire du marché, la date de début d'exécution des travaux a été fixée au 27 juin 2011 pour une durée de 15 semaines fixée par l'acte d'engagement. Contrairement à ce soutient la société Resina, la communauté d'agglomération n'a pas accepté dans sa lettre du 19 août 2011 de prolongation de la durée des travaux en raison des conditions météorologiques. Le délai d'exécution du marché s'achevait donc le 9 octobre 2011.
7. D'autre part, la société Resina verse à l'instance, dans le but d'établir que la réception des travaux est intervenue le 20 janvier 2012, un document intitulé : " Réception propositions du maître d'oeuvre à la personne responsable du marché ou représentant de la collectivité ou de l'établissement compétent pour signer le marché ", signé mais non daté, par lequel le directeur général des services, en qualité de maître d'oeuvre, propose de prononcer la réception partielle des travaux avec une date d'achèvement de ces travaux le 20 janvier 2012, une réception partielle n'étant au demeurant prévue ni par le cahier des clauses administratives particulières au marché ni par le cahier des clauses administratives générales qui la réserve aux marchés qui prévoient pour une tranche, un ouvrage ou une partie d'ouvrage un délai d'exécution différent de celui de l'ensemble des travaux. Un tel document ne saurait être regardé comme une décision de réception de travaux aux sens des stipulations citées au point 5. Par ailleurs, le document intitulé " décompte des pénalités de retard " non daté, non signé, identifiant en qualité de pouvoir adjucateur la " mairie de Saint-Quentin " et non la communauté d'agglomération et qui indique que la date d'exécution des travaux, raturée, est le 20 janvier 2012 n'est pas davantage de nature à établir que la réception des travaux est intervenue à cette date. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment du courriel adressé le 2 septembre 2013 à la communauté d'agglomération par la société Resina qui, après l'avoir informée de ce qu'elle a réalisé des travaux à la mi-août 2013, lui demande de lui faire parvenir le procès-verbal de réception, que les parties aient eu la commune intention de procéder à une réception tacite des travaux à la date du 20 janvier 2012.
8. Enfin, s'agissant de la détermination de la date d'achèvement des travaux, la société Resina, qui n'établit pas avoir eu connaissance tardivement des réserves, a indiqué à la communauté d'agglomération dans le courriel ci-dessus mentionné du 2 septembre 2013 avoir effectué à la mi-août 2013 des travaux de ravalement extérieur. Puis dans un courriel du 22 octobre 2013, elle a précisé que ces travaux de reprise avaient pris fin le 14 août de cette même année, date qui n'est pas contestée par le maître de l'ouvrage. Par suite, la date d'achèvement des travaux doit être fixée au 14 août 2013 et le nombre de jours de retard à 638 correspondant, en application des stipulations de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales, à un montant de pénalités de 24 485,14 euros.
9. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif. En l'espèce la société Resina ne verse au dossier aucun élément relatif d'une part aux pratiques observées pour des marchés comparables d'autre part aux caractéristiques particulières du marché en litige. La requérante n'est pas, par suite, fondée à demander la modération des pénalités qui lui sont infligées.
10. La somme de 23 096,48 euros toutes taxes comprises que la communauté d'agglomération reste devoir verser à la société Resina en exécution du marché, retenue par le tribunal administratif d'Amiens, n'est pas contestée en appel. Cette somme qui est prise en compte pour la fixation du solde du marché ne saurait être augmentée, comme le demande la société Resina, des intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 27 janvier 2013.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 2 du jugement du tribunal administratif d'Amiens doit être réformé afin de réduire le solde du marché à la somme de 1 388,66 euros toutes taxes comprises en faveur de la communauté d'agglomération.
Sur les frais liés au litige :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois la somme que la société Resina demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois soient mises à la charge de la société Resina, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la société Resina est condamnée à verser à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois est ramenée à 1 388,66 euros toutes taxes comprises.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Resina est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentée par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Resina et à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois.
N°18DA02536 2
Procédure contentieuse antérieure :
La société Resina a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois à lui verser la somme de 20 088,53 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du marché de travaux d'étanchéité intérieure des cuves, de ravalement extérieur, de couverture, de serrurerie et de sécurité du réservoir d'eau potable de Fontaine-Notre-Dame. La communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Resina à lui verser la somme de 24 523,52 euros correspondant aux pénalités de retard dues en exécution du marché.
Par un jugement n° 1603421 du 12 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la société Resina et condamné cette dernière à verser à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois une somme de 1 427,04 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2018 et des mémoires enregistrés les 22 et 29 novembre 2019, la société Resina, représentée par Me B... A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) à titre principal de rejeter les conclusions de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, relatives aux pénalités de retard, à titre subsidiaire de limiter le montant des pénalités de retard à 383,77 euros, à titre plus subsidiaire à 3 453,30 euros et à titre infiniment subsidiaire d'augmenter la somme de 23 096,48 euros, retenue à son bénéfice par le tribunal pour la détermination du solde du marché, des intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 27 janvier 2013 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a été enregistrée le 22 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 15 décembre 2010, la communauté d'agglomération de Saint-Quentin, aux droits de laquelle vient la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a confié à la société Resina le marché de travaux d'étanchéité intérieure des cuves, de ravalement extérieur, de couverture, de serrurerie et de sécurité du réservoir d'eau potable de Fontaine-Notre-Dame, pour un prix global et forfaitaire de 115 133,90 euros hors taxes, soit 137 700,15 euros toutes taxes comprises. La société Resina a établi un projet de décompte le 27 décembre 2013, puis, le 19 juillet 2016, a mis en demeure la communauté d'agglomération de Saint-Quentin de lui verser la somme de 20 088,53 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché. Par la suite, la société Resina a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois à lui verser la somme de 20 088,53 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du marché, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2016. A titre reconventionnel, la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois a demandé au tribunal la condamnation de la société Resina à lui verser la somme de 24 523,52 euros correspondant aux pénalités de retard dues en exécution du marché et la compensation de cette somme avec celle due au titulaire du marché. Par un jugement du 12 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société Resina à verser à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois une somme de 1 427,04 euros. La société Résina fait appel de ce jugement sans toutefois remettre en cause la somme en principal de 23 096,48 euros, retenue à son bénéfice par le tribunal pour la détermination du solde du marché, en demandant qu'y soient ajoutés les intérêts
Sur les conclusions de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois relatives aux pénalités de retard dues en exécution du marché :
En qui concerne la recevabilité en première instance de ces conclusions :
2. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves.
3. Il résulte de l'instruction que la société Resina a transmis son projet de décompte final mais n'a pas reçu notification, en retour, du décompte général du marché. Il lui appartenait, dès lors, de mettre en demeure le maître de l'ouvrage d'établir ce décompte et, à défaut, de saisir le tribunal administratif, en application des dispositions de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 qui prévoient que le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général dans un délai de : " quarante jours après la date de remise au maître d'oeuvre du projet de décompte final par le titulaire " et, qu'à défaut : " celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord ". Par suite, la communauté d'agglomération était recevable en première instance à présenter des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société requérante au versement de pénalités de retard dues en exécution du marché, sans que la circonstance que le maître de l'ouvrage n'a pas donné suite à la remise du projet de décompte final n'ait d'incidence sur ce point.
En ce qui concerne le bien-fondé de ces conclusions :
4. Aux termes de l'article 6.3 du cahier des clauses particulières du marché : " Pénalités pour retard-Primes d'avance : Concernant les pénalités journalières de retard, seules les stipulations de l'article 20.1 du CCAG Travaux s'appliquent ". Cet article 20.1 du cahier des clauses administratives générales visé au point précédent et applicable au présent marché prévoit que : " En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA définis à l'article 13.1.1. ".
5. Aux termes de l'article 13.1 du cahier des clauses particulières : " Dispositions applicables à la réception : " Concernant la réception, les stipulations du CCAG travaux s'appliquent ". L'article 41 du cahier des clauses administratives générales énonce que : " Réception : 41.1. Le titulaire avise, à la fois, le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. Le maître d'oeuvre procède, le titulaire ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui est de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l'achèvement des travaux, si cette dernière date est postérieure. 41.1.1. Le représentant du pouvoir adjudicateur, avisé par le maître d'oeuvre de la date de ces opérations, peut y assister ou s'y faire représenter. Le procès-verbal prévu à l'article 41.2 mentionne soit la présence du représentant du pouvoir adjudicateur, soit, en son absence, le fait que le maître d'oeuvre l'avait avisé. (...) 41.2 (...) Dans le délai de cinq jours suivant la date du procès-verbal [des opérations préalables de réception], le maître d'oeuvre fait connaître au titulaire s'il a ou non proposé au représentant du pouvoir adjudicateur de prononcer la réception des ouvrages et, dans l'affirmative, la date d'achèvement des travaux qu'il a proposé de retenir, ainsi que les réserves dont il a éventuellement proposé d'assortir la réception. (...) 41.3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire. (...) 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. ".
6. D'une part, il résulte de l'instruction que par un ordre de service du 23 mars 2011 accepté par le titulaire du marché, la date de début d'exécution des travaux a été fixée au 27 juin 2011 pour une durée de 15 semaines fixée par l'acte d'engagement. Contrairement à ce soutient la société Resina, la communauté d'agglomération n'a pas accepté dans sa lettre du 19 août 2011 de prolongation de la durée des travaux en raison des conditions météorologiques. Le délai d'exécution du marché s'achevait donc le 9 octobre 2011.
7. D'autre part, la société Resina verse à l'instance, dans le but d'établir que la réception des travaux est intervenue le 20 janvier 2012, un document intitulé : " Réception propositions du maître d'oeuvre à la personne responsable du marché ou représentant de la collectivité ou de l'établissement compétent pour signer le marché ", signé mais non daté, par lequel le directeur général des services, en qualité de maître d'oeuvre, propose de prononcer la réception partielle des travaux avec une date d'achèvement de ces travaux le 20 janvier 2012, une réception partielle n'étant au demeurant prévue ni par le cahier des clauses administratives particulières au marché ni par le cahier des clauses administratives générales qui la réserve aux marchés qui prévoient pour une tranche, un ouvrage ou une partie d'ouvrage un délai d'exécution différent de celui de l'ensemble des travaux. Un tel document ne saurait être regardé comme une décision de réception de travaux aux sens des stipulations citées au point 5. Par ailleurs, le document intitulé " décompte des pénalités de retard " non daté, non signé, identifiant en qualité de pouvoir adjucateur la " mairie de Saint-Quentin " et non la communauté d'agglomération et qui indique que la date d'exécution des travaux, raturée, est le 20 janvier 2012 n'est pas davantage de nature à établir que la réception des travaux est intervenue à cette date. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment du courriel adressé le 2 septembre 2013 à la communauté d'agglomération par la société Resina qui, après l'avoir informée de ce qu'elle a réalisé des travaux à la mi-août 2013, lui demande de lui faire parvenir le procès-verbal de réception, que les parties aient eu la commune intention de procéder à une réception tacite des travaux à la date du 20 janvier 2012.
8. Enfin, s'agissant de la détermination de la date d'achèvement des travaux, la société Resina, qui n'établit pas avoir eu connaissance tardivement des réserves, a indiqué à la communauté d'agglomération dans le courriel ci-dessus mentionné du 2 septembre 2013 avoir effectué à la mi-août 2013 des travaux de ravalement extérieur. Puis dans un courriel du 22 octobre 2013, elle a précisé que ces travaux de reprise avaient pris fin le 14 août de cette même année, date qui n'est pas contestée par le maître de l'ouvrage. Par suite, la date d'achèvement des travaux doit être fixée au 14 août 2013 et le nombre de jours de retard à 638 correspondant, en application des stipulations de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales, à un montant de pénalités de 24 485,14 euros.
9. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif. En l'espèce la société Resina ne verse au dossier aucun élément relatif d'une part aux pratiques observées pour des marchés comparables d'autre part aux caractéristiques particulières du marché en litige. La requérante n'est pas, par suite, fondée à demander la modération des pénalités qui lui sont infligées.
10. La somme de 23 096,48 euros toutes taxes comprises que la communauté d'agglomération reste devoir verser à la société Resina en exécution du marché, retenue par le tribunal administratif d'Amiens, n'est pas contestée en appel. Cette somme qui est prise en compte pour la fixation du solde du marché ne saurait être augmentée, comme le demande la société Resina, des intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 27 janvier 2013.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 2 du jugement du tribunal administratif d'Amiens doit être réformé afin de réduire le solde du marché à la somme de 1 388,66 euros toutes taxes comprises en faveur de la communauté d'agglomération.
Sur les frais liés au litige :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois la somme que la société Resina demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois soient mises à la charge de la société Resina, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la société Resina est condamnée à verser à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois est ramenée à 1 388,66 euros toutes taxes comprises.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Resina est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentée par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Resina et à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois.
N°18DA02536 2