CAA de NANTES, 4ème chambre, 26/06/2020, 19NT01971, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 4ème chambre, 26/06/2020, 19NT01971, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 4ème chambre
- N° 19NT01971
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
26 juin 2020
- Président
- M. LAINE
- Rapporteur
- Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
- Avocat(s)
- BOULAIS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, d'annuler la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité du 20 juillet 2017 portant refus de renouvellement de sa carte professionnelle et d'enjoindre au Conseil national des activités privées de sécurité de lui délivrer la carte professionnelle mentionnée à l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure et en second lieu, de condamner le Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser une somme de 190 444 euros au titre des préjudices subis jusqu'au 1er avril 2018.
Par un jugement n°s 1704226 et 1802838 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, annulé la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité du 20 juillet 2017 et en second lieu, condamné le Conseil national des activités privées de sécurité à verser à M. C... la somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2019 et le 19 mars 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1704226 et 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire présentée dans la requête n° 1802838 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le Conseil national des activités privées de sécurité a implicitement rejeté sa réclamation préalable indemnitaire ;
3°) de condamner le Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser une somme de 190 444 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) d'augmenter à 3 000 euros la somme mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité en première instance au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
5°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 3 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, ou à titre subsidiaire à son profit dans l'hypothèse où le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui serait retiré.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Rennes a retenu deux fautes commises par le Conseil national des activités privées de sécurité tenant l'une, à l'illégalité du second refus de renouvellement de sa carte professionnelle du 20 juillet 2017, et l'autre, au retard à exécuter l'ordonnance du 13 octobre 2017 ordonnant la suspension de l'exécution de ce second refus ; une troisième faute doit être retenue en raison de l'illégalité du premier refus de renouvellement de sa carte professionnelle du 10 décembre 2014, alors que l'illégalité de cette décision a été reconnue par un jugement du tribunal administratif de Rennes ;
- le lien de causalité entre ces trois illégalités et ses préjudices est établi, y compris à l'égard de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de trouver un logement, l'atteinte à sa vie de famille et la privation de soins dont il a souffert ; sans la faute commise par le Conseil national des activités privées de sécurité, il aurait travaillé dès le mois de décembre 2014 puisqu'un emploi lui a été proposé en octobre 2014, puis à nouveau en mars 2015 ; il n'a pas été privé d'une chance d'obtenir un travail et a été effectivement privé d'emplois proposés ; le préjudice économique résultant de l'absence de revenus a eu des répercussions en chaine ; l'impossibilité de prendre un emploi résulte non de la sanction du 12 mars 2014 mais du refus de renouvellement de sa carte professionnelle, puisque la sanction, qui avait pris fin en décembre 2014, lui permettait d'exercer en qualité de salarié ; la décision provisoire du 15 novembre 2017 ne lui permettait pas d'exercer son activité ;
- en ce qui concerne ses préjudices :
o il a subi un préjudice économique en raison de l'absence de revenus ; compte tenu des revenus qu'il aurait pu percevoir et du montant de revenu de solidarité active qu'il a perçu, ce préjudice s'élève à la somme de 30 444 euros ;
o il a subi des troubles dans les conditions d'existence insuffisamment réparés par la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal administratif de Rennes ; sans revenu, il n'a pu louer un logement dans le secteur privé et a dû vivre dans son véhicule entre mars et novembre 2015 ; il n'a pu régler l'assurance de son véhicule s'exposant à des sanctions pénales ; il a été hébergé dans un foyer pour personnes sans domicile fixe entre novembre 2015 et mars 2017 et bénéficie d'un logement social depuis mars 2017 ; il a subi une atteinte à sa vie de famille puisqu'il n'a pu assumer la charge de ses deux fils qui ont intégré les équipes jeunes de l'équipe de France de basket ; il n'a pu les recevoir et entretenir une relation normale avec eux ; ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 100 000 euros ;
o il a été privé de soins médicaux puisqu'il a dû renoncer à consulter en cabinet de psychologue pour des raisons financières ; ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;
- le montant alloué par le tribunal administratif en première instance en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 méconnait les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; ce montant ne peut être inférieur à la part contributive de l'Etat puisque pour les deux instances, au titre de la part contributive de l'Etat son conseil aurait perçu la somme de 1536 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2020, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. C... ;
2°) d'annuler le jugement n° 1704226 et 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 en tant qu'il a fait droit à la demande indemnitaire de M. C... ;
3°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes ;
4°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal administratif de Rennes n'a pas retenu sa responsabilité du fait de la délibération du 10 décembre 2014 ; le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre cette délibération comme irrecevables puisqu'une décision de la CNAC s'y était substituée ;
- le lien de causalité entre les fautes qui ont été retenus et certains des préjudices allégués n'est pas établi, notamment avec l'absence d'emploi de M. C... ; en outre, dès le 15 novembre 2017, l'intéressé pouvait à nouveau exercer les fonctions d'agent de sécurité privée ;
- les préjudices allégués par M. C... ne sont pas établis ; il n'occupait pas d'emploi d'agent de sécurité privée avant le refus de renouvellement de sa carte professionnelle ; les pièces produites n'établissent pas que son état de santé nécessitait un suivi psychologique régulier dont le défaut serait susceptible de caractériser un préjudice indemnisable ; les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis, dès lors que M. C... n'a pas dû quitter son logement en raison du refus de renouvellement de sa carte professionnelle, qu'il n'établit pas avoir vécu dans son véhicule ou n'avoir pu entretenir une relation normale avec ses enfants ; le jugement du tribunal administratif de Rennes doit donc être annulé en ce qu'il l'a condamné à verser une somme de 5 000 euros à M. C... en raison des troubles dans les conditions d'existence.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. C..., et de Me E... représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.
Une note en délibéré présentée pour le Conseil national des activités privées de sécurité a été enregistrée le 15 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... s'est vu délivrer, le 6 août 2009, une carte professionnelle l'autorisant à exercer pour une période de cinq années une activité de surveillance humaine ou de surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou de gardiennage. En août 2014, M. C... a demandé le renouvellement de la carte professionnelle délivrée en 2009 qui arrivait à expiration. Par une décision du 10 décembre 2014, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Ouest lui a refusé ce renouvellement. M. C... a exercé, contre cette décision, un recours préalable obligatoire qui a été implicitement rejeté par la Commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité le 12 avril 2015. Par un jugement n° 1503950 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite de la CNAC et a enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité, dans un délai d'un mois, de délivrer à M. C... une carte professionnelle autorisant l'exercice de la profession d'agent de sécurité privée. Statuant après l'injonction prononcée par le tribunal administratif, la CNAC a, de nouveau, par une décision du 20 juillet 2017, refusé le renouvellement de la carte professionnelle de M. C.... Saisi par M. C..., le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance n° 1704264 du 13 octobre 2017, ordonné la suspension de l'exécution de la décision du 20 juillet 2017 et enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de réexaminer, dans un délai d'un mois, la demande de renouvellement de carte professionnelle présentée par M. C.... Par une décision du 15 novembre 2017 la CNAC, ressaisie en application de l'ordonnance du 13 octobre 2017, a décidé de surseoir à statuer sur le recours administratif présenté par M. C... et l'a autorisé, dans l'attente, à exercer l'activité mentionnée sur sa carte professionnelle initiale. Saisi par l'intéressé sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance n° 1800145 du 9 février 2018, enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de prendre une nouvelle décision sur la demande de renouvellement de la carte professionnelle d'agent de sécurité privée de M. C.... En exécution de cette ordonnance, par une décision du 20 mars 2018, une carte professionnelle autorisant l'intéressé à exercer l'activité privée de sécurité de surveillance humaine ou électronique lui a été délivrée pour la période du 24 octobre 2017 au 24 octobre 2022.
2. Par un jugement n°s 1704226 et 1802838 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, annulé la décision de la CNAC du 20 juillet 2017 et en second lieu, condamné le Conseil national des activités privées de sécurité à verser à M. C... une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice constitué par les troubles dans ses conditions d'existence. M. C... relève appel du jugement du 25 mars 2019 en tant qu'il a limité à 5 000 euros le montant de son indemnisation. Par ailleurs, par la voie de l'appel incident, le Conseil national des activités privées de sécurité relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. C....
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires de M. C... :
En ce qui concerne les fautes imputables à la CNAC :
3. En premier lieu, statuant sur la demande n° 1704226 présentée par M. C..., le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de la CNAC du 20 juillet 2017 au motif que celle-ci était entachée d'une erreur d'appréciation. Ni l'appelant ni le Conseil national des activités privées de sécurité ne relèvent appel de cette partie du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que par une ordonnance n° 1704264 du 13 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Rennes a suspendu l'exécution de la décision du 20 juillet 2017 et a enjoint au CNAPS de réexaminer, au regard des motifs de ladite ordonnance, la demande de renouvellement présentée par M. C... dans un délai d'un mois à compter de sa notification et, dans l'attente d'une nouvelle décision, de lui délivrer une carte professionnelle provisoire. En application de ladite ordonnance, la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité a, le 15 novembre 2017, pris une délibération par laquelle elle a décidé de surseoir à statuer sur le recours administratif préalable obligatoire formé par M. C... jusqu'à l'intervention de la décision prise sur le pourvoi en cassation formé à l'encontre de l'ordonnance de référé, et a autorisé M. C... à poursuivre la profession d'agent de sécurité privée, jusqu'à l'intervention d'une nouvelle décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle. Ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la CNAC ne peut être regardée, en décidant de surseoir à statuer par sa décision, comme ayant exécuté l'injonction qui lui avait été faite de prendre une nouvelle décision sur la demande de renouvellement de M. C... après réexamen de sa situation. C'est dans ces conditions que, par une ordonnance n° 1800145 du 9 février 2018, le président du tribunal administratif de Rennes a enjoint au CNAPS de prendre une nouvelle décision sur la demande de renouvellement de la carte professionnelle d'agent de sécurité privée de M. C... au cours de la première réunion qu'elle tiendrait à la suite de l'intervention de la nomination de ses membres issus des activités privées de sécurité et au plus tard dans un délai d'un mois suivant cette nomination. Il résulte de l'instruction que M. C... s'est vu délivrer une carte professionnelle seulement par une décision du 20 mars 2018. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rennes, ce retard dans l'exécution de l'ordonnance n° 1704264 du 13 octobre 2017 est également constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du Conseil national des activités privées de sécurité.
5. En dernier lieu, l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable à la décision de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle du 10 décembre 2014, disposait que : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission régionale d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 633-9 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " Le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 peut être exercé dans les deux mois de la notification, par la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle, de la décision contestée. Cette notification précise les délais et les voies de ce recours./ Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle. Une copie en est adressée à la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle concernée ".
6. Il résulte des dispositions citées au point précédent du présent arrêt que le recours auprès de la CNAC constitue un préalable obligatoire au recours contentieux et que la décision prise à la suite du recours, qui se substitue nécessairement à la décision initiale, est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité pour annulation. En application de ces dispositions, par le jugement n° 1503950 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision adoptée le 10 décembre 2014 par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle. Néanmoins, la circonstance que ce premier refus de renouvellement de sa carte professionnelle ne pouvait faire l'objet d'un recours en annulation devant le juge de la légalité ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité du Conseil national des activités privées de sécurité à l'égard de M. C... courre à compter de la date à laquelle la commission interrégionale d'agrément et de contrôle lui a refusé pour la première fois le renouvellement de sa carte professionnelle, ce refus ayant fait obstacle à la poursuite de son activité professionnelle. Il résulte, en outre, de l'instruction que par le jugement n° 1503950 du 24 mars 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite de rejet de la CNAC, intervenue sur le recours préalable obligatoire contre la décision du 10 décembre 2014, au motif que cette décision était entachée d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne les préjudices de M. C... et le lien de causalité :
S'agissant de la période d'indemnisation :
7. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 6 du présent arrêt, le refus de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Ouest du 10 décembre 2014 a fait obstacle à la possibilité pour M. C... de poursuivre une activité de sécurité privée en qualité de salarié et constitue donc le début de la période d'indemnisation. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que si par sa décision du 15 novembre 2017 la CNAC a décidé de surseoir à statuer sur le recours préalable obligatoire de M. C..., elle l'a également par cette même décision autorisé à " poursuivre l'activité mentionnée sur sa carte professionnelle initiale ". Cette décision lui permettait donc d'exercer à nouveau son activité de sécurité privée et doit donc correspondre à la fin de la période d'indemnisation.
S'agissant des préjudices indemnisables :
8. En premier lieu, il n'est pas contesté que M. C... a exercé son activité professionnelle dans le domaine de la sécurité privée depuis l'année 2005, d'abord en qualité de salarié puis en qualité de chef d'entreprise à partir de l'année 2007. S'il avait fait l'objet, à la suite de la décision de la CNAC du 20 novembre 2014, d'une interdiction pour une durée de six mois d'exercer en tant que gérant, dirigeant ou associé toutes activités prévues à l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, cette décision ne lui interdisait aucunement d'exercer en qualité de salarié dans le domaine de la sécurité privée, domaine dans lequel il travaillait depuis environ neuf ans. Il résulte, en outre, de l'instruction que le 30 mars 2015, la société Ultima Sécurité lui a proposé un poste en contrat à durée indéterminée d'agent de sécurité dans un magasin situé à Rennes, la production d'une carte professionnelle étant une condition de concrétisation de cet emploi. M. C... est ainsi fondé à soutenir que le refus de renouveler sa carte professionnelle en décembre 2014 est à l'origine d'une perte de chance sérieuse d'occuper cet emploi à temps plein en contrat à durée indéterminée, dans la branche d'activité dans laquelle il justifiait d'une ancienneté de presque dix années.
9. Il résulte de l'instruction que la promesse d'embauche offerte à la fin du mois de mars 2015 à M. C... portait sur un contrat à durée indéterminée pour un emploi à temps complet à un taux horaire brut de 9, 74 euros, soit un taux supérieur d'environ 1,3 % au montant du SMIC brut applicable en 2015. Compte tenu du montant du SMIC net applicable au cours de la période d'indemnisation, à raison d'un contrat à plein temps représentant 151,66 heures mensuelles, M. C... aurait pu percevoir entre avril 2015 et le 15 novembre 2017 des revenus mensuels à raison de son activité d'agent de sécurité privée pour un montant global de 36 456, 24 euros. Par ailleurs, M. C... affirme sans être contredit avoir perçu un montant mensuel de revenu de solidarité active d'environ 472 euros. Dans ces conditions, les pertes de ressources de l'intéressé imputables au refus de renouvellement de sa carte professionnelle doivent être estimées à la somme globale de 21 588 euros au cours de la période d'indemnisation.
10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les difficultés économiques connues par M. C... à la suite du refus de renouvellement de sa carte professionnelle l'ayant empêché de bénéficier d'un emploi en qualité d'agent de sécurité privée ont contribué à ses difficultés pour retrouver un logement, lesquelles ont nécessairement eu une répercussion sur sa vie de famille avec ses deux fils qui résident chez son ancienne compagne. Il sera fait une juste appréciation, ainsi que l'ont fait les premiers juges, des troubles dans les conditions d'existence subis de ce fait par M. C... en les évaluant à la somme de 5 000 euros.
11. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des certificats médicaux produits, que M. C... aurait dû renoncer à suivre certains soins médicaux qui lui étaient nécessaires. Ce chef de préjudice doit donc être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à 5 000 euros le montant de la condamnation prononcée à l'encontre du Conseil national des activités privées de sécurité, le montant de cette condamnation devant être porté à 26 588 euros.
Sur les frais du litige en première instance :
13. L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle dispose que : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat (...) ".
14. Il résulte de l'instruction que M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances n° 1704226 et 1802838 introduites devant le tribunal administratif de Rennes par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 12 octobre 2017 et du 11 octobre 2018. En application des dispositions de l'article 90 du décret du 19 décembre 1991, la rémunération accordée à l'avocat de M. C... en application de ces deux décisions d'aide juridictionnelle rendues pour deux instances différentes équivalaient à 40 UV, soit 1280 euros hors taxe et 1536 euros toutes taxes comprises. Me D... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a limité à 1 500 euros la somme qu'il lui a accordée en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter cette somme à 2 000 euros.
Sur les frais du litige :
15. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le Conseil national des activités privées de sécurité demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
16. En second lieu, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité le versement de la somme de 1 500 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 5 000 euros que le Conseil national des activités privées de sécurité a été condamné à verser à M. C... par l'article 2 du jugement n° 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 est portée à 26 588 euros.
Article 2 : La somme de 1 500 euros que l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 a mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 est portée à 2 000 euros.
Article 3 : Le jugement n°s 1704226 et 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le Conseil national des activités privées de sécurité versera à Me D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 juin 2020.
La rapporteure,
M. F...Le président,
L. Lainé
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01971
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Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, d'annuler la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité du 20 juillet 2017 portant refus de renouvellement de sa carte professionnelle et d'enjoindre au Conseil national des activités privées de sécurité de lui délivrer la carte professionnelle mentionnée à l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure et en second lieu, de condamner le Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser une somme de 190 444 euros au titre des préjudices subis jusqu'au 1er avril 2018.
Par un jugement n°s 1704226 et 1802838 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, annulé la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité du 20 juillet 2017 et en second lieu, condamné le Conseil national des activités privées de sécurité à verser à M. C... la somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2019 et le 19 mars 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1704226 et 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire présentée dans la requête n° 1802838 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le Conseil national des activités privées de sécurité a implicitement rejeté sa réclamation préalable indemnitaire ;
3°) de condamner le Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser une somme de 190 444 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) d'augmenter à 3 000 euros la somme mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité en première instance au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
5°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 3 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, ou à titre subsidiaire à son profit dans l'hypothèse où le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui serait retiré.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Rennes a retenu deux fautes commises par le Conseil national des activités privées de sécurité tenant l'une, à l'illégalité du second refus de renouvellement de sa carte professionnelle du 20 juillet 2017, et l'autre, au retard à exécuter l'ordonnance du 13 octobre 2017 ordonnant la suspension de l'exécution de ce second refus ; une troisième faute doit être retenue en raison de l'illégalité du premier refus de renouvellement de sa carte professionnelle du 10 décembre 2014, alors que l'illégalité de cette décision a été reconnue par un jugement du tribunal administratif de Rennes ;
- le lien de causalité entre ces trois illégalités et ses préjudices est établi, y compris à l'égard de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de trouver un logement, l'atteinte à sa vie de famille et la privation de soins dont il a souffert ; sans la faute commise par le Conseil national des activités privées de sécurité, il aurait travaillé dès le mois de décembre 2014 puisqu'un emploi lui a été proposé en octobre 2014, puis à nouveau en mars 2015 ; il n'a pas été privé d'une chance d'obtenir un travail et a été effectivement privé d'emplois proposés ; le préjudice économique résultant de l'absence de revenus a eu des répercussions en chaine ; l'impossibilité de prendre un emploi résulte non de la sanction du 12 mars 2014 mais du refus de renouvellement de sa carte professionnelle, puisque la sanction, qui avait pris fin en décembre 2014, lui permettait d'exercer en qualité de salarié ; la décision provisoire du 15 novembre 2017 ne lui permettait pas d'exercer son activité ;
- en ce qui concerne ses préjudices :
o il a subi un préjudice économique en raison de l'absence de revenus ; compte tenu des revenus qu'il aurait pu percevoir et du montant de revenu de solidarité active qu'il a perçu, ce préjudice s'élève à la somme de 30 444 euros ;
o il a subi des troubles dans les conditions d'existence insuffisamment réparés par la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal administratif de Rennes ; sans revenu, il n'a pu louer un logement dans le secteur privé et a dû vivre dans son véhicule entre mars et novembre 2015 ; il n'a pu régler l'assurance de son véhicule s'exposant à des sanctions pénales ; il a été hébergé dans un foyer pour personnes sans domicile fixe entre novembre 2015 et mars 2017 et bénéficie d'un logement social depuis mars 2017 ; il a subi une atteinte à sa vie de famille puisqu'il n'a pu assumer la charge de ses deux fils qui ont intégré les équipes jeunes de l'équipe de France de basket ; il n'a pu les recevoir et entretenir une relation normale avec eux ; ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 100 000 euros ;
o il a été privé de soins médicaux puisqu'il a dû renoncer à consulter en cabinet de psychologue pour des raisons financières ; ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;
- le montant alloué par le tribunal administratif en première instance en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 méconnait les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; ce montant ne peut être inférieur à la part contributive de l'Etat puisque pour les deux instances, au titre de la part contributive de l'Etat son conseil aurait perçu la somme de 1536 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2020, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. C... ;
2°) d'annuler le jugement n° 1704226 et 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 en tant qu'il a fait droit à la demande indemnitaire de M. C... ;
3°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes ;
4°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal administratif de Rennes n'a pas retenu sa responsabilité du fait de la délibération du 10 décembre 2014 ; le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre cette délibération comme irrecevables puisqu'une décision de la CNAC s'y était substituée ;
- le lien de causalité entre les fautes qui ont été retenus et certains des préjudices allégués n'est pas établi, notamment avec l'absence d'emploi de M. C... ; en outre, dès le 15 novembre 2017, l'intéressé pouvait à nouveau exercer les fonctions d'agent de sécurité privée ;
- les préjudices allégués par M. C... ne sont pas établis ; il n'occupait pas d'emploi d'agent de sécurité privée avant le refus de renouvellement de sa carte professionnelle ; les pièces produites n'établissent pas que son état de santé nécessitait un suivi psychologique régulier dont le défaut serait susceptible de caractériser un préjudice indemnisable ; les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis, dès lors que M. C... n'a pas dû quitter son logement en raison du refus de renouvellement de sa carte professionnelle, qu'il n'établit pas avoir vécu dans son véhicule ou n'avoir pu entretenir une relation normale avec ses enfants ; le jugement du tribunal administratif de Rennes doit donc être annulé en ce qu'il l'a condamné à verser une somme de 5 000 euros à M. C... en raison des troubles dans les conditions d'existence.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. C..., et de Me E... représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.
Une note en délibéré présentée pour le Conseil national des activités privées de sécurité a été enregistrée le 15 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... s'est vu délivrer, le 6 août 2009, une carte professionnelle l'autorisant à exercer pour une période de cinq années une activité de surveillance humaine ou de surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou de gardiennage. En août 2014, M. C... a demandé le renouvellement de la carte professionnelle délivrée en 2009 qui arrivait à expiration. Par une décision du 10 décembre 2014, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Ouest lui a refusé ce renouvellement. M. C... a exercé, contre cette décision, un recours préalable obligatoire qui a été implicitement rejeté par la Commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité le 12 avril 2015. Par un jugement n° 1503950 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite de la CNAC et a enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité, dans un délai d'un mois, de délivrer à M. C... une carte professionnelle autorisant l'exercice de la profession d'agent de sécurité privée. Statuant après l'injonction prononcée par le tribunal administratif, la CNAC a, de nouveau, par une décision du 20 juillet 2017, refusé le renouvellement de la carte professionnelle de M. C.... Saisi par M. C..., le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance n° 1704264 du 13 octobre 2017, ordonné la suspension de l'exécution de la décision du 20 juillet 2017 et enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de réexaminer, dans un délai d'un mois, la demande de renouvellement de carte professionnelle présentée par M. C.... Par une décision du 15 novembre 2017 la CNAC, ressaisie en application de l'ordonnance du 13 octobre 2017, a décidé de surseoir à statuer sur le recours administratif présenté par M. C... et l'a autorisé, dans l'attente, à exercer l'activité mentionnée sur sa carte professionnelle initiale. Saisi par l'intéressé sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance n° 1800145 du 9 février 2018, enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de prendre une nouvelle décision sur la demande de renouvellement de la carte professionnelle d'agent de sécurité privée de M. C.... En exécution de cette ordonnance, par une décision du 20 mars 2018, une carte professionnelle autorisant l'intéressé à exercer l'activité privée de sécurité de surveillance humaine ou électronique lui a été délivrée pour la période du 24 octobre 2017 au 24 octobre 2022.
2. Par un jugement n°s 1704226 et 1802838 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, annulé la décision de la CNAC du 20 juillet 2017 et en second lieu, condamné le Conseil national des activités privées de sécurité à verser à M. C... une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice constitué par les troubles dans ses conditions d'existence. M. C... relève appel du jugement du 25 mars 2019 en tant qu'il a limité à 5 000 euros le montant de son indemnisation. Par ailleurs, par la voie de l'appel incident, le Conseil national des activités privées de sécurité relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. C....
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires de M. C... :
En ce qui concerne les fautes imputables à la CNAC :
3. En premier lieu, statuant sur la demande n° 1704226 présentée par M. C..., le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de la CNAC du 20 juillet 2017 au motif que celle-ci était entachée d'une erreur d'appréciation. Ni l'appelant ni le Conseil national des activités privées de sécurité ne relèvent appel de cette partie du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que par une ordonnance n° 1704264 du 13 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Rennes a suspendu l'exécution de la décision du 20 juillet 2017 et a enjoint au CNAPS de réexaminer, au regard des motifs de ladite ordonnance, la demande de renouvellement présentée par M. C... dans un délai d'un mois à compter de sa notification et, dans l'attente d'une nouvelle décision, de lui délivrer une carte professionnelle provisoire. En application de ladite ordonnance, la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité a, le 15 novembre 2017, pris une délibération par laquelle elle a décidé de surseoir à statuer sur le recours administratif préalable obligatoire formé par M. C... jusqu'à l'intervention de la décision prise sur le pourvoi en cassation formé à l'encontre de l'ordonnance de référé, et a autorisé M. C... à poursuivre la profession d'agent de sécurité privée, jusqu'à l'intervention d'une nouvelle décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle. Ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la CNAC ne peut être regardée, en décidant de surseoir à statuer par sa décision, comme ayant exécuté l'injonction qui lui avait été faite de prendre une nouvelle décision sur la demande de renouvellement de M. C... après réexamen de sa situation. C'est dans ces conditions que, par une ordonnance n° 1800145 du 9 février 2018, le président du tribunal administratif de Rennes a enjoint au CNAPS de prendre une nouvelle décision sur la demande de renouvellement de la carte professionnelle d'agent de sécurité privée de M. C... au cours de la première réunion qu'elle tiendrait à la suite de l'intervention de la nomination de ses membres issus des activités privées de sécurité et au plus tard dans un délai d'un mois suivant cette nomination. Il résulte de l'instruction que M. C... s'est vu délivrer une carte professionnelle seulement par une décision du 20 mars 2018. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rennes, ce retard dans l'exécution de l'ordonnance n° 1704264 du 13 octobre 2017 est également constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du Conseil national des activités privées de sécurité.
5. En dernier lieu, l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable à la décision de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle du 10 décembre 2014, disposait que : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission régionale d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 633-9 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " Le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 peut être exercé dans les deux mois de la notification, par la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle, de la décision contestée. Cette notification précise les délais et les voies de ce recours./ Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle. Une copie en est adressée à la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle concernée ".
6. Il résulte des dispositions citées au point précédent du présent arrêt que le recours auprès de la CNAC constitue un préalable obligatoire au recours contentieux et que la décision prise à la suite du recours, qui se substitue nécessairement à la décision initiale, est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité pour annulation. En application de ces dispositions, par le jugement n° 1503950 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision adoptée le 10 décembre 2014 par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle. Néanmoins, la circonstance que ce premier refus de renouvellement de sa carte professionnelle ne pouvait faire l'objet d'un recours en annulation devant le juge de la légalité ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité du Conseil national des activités privées de sécurité à l'égard de M. C... courre à compter de la date à laquelle la commission interrégionale d'agrément et de contrôle lui a refusé pour la première fois le renouvellement de sa carte professionnelle, ce refus ayant fait obstacle à la poursuite de son activité professionnelle. Il résulte, en outre, de l'instruction que par le jugement n° 1503950 du 24 mars 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite de rejet de la CNAC, intervenue sur le recours préalable obligatoire contre la décision du 10 décembre 2014, au motif que cette décision était entachée d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne les préjudices de M. C... et le lien de causalité :
S'agissant de la période d'indemnisation :
7. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 6 du présent arrêt, le refus de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Ouest du 10 décembre 2014 a fait obstacle à la possibilité pour M. C... de poursuivre une activité de sécurité privée en qualité de salarié et constitue donc le début de la période d'indemnisation. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que si par sa décision du 15 novembre 2017 la CNAC a décidé de surseoir à statuer sur le recours préalable obligatoire de M. C..., elle l'a également par cette même décision autorisé à " poursuivre l'activité mentionnée sur sa carte professionnelle initiale ". Cette décision lui permettait donc d'exercer à nouveau son activité de sécurité privée et doit donc correspondre à la fin de la période d'indemnisation.
S'agissant des préjudices indemnisables :
8. En premier lieu, il n'est pas contesté que M. C... a exercé son activité professionnelle dans le domaine de la sécurité privée depuis l'année 2005, d'abord en qualité de salarié puis en qualité de chef d'entreprise à partir de l'année 2007. S'il avait fait l'objet, à la suite de la décision de la CNAC du 20 novembre 2014, d'une interdiction pour une durée de six mois d'exercer en tant que gérant, dirigeant ou associé toutes activités prévues à l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, cette décision ne lui interdisait aucunement d'exercer en qualité de salarié dans le domaine de la sécurité privée, domaine dans lequel il travaillait depuis environ neuf ans. Il résulte, en outre, de l'instruction que le 30 mars 2015, la société Ultima Sécurité lui a proposé un poste en contrat à durée indéterminée d'agent de sécurité dans un magasin situé à Rennes, la production d'une carte professionnelle étant une condition de concrétisation de cet emploi. M. C... est ainsi fondé à soutenir que le refus de renouveler sa carte professionnelle en décembre 2014 est à l'origine d'une perte de chance sérieuse d'occuper cet emploi à temps plein en contrat à durée indéterminée, dans la branche d'activité dans laquelle il justifiait d'une ancienneté de presque dix années.
9. Il résulte de l'instruction que la promesse d'embauche offerte à la fin du mois de mars 2015 à M. C... portait sur un contrat à durée indéterminée pour un emploi à temps complet à un taux horaire brut de 9, 74 euros, soit un taux supérieur d'environ 1,3 % au montant du SMIC brut applicable en 2015. Compte tenu du montant du SMIC net applicable au cours de la période d'indemnisation, à raison d'un contrat à plein temps représentant 151,66 heures mensuelles, M. C... aurait pu percevoir entre avril 2015 et le 15 novembre 2017 des revenus mensuels à raison de son activité d'agent de sécurité privée pour un montant global de 36 456, 24 euros. Par ailleurs, M. C... affirme sans être contredit avoir perçu un montant mensuel de revenu de solidarité active d'environ 472 euros. Dans ces conditions, les pertes de ressources de l'intéressé imputables au refus de renouvellement de sa carte professionnelle doivent être estimées à la somme globale de 21 588 euros au cours de la période d'indemnisation.
10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les difficultés économiques connues par M. C... à la suite du refus de renouvellement de sa carte professionnelle l'ayant empêché de bénéficier d'un emploi en qualité d'agent de sécurité privée ont contribué à ses difficultés pour retrouver un logement, lesquelles ont nécessairement eu une répercussion sur sa vie de famille avec ses deux fils qui résident chez son ancienne compagne. Il sera fait une juste appréciation, ainsi que l'ont fait les premiers juges, des troubles dans les conditions d'existence subis de ce fait par M. C... en les évaluant à la somme de 5 000 euros.
11. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des certificats médicaux produits, que M. C... aurait dû renoncer à suivre certains soins médicaux qui lui étaient nécessaires. Ce chef de préjudice doit donc être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à 5 000 euros le montant de la condamnation prononcée à l'encontre du Conseil national des activités privées de sécurité, le montant de cette condamnation devant être porté à 26 588 euros.
Sur les frais du litige en première instance :
13. L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle dispose que : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat (...) ".
14. Il résulte de l'instruction que M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances n° 1704226 et 1802838 introduites devant le tribunal administratif de Rennes par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 12 octobre 2017 et du 11 octobre 2018. En application des dispositions de l'article 90 du décret du 19 décembre 1991, la rémunération accordée à l'avocat de M. C... en application de ces deux décisions d'aide juridictionnelle rendues pour deux instances différentes équivalaient à 40 UV, soit 1280 euros hors taxe et 1536 euros toutes taxes comprises. Me D... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a limité à 1 500 euros la somme qu'il lui a accordée en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter cette somme à 2 000 euros.
Sur les frais du litige :
15. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le Conseil national des activités privées de sécurité demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
16. En second lieu, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité le versement de la somme de 1 500 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 5 000 euros que le Conseil national des activités privées de sécurité a été condamné à verser à M. C... par l'article 2 du jugement n° 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 est portée à 26 588 euros.
Article 2 : La somme de 1 500 euros que l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 a mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 est portée à 2 000 euros.
Article 3 : Le jugement n°s 1704226 et 1802838 du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le Conseil national des activités privées de sécurité versera à Me D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 juin 2020.
La rapporteure,
M. F...Le président,
L. Lainé
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01971
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