CAA de DOUAI, 4ème chambre, 18/06/2020, 17DA01558, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012, la restitution des crédits d'impôt recherche qui lui ont été accordés au titre des années 2009 et 2010 et le remboursement du crédit d'impôt recherche qu'elle a demandé au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1403351 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er et 8 août 2017 et le 15 octobre 2019, la SAS D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;


2°) de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012, la restitution des crédits d'impôt recherche qui lui ont été accordés au titre des années 2009 et 2010 et le remboursement du crédit d'impôt recherche qu'elle a demandé au titre de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... A..., première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SAS D....


Considérant ce qui suit :

1. La SAS D..., dont M. C... D... est le président, exerce à titre principal une activité de fabrication de matériels de stations de lavage et exploite à titre accessoire deux stations de lavage de véhicules en libre-service, situées à Ebeuf (Seine-Maritime) et à La Valette-du-Var (Var). Elle a fait l'objet au cours de l'année 2013 d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos au cours des années 2010 à 2012 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012 correspondant à ces trois exercices. A l'issue de ce contrôle, l'administration, après avoir écarté la comptabilité de la SAS D... comme irrégulière et non probante, a notifié à cette dernière, par une proposition de rectification du 28 juin 2013, des rehaussements procédant notamment, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de la remise en cause du caractère déductible de la taxe relative à certains achats, au motif que ceux-ci n'étaient pas justifiés par l'intérêt de l'entreprise et, en matière d'impôt sur les sociétés, de la réintégration des charges correspondant aux mêmes dépenses ainsi que de la réévaluation de l'avantage en nature constitué par l'utilisation privative, par son président, du véhicule de fonction mis à sa disposition par la société. Ces rectifications ont été partiellement maintenues à la suite des observations formulées par la SAS D... en réponse aux rehaussements proposés et de la saisine du supérieur hiérarchique du vérificateur. A la suite du même contrôle, le service a également remis en cause le crédit d'impôt recherche dont le remboursement avait été accordé à cette société, par deux décisions du 21 novembre 2011, au titre des années 2009 et 2010, et refusé d'admettre le crédit d'impôt recherche déclaré par la société au titre de l'année 2011 mais non encore imputé ni remboursé. La SAS D... relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après le rejet de sa réclamation par une décision du 29 juillet 2014, a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt auxquels elle a ainsi été assujettie en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés au titre de la période vérifiée et au bénéfice du crédit d'impôt recherche au titre des années 2009 à 2012.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 27 novembre 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur général des finances publiques de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord a prononcé le dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SAS D... au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012, à concurrence des sommes de 286 euros en droits et de 35 euros en pénalités, correspondant, après déduction d'une somme de 20 euros au titre de laquelle l'administration forme une demande de compensation, à la taxe sur la valeur ajoutée facturée par différents fournisseurs le 9 octobre 2009, le 29 janvier 2011, le 26 février 2011, le 2 avril 2011, à hauteur de 18,82 euros, et le 25 février 2012. Les conclusions de la requête de la SAS D... relatives à ces impositions et pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. D'une part, l'article 82 du code général des impôts prévoit que le montant des rémunérations allouées sous la forme d'avantages en nature est évalué selon les règles établies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. L'article R. 242-1 du code de la sécurité sociale, pris pour l'application de l'article L. 242-1 du même code, renvoie, pour la détermination de la valeur représentative des avantages en nature pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, à un arrêté interministériel, intervenu le 10 décembre 2002. En relevant que l'administration n'avait pas appliqué les dispositions de l'article 82 du code général des impôts, les premiers juges ont, implicitement mais nécessairement, écarté comme inopérant le moyen, soulevé devant eux par la SAS D..., tiré de l'inapplicabilité des dispositions de l'arrêté du 10 décembre 2002.

4. D'autre part, en relevant que " les décisions de dégrèvement, non motivées, comme en l'espèce, ou la non remise en cause du bénéfice de crédit pour une année postérieure ne sauraient constituer une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal au sens des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ", le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, a suffisamment répondu au moyen soulevé devant lui par la SAS D... et tiré de ce que les décisions du 21 novembre 2011 faisant droit à ses demandes de remboursement d'un crédit d'impôt recherche au titre des années 2009 et 2010 comportaient une prise de position formelle opposable à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, alors même qu'il ne s'est pas expressément prononcé sur le caractère de réclamation de ces demandes.

5. Il suit de là que la SAS D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ces deux points.

Sur le rejet de la comptabilité de la SAS D... :

6. En vertu de l'article 54 du code général des impôts, les contribuables mentionnés à l'article 53 A de ce code, dont font partie les sociétés par actions simplifiées, sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copie de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. L'article R. 123-174 du code de commerce prévoit, par ailleurs, que les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d'une même journée, peuvent être récapitulées sur une pièce justificative unique.

7. Pour écarter comme non probante la comptabilité de la SAS D..., l'administration s'est fondée sur ce que cette société procédait, pour chaque station de lavage disposant d'installations permettant le lavage des véhicules, le gonflage des pneus ou l'utilisation d'un aspirateur, à l'enregistrement global des recettes en espèces selon une périodicité irrégulière et non journalière ainsi qu'à la comptabilisation globale des recettes bancaires par quinzaine, sans distinction selon la nature des prestations fournies. La SAS D... se prévaut d'un courrier émanant de la Fédération nationale de vente et services automatiques selon lequel la tenue d'un livre de caisse au quotidien par machine est impossible dans ce secteur, cette circonstance conduisant les professionnels à tenir un livre de caisse faisant apparaître les dépôts faits en banque régulièrement, sans que ces pratiques appellent de remarques de la part de l'administration fiscale. Elle fait, en outre, valoir que l'insécurité prévalant dans les lieux d'implantation de ses stations de lavage ne permet pas de faire procéder au relevé quotidien des compteurs par un salarié. Si toutefois, en l'absence d'élément technique précis de nature à démontrer l'impossibilité de procéder à l'individualisation des recettes procurées par les stations de lavage exploitées par la société, les irrégularités relevées par l'administration auraient pu justifier que le service procède à leur reconstitution, ces irrégularités n'étaient pas suffisantes pour permettre au service d'écarter la comptabilité de la société comme non probante dans son ensemble, eu égard au caractère accessoire de l'activité d'exploitation des stations de lavage et à l'enregistrement distinct des recettes correspondantes dans des comptes particuliers. Par suite, et alors même que le caractère probant de la comptabilité de la société est sans incidence sur les règles de dévolution de la preuve applicables en l'espèce, tant en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts, que le caractère déductible des charges à prendre en compte pour le calcul du résultat de chaque exercice et la détermination de leur montant, les éléments de preuve comptable apportés par la SAS D... dans le cadre du présent litige, qui ne concerne pas les recettes des stations de lavage, ne peuvent être écartés par principe.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige :

8. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de l'annexe II au même code : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / (...) IV / (...) / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ".

9. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté la rectification qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service ne répond pas aux besoins de l'exploitation ou est utilisé à plus de 90 % à des fins étrangères à l'entreprise.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée opérés à l'issue du contrôle :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des mentions de la proposition de rectification, que l'administration n'a réintégré, à l'issue de la vérification de la comptabilité de la SAS D..., aucune somme dans le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due par la société au titre de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat de vêtements facturé le 8 septembre 2010 par une société tierce. Ainsi, pour contester les rappels de cette taxe restant en litige, la SAS D... ne saurait, en tout état de cause, utilement faire valoir que cet achat a été réalisé dans l'intérêt de l'entreprise.

11. En second lieu, l'administration a maintenu la réintégration, dans le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due par la SAS D..., d'une somme de 17,96 euros, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée facturée le 2 avril 2011 par une société tierce sur des achats de sous-vêtements, de chaussettes, d'un bermuda et de chaussures. L'administration justifie cette rectification au motif que la taxe sur la valeur ajoutée relative à des achats vestimentaires ne peut être déduite que si les articles en cause ont un caractère professionnel, alors que la SAS D... se borne à affirmer, sans produire aucun justificatif, que de tels articles, susceptibles de servir de support publicitaire, étaient destinés à servir d'échantillons tests en vue d'une telle utilisation. En conséquence, l'administration doit être regardée comme établissant que ces achats n'ont pas été réalisés dans l'intérêt de l'entreprise. Par ailleurs, la SAS D... ne saurait utilement se prévaloir, pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des dispositions du 7° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, qui sont relatives aux conditions de déduction, pour la détermination du bénéfice net imposable à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés, de dépenses engagées dans l'intérêt de la société à l'occasion notamment de manifestations sportives et qui concernent, dès lors, un impôt autre que la taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne la demande de compensation formée par l'administration :

12. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'en cas de litige devant le juge de l'impôt, l'administration peut exercer son droit de compensation, malgré l'expiration des délais de répétition.

13. Il résulte de l'instruction, en particulier des mentions de la proposition de rectification du 28 juin 2013 et de celles figurant sur la facture du 2 avril 2011, que le vérificateur a relevé par erreur que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par une société tierce sur des achats à caractère vestimentaire dont, ainsi qu'il a été dit au point 11, il a remis en cause à bon droit la déductibilité, s'élevait à 17,96 euros au lieu des 37,96 euros réellement facturés. Par suite, il y a lieu de faire droit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, à la demande de compensation présentée par l'administration dans le cadre du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 13 que la SAS D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a refusé de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige et que le ministre de l'action et des comptes publics est, quant à lui, fondé à demander la compensation sur la somme en cause.

Sur les rectifications opérées en matière d'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne la portée des conclusions présentées par la SAS D... en matière d'impôt sur les sociétés :

15. Le deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dispose, notamment, que relève de la juridiction contentieuse la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire. Ces mêmes dispositions prévoient que les réclamations contentieuses en ce sens peuvent être présentées, si la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie, dès la réception de la réponse aux observations du contribuable, mentionnée à l'article L. 57 du même livre.

16. Si la SAS D... n'a fait l'objet d'aucune imposition supplémentaire en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 à 2012, l'administration fiscale a réduit le montant de ses résultats déficitaires au titre des exercices clos le 31 mars de chacune de ces trois années. Les conclusions présentées par la société requérante, tant en première instance qu'en appel, aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ces trois années, doivent donc être regardées comme tendant, sur le fondement des dispositions susmentionnées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, à la rectification d'erreurs commises par l'administration dans la détermination de ces résultats déficitaires.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

17. Aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 7° Les dépenses engagées dans le cadre de manifestations de caractère (...) sportif (...) lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ; / (...) ".

18. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.


En ce qui concerne les achats déduits en charges par la SAS D... :

19. En premier lieu, il résulte de l'instruction et, notamment, des factures, des photographies et des documents relatifs à l'organisation de compétitions de karting produits par la SAS D..., que les achats vestimentaires facturés par différents fournisseurs les 9 octobre 2009, 8 septembre 2010, 29 janvier 2011 et 25 février 2012, ont été effectués en vue de l'apposition sur ces vêtements du logo de la société et de leur utilisation à des fins publicitaires au cours des compétitions. La SAS D... est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré les dépenses correspondantes pour le calcul de son résultat net au motif qu'elles étaient dépourvues d'intérêt pour l'entreprise. En revanche, en l'absence de toute justification produite par la SAS D... à l'appui de ses affirmations selon lesquelles les sous-vêtements, chaussettes, bermuda et chaussures, acquis le 2 avril 2011 pour un montant total de 231,67 euros toutes taxes comprises, étaient destinés à la réalisation de tests pour une même utilisation publicitaire, l'administration doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme établissant que ces achats vestimentaires à caractère non professionnel étaient dépourvus d'intérêt pour l'entreprise.

20. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, ainsi d'ailleurs que l'administration l'admet expressément en appel, que les torchons figurant sur la facture du 2 avril 2011, pour un montant de 114,82 euros toutes taxes comprises, étaient destinés à la cantine du personnel de la société. La SAS D... est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré cette somme pour le calcul de son résultat déficitaire au motif qu'elles étaient dépourvues d'intérêt pour l'entreprise.

21. En troisième lieu, la SAS D... établit par des éléments suffisamment précis et concordants, relatifs aux conditions dans lesquelles son président utilise un véhicule loué par la société lors de ses déplacements sur les sites de Seine-Maritime, aux dates de location du véhicule utilisé lors de l'un de ces déplacements et à l'obligation contractuelle pour la société de supporter une franchise en cas de dommage aux véhicules loués, que l'achat de matériel de peinture, facturé le 26 février 2011 par une société tierce, avait pour but de permettre à son président de procéder à une petite réparation en vue d'éviter le paiement de cette franchise. La société requérante est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré le montant de cette dépense dans son résultat déficitaire au motif qu'elle était dépourvue d'intérêt pour l'entreprise.

En ce qui concerne le calcul des avantages en nature accordés à M. D... :

22. D'une part, aux termes de l'article 82 du code général des impôts : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (...) / Le montant des rémunérations allouées sous la forme d'avantages en nature est évalué selon les règles établies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales (...), sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment (...) les avantages en nature (...) ". L'article R. 242-1 du même code renvoie à des arrêtés interministériels la détermination de la valeur représentative des avantages en nature pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

23. L'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, rendu applicable par les dispositions de l'article 82 du code général des impôts à l'évaluation fiscale des avantages en nature accordés par une entreprise à ses salarié, dispose que lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé, dans le cas d'un véhicule acheté par celui-ci, en pourcentage du coût d'achat du véhicule.

24. D'autre part, le second alinéa de l'article 54 bis du code général des impôts prévoit, pour les contribuables visés à l'article 53 A de ce code, l'obligation d'inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel dont les justifications sont, par suite, au nombre des documents qu'ils sont tenus de présenter à toute réquisition de l'administration en application de l'article 54 du même code.

25. Il résulte tant des mentions de la proposition de rectification du 28 juin 2013 que des indications données par la SAS D... notamment devant le tribunal, qu'elle n'a pas été en mesure de fournir au cours de la vérification de sa comptabilité, conformément aux obligations résultant des dispositions des articles 54 et 54 bis, susmentionnés, du code général des impôts, les éléments permettant de déterminer la part privative de l'utilisation par son président du véhicule de fonction mis à sa disposition, alors que ces éléments étaient nécessaires pour calculer, sur la base des dépenses réellement engagées par elle, la valeur de cet avantage en nature. Si elle a fourni, postérieurement aux opérations de contrôle, un relevé, établi par ses soins, des distances parcourues par M. D... avec ce véhicule et des motifs de ces déplacements, ce document, faute d'être corroboré par d'autres indications, n'est pas de nature à justifier que l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule pourrait faire l'objet d'une évaluation autre que forfaitaire. Dès lors, c'est à bon droit, en l'absence de justification probante présentée par la SAS Heuraux, que l'administration a procédé à l'évaluation forfaitaire de l'avantage en nature constitué par l'utilisation privative par le président de cette société du véhicule de fonction mis à sa disposition, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002.

26. Par ailleurs, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le prix d'acquisition du véhicule de fonction mis à disposition de M. D... doit être, non de 72 868 euros, tel que celui retenu par l'administration, mais de 30 000 euros, soit la somme qui, ayant été versée lors de l'acquisition de ce véhicule, correspond à la valeur de rachat à l'issue d'un contrat de crédit-bail, dès lors que cette valeur de rachat ne correspond pas à la valeur réelle du véhicule.

27. Enfin, en se bornant à faire valoir que M. D... dispose d'autres véhicules et à produire une attestation, rédigée par une salariée de l'entreprise, selon laquelle elle a pu constater que le véhicule de fonction était stationné en début et en fin de journée sur le parking de l'entreprise, la SAS D..., qui ne conteste pas, dans son principe, l'utilisation privative par son président du véhicule de fonction mis à la disposition de ce dernier, ne démontre pas le caractère exagéré du montant de cet avantage en nature retenu par l'administration.

Sur la remise en cause du crédit d'impôt recherche accordé à la SAS D... au titre des années 2009, 2010 et le rejet de la demande de remboursement du crédit d'impôt recherche déclaré par la SAS D... au titre de l'année 2011 :

28. Aux termes du I de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 199 ter B du même code : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période (...) ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Enfin, l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts définit les opérations de recherche scientifique ou technique au sens des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts.

En ce qui concerne la régularité de la procédure de reprise :

29. En premier lieu, la SAS D... soutient qu'en méconnaissance du principe d'impartialité qui s'impose à tout agent public, la vérificatrice lui aurait, le 10 janvier 2013, lors de sa première intervention sur place, fait part de son " incompétence " en matière de crédit d'impôt recherche, puis, avant même la remise du mémoire technique, aurait émis l'opinion que les projets portés par la société ne seraient pas éligibles à ce crédit d'impôt. Toutefois, à supposer même établie la tenue de tels propos, dont la réalité est d'ailleurs contestée par l'administration, ceux-ci ne sauraient être analysés comme une prise de position arrêtée par la vérificatrice avant la consultation des services du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à laquelle il a été procédé en application des dispositions de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales. Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que les vérifications dont elle a fait l'objet devraient être regardées comme n'ayant pas présenté toutes les garanties d'impartialité requises.

30. En second lieu, la proposition de rectification du 28 juin 2013, après avoir rappelé les différentes étapes de la procédure dans le cadre de laquelle avait été examiné, au cours de la vérification de la comptabilité de la SAS D..., le droit de la société au bénéfice du crédit d'impôt recherche institué par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts au titre des années 2009 à 2011, dont notamment la demande d'avis adressée au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que la demande de documents complémentaires adressée à cette société, et dont elle précise la teneur, cite les conclusions de l'expert désigné par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le caractère insuffisamment pertinent et détaillé des éléments qui lui ont été soumis par la société, avant d'en déduire que cette dernière n'a " pas été en mesure de répondre aux questions permettant de savoir si les douze projets présentés [constituaient] bien des dépenses de recherche et développement éligibles au crédit d'impôt recherche conformément à l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts et plus précisément au Manuel de Frascatti " et n'a pas " démontré que chaque projet présentait un élément de nouveauté non négligeable ". L'administration fiscale, qui ne s'est ainsi pas crue liée par les conclusions de l'expert, n'était pas tenue de faire figurer dans la proposition de rectification adressée à la SAS D... une analyse de l'éligibilité de chaque projet au dispositif du crédit d'impôt recherche dès lors qu'elle s'est fondée sur ce qu'elle n'avait pas été mise à même d'y procéder. La société requérante ne peut, en outre, utilement se prévaloir du caractère détaillé des rapports rédigés par un autre expert sur ses demandes de crédit d'impôt recherche présentées au titre d'années ultérieures, à supposer même que les projets figurant dans ces rapports constitueraient le prolongement d'opérations mises en oeuvre au cours des années en litige. Par suite, cette proposition de rectification, qui indique par ailleurs la nature, le montant et la période de rattachement des crédits d'impôt recherche concernés, répond à l'exigence de motivation prescrite par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause des crédits d'impôt recherche :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

31. La société requérante ne fait valoir, dans ses mémoires produits devant le juge de l'impôt, aucun élément tendant à démontrer l'éligibilité au dispositif du crédit d'impôt recherche, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 244 B quater du code général des impôts, des dépenses portées sur ses déclarations spéciales déposées le 15 juillet 2010 et le 15 juillet 2011 au titre, respectivement, des années 2009 et 2010.

S'agissant de la doctrine administrative :

32. Aux termes du premier alinéa de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : " II ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Le 1° de l'article L 80 B du même livre étend la garantie prévue au premier alinéa de l'article L 80 A au cas où " l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ". Il résulte de ces dispositions que les contribuables ne sont en droit d'invoquer les interprétation ou appréciations de l'administration sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A et sur celui de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures.

33. Si la SAS D... invoque, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, les deux décisions du 21 novembre 2011 lui accordant initialement le remboursement des crédits d'impôt recherche demandés, pour un montant de 93 523 euros au titre de l'année 2009 et pour un montant de 73 959 euros au titre de l'année 2010, avant leur remise en cause par le service à l'issue de la vérification de sa comptabilité, ces décisions du 21 novembre 2011 ne sauraient être regardées comme comportant une motivation susceptible d'être invoquée par cette société, alors même qu'elles indiquent avoir été prises après un examen attentif des demandes de remboursement et au vu de la documentation présentée par la société et complétée par celle-ci sur demande de l'administration. Ces décisions ne peuvent, en conséquence, être assimilées à une prise de position formelle de l'administration fiscale, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, alors même que les demandes de remboursement du crédit d'impôt recherche revêtent le caractère de réclamations contentieuses.

34. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que les sommes correspondant au montant, toutes taxes comprises, des achats facturés le 9 octobre 2009, le 8 septembre 2010, le 29 janvier 2011, le 26 février 2011, le 2 avril 2011 pour les seuls achats de torchons, et le 25 février 2012, soient déduites pour le calcul de ses résultats déficitaires des exercices clos au titre des années 2010 à 2012.

Sur les frais liés au litige :

35. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais liés au litige et non compris dans les dépens exposés par la SAS D....
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS D..., à concurrence du dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcé par le directeur général des finances publiques de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012.


Article 2 : La somme correspondant au montant de la facture du 9 octobre 2009, réintégré par l'administration fiscale au titre de l'exercice clos par la SAS D... en 2010, est déduite pour le calcul du résultat déficitaire de cet exercice. Les sommes correspondant aux montants des factures du 8 septembre 2010, du 29 janvier 2011 et du 26 février 2011, réintégrés par l'administration fiscale au titre de l'exercice clos par la société en 2011, sont déduites pour le calcul du résultat déficitaire de cet exercice. Les sommes correspondant aux montants des achats de torchons facturés le 2 avril 2011 et de la facture du 25 février 2012, réintégrés par l'administration fiscale au titre de l'exercice clos par la SAS D... en 2012, sont déduites pour le calcul du résultat déficitaire de cet exercice.


Article 3 : Le jugement n° 1403351 du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.


Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
E...A...



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No 17DA01558




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