Conseil d'État, 10ème chambre, 19/06/2020, 431128

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales en date du 6 août 2018 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et prononçant une interdiction de retour d'une durée de trois ans. Par un jugement n°1803906 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n°18MA05229 du 12 février 2019, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai et 23 août 2019 et le 18 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Le Bret Desaché, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. A... B... ;



Considérant ce qui suit :

1. M. B... a saisi la cour administrative d'appel de Marseille d'un appel contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 25 octobre 2018 rejetant sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 6 août 2018 l'obligeant à quitter le territoire français et prononçant une interdiction de retour pendant trois ans. Il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 12 février 2019 par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête comme entachée d'une irrecevabilité manifeste à raison de son caractère tardif.

2. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que : " Les présidents de (...) cour administrative d'appel (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 776-9 du même code, applicable à la contestation des décisions portant obligation de quitter le territoire français mentionnées à l'article R. 776-1 : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". Lorsque le pli recommandé contenant le jugement du tribunal administratif a été notifié à l'adresse que le destinataire a communiquée à la juridiction et qu'elle correspond à un centre de rétention administrative, la signature de l'avis de réception de ce pli par un agent de ce centre atteste seulement que ce pli est bien parvenu à cette adresse. Compte tenu de la situation particulière dans laquelle se trouve une personne faisant l'objet d'une mesure de rétention administrative, le délai d'appel d'un mois ouvert contre ce jugement en vertu des dispositions précitées ne court à l'encontre de cette personne qu'à compter du jour où l'administration lui a remis effectivement ce pli. Le juge établit la date de remise effective du pli à l'intéressé au vu des échanges entre les parties et des éventuelles mesures d'instruction qu'il ordonne.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 octobre 2018 a été notifié à M. B... par le greffe de ce tribunal, le 26 octobre 2018, au centre de rétention administrative de Perpignan, seule adresse que lui avait indiquée l'intéressé. Cet envoi a fait l'objet d'un accusé de réception qui a été retourné signé au greffe du tribunal. Si M. B... soutient qu'il n'est pas le signataire de cet avis, il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la date de cette notification, M. B... avait quitté le centre de rétention administrative sans communiquer sa nouvelle adresse au greffe du tribunal administratif. Dans ces conditions, en relevant que le jugement du tribunal administratif avait été régulièrement notifié à M. B..., le 26 octobre 2018, pour en déduire que son appel était manifestement irrecevable, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille n'a entaché son ordonnance, qu'elle pouvait en tout état de cause prendre sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sans méconnaître l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de dénaturation des pièces du dossier ni d'erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. Son pourvoi doit dès lors être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.



ECLI:FR:CECHS:2020:431128.20200619
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