Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17/06/2020, 431681
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17/06/2020, 431681
Conseil d'État - 6ème - 5ème chambres réunies
- N° 431681
- ECLI:FR:CECHR:2020:431681.20200617
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
17 juin 2020
- Rapporteur
- M. Bruno Bachini
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 juin 2019 et le 24 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 mars 2019 de la garde des sceaux, ministre de la justice, refusant de transmettre au Conseil supérieur de la magistrature sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire ainsi que la décision du 17 avril 2019 rejetant son recours gracieux formé contre ce refus ;
2°) d'ordonner à la garde des sceaux, ministre de la justice, de transmettre sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution et notamment son préambule ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., directrice des services de greffe judiciaires, a présenté sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire. Par une décision du 11 mars 2019, la garde des sceaux a refusé de transmettre sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature. Mme A... demande l'annulation de cette décision ainsi que de la décision du 17 avril 2019 rejetant son recours gracieux formé contre ce refus.
2. D'une part, aux termes de l'article 41-10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommées magistrats exerçant à titre temporaire, pour exercer des fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, les personnes âgées d'au moins trente-cinq ans que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions. (...) / Elles doivent soit remplir les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° de l'article 22, soit être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et justifier de cinq années au moins d'exercice professionnel (...) ". Aux termes de l'article 22 de la même ordonnance : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgés de trente-cinq ans au moins : / (...) 2° Les directeurs des services de greffe judiciaires justifiant de sept années de services effectifs dans leur corps ;(...) ". L'article 41-14 de la même ordonnance prévoit que : " Par dérogation à l'article 8, les magistrats recrutés dans le cadre de la présente sous-section peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Les membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumis à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et leurs salariés ne peuvent exercer des fonctions judiciaires dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés. / Ces magistrats ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d'agent public, à l'exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire placé en disponibilité ne peut être regardé, contrairement à ce que soutient le ministre, comme exerçant une activité d'agent public pour l'application de l'article 41-14 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 par le seul fait que s'il exerçait une activité professionnelle pendant sa période de disponibilité, celle-ci serait assimilée à des services effectifs dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 citées plus haut.
5. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de transmettre au Conseil supérieur de la magistrature la candidature de Mme A..., au motif qu'étant directrice des services de greffe judiciaire, elle ne pourrait, même en étant placée en disponibilité, exercer en tant que magistrat à titre temporaire, la garde des sceaux, ministre de la justice, a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, Mme A... est fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque.
6. L'exécution de la présente décision n'implique pas nécessairement, eu égard à ses motifs, la transmission de la candidature de Mme A... au Conseil supérieur de la magistrature. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre à la garde des sceaux de procéder au réexamen de cette candidature dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les décisions de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 11 mars 2019 et du 17 avril 2019 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la candidature de Mme A... dans un délai de deux mois.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
ECLI:FR:CECHR:2020:431681.20200617
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 juin 2019 et le 24 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 mars 2019 de la garde des sceaux, ministre de la justice, refusant de transmettre au Conseil supérieur de la magistrature sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire ainsi que la décision du 17 avril 2019 rejetant son recours gracieux formé contre ce refus ;
2°) d'ordonner à la garde des sceaux, ministre de la justice, de transmettre sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution et notamment son préambule ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., directrice des services de greffe judiciaires, a présenté sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire. Par une décision du 11 mars 2019, la garde des sceaux a refusé de transmettre sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature. Mme A... demande l'annulation de cette décision ainsi que de la décision du 17 avril 2019 rejetant son recours gracieux formé contre ce refus.
2. D'une part, aux termes de l'article 41-10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommées magistrats exerçant à titre temporaire, pour exercer des fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, les personnes âgées d'au moins trente-cinq ans que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions. (...) / Elles doivent soit remplir les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° de l'article 22, soit être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et justifier de cinq années au moins d'exercice professionnel (...) ". Aux termes de l'article 22 de la même ordonnance : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgés de trente-cinq ans au moins : / (...) 2° Les directeurs des services de greffe judiciaires justifiant de sept années de services effectifs dans leur corps ;(...) ". L'article 41-14 de la même ordonnance prévoit que : " Par dérogation à l'article 8, les magistrats recrutés dans le cadre de la présente sous-section peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Les membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumis à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et leurs salariés ne peuvent exercer des fonctions judiciaires dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés. / Ces magistrats ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d'agent public, à l'exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire placé en disponibilité ne peut être regardé, contrairement à ce que soutient le ministre, comme exerçant une activité d'agent public pour l'application de l'article 41-14 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 par le seul fait que s'il exerçait une activité professionnelle pendant sa période de disponibilité, celle-ci serait assimilée à des services effectifs dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 citées plus haut.
5. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de transmettre au Conseil supérieur de la magistrature la candidature de Mme A..., au motif qu'étant directrice des services de greffe judiciaire, elle ne pourrait, même en étant placée en disponibilité, exercer en tant que magistrat à titre temporaire, la garde des sceaux, ministre de la justice, a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, Mme A... est fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque.
6. L'exécution de la présente décision n'implique pas nécessairement, eu égard à ses motifs, la transmission de la candidature de Mme A... au Conseil supérieur de la magistrature. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre à la garde des sceaux de procéder au réexamen de cette candidature dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
D E C I D E :
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Article 1er : Les décisions de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 11 mars 2019 et du 17 avril 2019 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la candidature de Mme A... dans un délai de deux mois.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.